La revue électronique de l'Institut et Musée Voltaire
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Le titre a quelque chose de choquant. Qui songerait en effet à béatifier aujourd’hui celui dont on est allé jadis jusqu’à cacher la mort, afin de pouvoir l’enterrer en terre chrétienne ? Qui songerait à faire cohabiter, au panthéon des bienheureux, le patriarche de Ferney et la pucelle d’Orléans ?
Qu’on se rassure : c’est à une forme de béatification civile que le pasteur Emmanuel Rolland, au sein de l’article qu’il a publié le 17 décembre dernier dans le mensuel La Vie protestante, prétend amener Voltaire. L’image de l’auteur du Traité sur la tolérance est en effet, selon lui, un « remède » efficace aux « dérives des religions ». Nous reproduisons ici, grâce à la bienveillante autorisation de Daniel Barraud, rédacteur en chef de La Vie protestante, l’article dans son intégralité.

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Le propos d’Emmanuel Rolland  prend  appui sur une longue    citation    de    Voltaire   extraite   de   l’article
« Religion » du Dictionnaire philosophique. C’est également dans cet ouvrage, publié dès 1764, que Voltaire offre cette définition, aujourd’hui célèbre, du fanatisme : « Le fanatisme est à la superstition ce que le transport est à la fièvre, ce que la rage est à la colère. Celui qui a des extases, des visions, qui prend des songes pour des réalités, et ses imaginations pour des prophéties, est un enthousiaste ; celui qui soutient sa folie par le meurtre, est un fanatique. » Dès lors que les âmes sont atteintes de cette « peste » du fanatisme, la religion, selon Voltaire, est de peu de secours puisque, « loin d’être pour elles un aliment salutaire », elle « se tourne en poison dans les cerveaux infectés. » La seule solution à cette « maladie épidémique » reste alors la philosophie, qui « adoucit enfin les moeurs des hommes, et… prévient les accès du mal. »

Mais l’esprit philosophique peut-il encore s’imposer là où règnent la discorde et la mésentente ? Peut-il faire abstraction des données historiques qui ont, depuis l’âge de Voltaire (sorte d’année zéro de la lutte contre l’intolérance) façonné notre manière de vivre ? Emmanuel Rolland prend l’exemple du discours français sur la laïcité. Pur produit des enseignements de 1789, un  tel discours avait  pour but la  lutte contre les seuls
« excités » qu’on connût alors, en matière de religion : les catholiques radicaux. Or si un tel discours avait un sens dans une configuration bipartite, où les « laïcs » s’opposaient aux chrétiens (avec, comme aboutissement, la séparation de l’Eglise et de l’Etat de 1905 et, comme avatar obligé, la querelle de l’école publique et de l’école privée), en a-t-il encore un aujourd’hui, dans une société multiconfessionnelle, bariolée à l’extrême, et peu perméable à l’argument historique d’une laïcité républicaine ?

Or c’est cette question même qui recèle un nouveau danger. En prônant la liberté individuelle contre le contrat républicain, certains « rabats, rabbins, imams, pasteurs et curés » qu’Emmanuel Rolland met, à juste titre, dans le même sac (ce sont tous des « excités d’Orient et d’Occident ») ne cherchent, au bout du compte, qu’à rendre tout dialogue impossible. Quoi que tu dises, mon frère, tu as tort. J’ai quant à moi raison, et je le montre. C’est bien « l’interprétation violente de textes sacrés ambigus » qui est ici en cause et qui fonde, en ce début de vingt-et-unième siècle, un nouveau droit à l’intolérance et au refus d’autrui.

Un  droit  à l’intolérance  que Voltaire avait ainsi défini :
« c’est le droit des tigres, et il est bien horrible, car les tigres ne déchirent que pour manger, et nous nous sommes exterminés pour des paragraphes. »

Va donc pour saint Arouet.



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© IMV Genève | 01.04.2004