La revue électronique de l'Institut et Musée Voltaire
ISSN 1660-7643
       
         
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  SOMMAIRE   Adieu Ferney.
Jean-Louis Wagnière et les deux morts de Voltaire                                      Cet article en pdf 
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par Christophe PAILLARD

L’Institut et Musée Voltaire célèbre son cinquantième anniversaire - occasion rêvée de revenir aux sources pour se projeter dans l’avenir ! Depuis sa naissance, l’IMV répond à une triple vocation. Il est d’abord la bibliothèque, riche de manuscrits et d’imprimés, qui offre aux dix-huitiémistes le cadre idéal de leurs recherches. Il est ensuite l’institution muséale qui expose aux « Délices », si justement nommés, des collections propres à fasciner tout vrai voltairien – le public a récemment apprécié Voltaire et la Chine (2003)  et  Voltaire à  l’opéra (2004), préludant Tremblez, terriens !, exposition sur Voltaire et le tremblement de terre de Lisbonne, qui commémorera en 2005 le séisme ayant bouleversé l’évolution intellectuelle du philosophe. L’IMV est enfin le lieu de publication d’études savantes, à commencer par l’indispensable correspondance intégrale de Voltaire. Force est cependant de reconnaître que l’Institut a délaissé ce troisième aspect de sa vocation depuis les années 1970,  qui  virent  la  translation  à  Oxford  des
« Etudes sur Voltaire et le dix-huitième siècle »

Pour réaffirmer cette tradition en l’occasion de son cinquantième anniversaire, l’IMV lance, en 2005, une nouvelle    collection    d’études    voltairiennes   :    les
« Voltairiana ». Si plusieurs ouvrages sont en préparation, le premier volume de la collection sera dédié à Jean-Louis Wagnière (1739-1802), le secrétaire de Voltaire. On pourra juger paradoxal que les Voltairiana s’ouvrent sur  celui  qui  écrivait  en  1781  :
« je ne prétends point du tout faire un Voltairiana », mais ce paradoxe n’est qu’apparent. Nul n’est mieux placé que Wagnière pour témoigner des singularités de la vie et de l’œuvre de Voltaire. Entré à son service dès 1754, le plus loyal, constant et dévoué de ses secrétaires s’imposa très vite comme le rouage crucial de sa machine éditoriale. Inlassable copiste qui endossait la paternité des écrits que son maître ne souhaitait pas assumer, administrateur et comptable de ses intérêts, intermédiaire des affaires délicates, homme de confiance et, en un mot, factotum et ami de Voltaire, il fut légitimement recommandé à Catherine II en septembre 1778 comme « le seul dictionnaire vivant de tout ce qui tient aux 24 dernières années de l’homme le plus célèbre de notre temps ». Curieusement, aucune monographie ne lui est consacrée. Si sa correspondance avec Voltaire a été depuis longtemps publiée par Beaumarchais, Beuchot ou Besterman, la plupart de ses autographes restent inédits. Ce silence de la recherche est d’autant plus surprenant que ses lettres jettent une lumière nouvelle sur l’histoire du « Voltaire d’outre-tombe », sans laquelle nous ne saurions comprendre les modalités par lesquelles s’est constitué un mythe toujours vivace. L’IMV conserve une importante série d’autographes wagniériens inédits, qui couvrent la période de 1778 à 1780, point de départ de la destinée du Voltaire post mortem.

Ce premier volume des Voltairiana s’intitule : « Adieu Ferney. Jean-Louis Wagnière ou les deux morts de Voltaire ». La mort physique de Voltaire le 30 mai 1778 fut en effet suivie d’une seconde mort, symbolique, voyant la destruction de tout ce qu’il avait créé durant les vingt ans de son établissement à Ferney. En moins de six mois, la bibliothèque est cédée à Catherine II, le château au marquis de Villette, les manuscrits à l’éditeur Charles-Joseph Panckoucke ; le domaine agricole est démembré, les industries horlogères s’effondrent, et le village qui avait été « l’Auberge de l’Europe » ou le lieu de pèlerinage des personnalités les plus renommées du monde des arts, des sciences et des   lettres,     connaît     un     lent     et     inéluctable
« engourdissement ». « Adieu Ferney ». L’expression nostalgique traduit le désarroi et l’impuissance de Wagnière devant le brutal effondrement du « village de la création voltairienne », délaissé par l’héritière de Voltaire, Mme Denis, qui, excédée, s’exclama en septembre 1778 qu'elle voudrait que « le feu fût à Ferney. » Presque toujours empreintes de mélancolie, les lettres de Wagnière permettent de suivre au jour le jour la liquidation de la succession de Voltaire. Elles livrent d’importantes précisions sur le sort de la bibliothèque, riche de près de 7000 ouvrages, qu’il accompagna et installa à Saint-Pétersbourg en 1779, en témoignant notamment de la soustraction de livres, ordonnée par Mme Denis contre la volonté de l’Impératrice de toutes les Russies. Elles contribuent également à éclairer la ténébreuse histoire des manuscrits de Voltaire, dont Panckoucke prit livraison en août 1778. Entre autres aperçus, Wagnière propose le seul inventaire connu de ces papiers, inventaire resté inédit jusqu’à ce jour. Agent de Panckoucke jusqu’en 1783, il contribua de son expertise et de ses papiers à l’établissement de l’édition de Kehl. Aussi n’est-il pas exagéré de le considérer comme le premier « voltairien » si l’on entend par ce terme un dévouement quasi-inconditionnel à la personne et à l’œuvre de Voltaire. N’est-il pas dès lors le personnage le mieux à même d’ouvrir une collection d’études voltairiennes ? Souhaitons, avec ce livre, une riche et longue postérité aux Voltairiana : il était temps que l’IMV renoue avec sa tradition éditoriale.



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© IMV Genève | 01.10.2004