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Signalons
pour commencer le livre de Janine Garrison, L’Affaire
Calas, miroir des passions françaises (Fayard, 2004)
qui vient s’ajouter, mais de manière fort utile,
à l’abondante bibliographie déjà établie
sur ce thème éminemment voltairien.
L’utilité du livre de Janine Garrison vient du fait
qu’elle ne s’est pas contentée de rediscuter
les éléments connus de l’affaire : Marc-Antoine
s’est-il suicidé ou a-t-il été assassiné
? Et, dans ce cas, peut-il l’avoir été par
son propre père ? Peut-il l’avoir été
sans que toute la famille fût complice ? Pourquoi, dès
lors, condamner le seul Jean Calas à la roue ? En fait,
en orientant sa recherche non sur l’événement
lui-même, mais sur la manière dont Voltaire, en intervenant,
a su cristalliser une certaine forme de conscience nationale,
l’auteur ouvre un champ d’exploration bien plus intéressant,
qui est celui de l’héritage de toute cette affaire,
et des enseignements qui ont pu, à diverses époques,
en être tirés. Elle arrive, chemin faisant, à
une interrogation qui touche de plein fouet notre modernité
– et notre bonne conscience.
Le seul reproche sérieux à faire concerne la bibliographie,
sorte de fourre-tout dans lequel le lecteur se retrouve avec peine.
Mais il est vrai que le sujet, très dense, et la taille
du volume, très court, ne permettaient qu’une présentation
lacunaire des ouvrages disponibles.
Restons dans le domaine religieux
avec l’ouvrage de Philippe Goujard, L’Europe catholique
au XVIIIe siècle : entre intégrisme et laïcisation,
paru dans la collection « Histoire », aux Presses
Universitaires de Rennes, en octobre dernier. L’auteur se
propose de montrer que la croyance religieuse, refoulée
dans « la sphère du privé », «
fixa de moins en moins les normes des comportements publics et
céda la place à une morale cherchant dans le droit
naturel et la raison humaine de nouvelles règles des conduites
publiques. » Il peut y avoir du coup « laïcisation
sans déchristianisation », ce qui constitue peut-être
l’originalité du système français.
Les chapitres III et VI sont particulièrement intéressants.
Le premier se penche sur le triomphe de l’opinion publique
en France et accorde une large place à l’étude
de la propagande janséniste, qu’on oublie parfois
dans l’aveuglement des Lumières. Le second s’intitule
« Le front du refus » et met en évidence les
réseaux qui expliquent, entre autres phénomènes,
l’hostilité croissante à l’Etat et la
persistance d’un sentiment religieux dont on aurait tort
de croire que le dix-huitième siècle l’a définitivement
affaibli.
La bibliographie est bien sommaire (encore une fois) mais le lecteur
trouvera en fin de volume deux index fort utiles.
Achevons ce voyage par un
livre tout à fait exceptionnel et qui parle, précisément,
de voyages, puisqu’il s’agit de Naufrage et tribulations
d’un Japonais dans la Russie de Catherine II (1782-1792),
avec une introduction, une traduction et des notes de Gérard
Siary, et une postface de Jacques Proust. Le tout est paru aux
éditions Chandeigne, en octobre 2004.
L’histoire est apparemment très simple : un bateau
japonais chargé de riz est pris dans une tempête
et s’abat sur les côtes russes : s’ensuit un
voyage de dix années qui mènera les imprudents marchands
japonais jusqu’au palais de Catherine II, à Saint-Pétersbourg.
Retournés chez eux et interrogés par le shogun
sur leur périple, ils rédigent ce même récit
de voyage qui nous est donné à lire aujourd’hui.
Quelques lignes sur le jeu d’échecs permettront au
lecteur de mieux apprécier tout l’intérêt
de ce texte : « Il y a un jeu comme nos échecs.
Dit dames à la capitale, pions en Sibérie. Sa planche,
d’environ 1 shaku 2-3 sun carrés,
est souvent en marbre. Elle est quadrillée de huit rangées
en long et en large, deux couleurs alternent d’un carré
à l’autre… Les pièces sont en ivoire,
en corne ou en bois dur. De part et d’autre il y a : un
roi, tel notre ancien ; une reine, tel notre dragon ; deux éléphants,
tels nos kakkô ; deux chevaux du genre de nos keima,
mais qui peuvent circuler librement à gauche, à
droite, en avant et en arrière ; deux barques, comme nos
hisha ; huit pions, qui sont nos fantassins. Mais qui
mangent en biais. »
L’édition est très richement illustrée
et les notes, claires et concises, n’alourdissent jamais
la lecture. La bibliographie est riche, clairement organisée,
et l’index, qui n’est pas un simple index nominum,
permet d’intéressantes lectures transversales. A
parcourir ou à lire absolument.
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