La revue électronique de l'Institut et Musée Voltaire
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C’est en février de cette année qu’est paru, aux éditions Grasset, le Traité d’athéologie de Michel Onfray. Constatant dès la préface que les paradis, enfers et autres « arrière-mondes » lui paraissent « des contre-mondes inventés par des hommes fatigués », l’auteur se propose de démasquer ces « profiteurs embusqués » que sont les autorités spirituelles chargées, depuis des milliers d’années, de faire oublier « l’évidence tragique » de notre univers.

Tels sont peut-être à la fois la première force, et le premier écueil, de ce livre : si la construction d’une pensée athée peut difficilement se concevoir sans la chute des dieux auxquels nous sacrifions depuis trois mille ans, elle ne peut non plus s’arrêter à cette seule étape. Or l’ouvrage de Michel Onfray, quelque passionnant qu’il puisse être, abuse d’une rhétorique accumulative, déjà bien connue des lecteurs de Voltaire (« Nulle part je n’ai méprisé celui qui croyait aux esprits, à l’âme immortelle, au souffle des dieux, à la présence des anges, aux effets de la prière… »). Qui plus est, l’auteur, dans une sorte de captatio benevolentiae, se hâte de dédouaner les moutons que nous sommes, dès la page 29 : « Le croyant, passe encore ; celui qui s’en prétend le berger, voilà trop. »

Quelques pages très éclairantes sur les noms donnés de tout temps aux « esprits forts » sont nettement plus stimulantes. Après avoir déploré qu’on soit obligé de recourir à un préfixe privatif pour désigner ceux qui refusent toute spiritualité (« a-thée, mais aussi a-gnostique, in-croyant, ir-réligieux, in-crédule, im-pie… »), Michel Onfray est obligé de constater que « l’athéisme relève d’une création verbale des déicoles ». Suivent les noms de ceux dont il s’agirait, dans un mouvement de re-création lexicale, de découvrir aujourd’hui le discours : Gassendi, La Mothe Le Vayer, Cyrano de Bergerac, ou encore Cristovao Ferreira, l’abbé Meslier, La Mettrie, dom Deschamps, d’Holbach, Helvétius, Sylvain Maréchal… jusqu’à Feuerbach et Nietzsche.

Et c’est ici, avec Nietzsche, qu’on aborde, aux pages 60-61, le cœur du problème : « Etre nietzschéen suppose penser à partir de lui, là même où le chantier de la philosophie a été transfiguré par son passage. » Ou, dit plus brutalement : « Supprimer Dieu, certes, mais pour quoi faire ? » Et que peut bien être une éthique vide d’esprit ? A ces questions, deux réponses sont proposées : l’Histoire a d’abord assez montré quels types de comportements a pu produire une éthique sous-tendue par l’idée d’une possible transcendance ; et si nous concevons avec difficulté une éthique athée, c’est parce que nos canons de pensée, même s’ils s’en défendent parfois, sont tous hérités du judéo-christianisme. Difficile alors de penser l’immanence.

Les trois dernières parties de l’ouvrage proposent ce qu’on pourrait nommer un « voyage en monothéisme », avec examen critique du Livre, ou des Livres, puisque judaisme et Islam font évidemment partie de la fête. Une petite pointe de déception, et même deux, peu(ven)t alors dérouter le lecteur. D’abord, l’auteur retombe dans des systèmes d’accumulation rhétorique qui, s’ils ont pour vertu essentielle d’aider à dénoncer la duperie monothéiste, n’en finissent pas moins par lasser – et par lasser d’autant plus que les mêmes effets ont été utilisés, à profusion, il y a déjà deux cent cinquante ans. Mais surtout, certains des « recours » esquissés n’ont rien de convaincant : que penser par exemple de cette apologie répétée de la psychanalyse ? Et existe-t-il une construction intellectuelle plus marquée des fables vétérotestamentaires que celles du vieux père Freud ?

La bibliographie commentée, qui occupe dix-sept pages en fin de volume, est proprement captivante. Le livre aussi, d’une certaine manière, mais il nous laisse sur notre faim.

Consolons-nous donc, en attendant une possible Somme athéologique, avec deux petits volumes voltairiens récemment parus : le premier est intitulé L’Affaire Paméla : Lettres de Monsieur de Voltaire à Madame Denis, de Berlin (éditions Paris-Méditerranée, 2004). André Magnan y présente le fruit d’une « intuition » qu’il a eue « il y aura bientôt trente ans » : « l’existence insoupçonnée, l’émouvante survie jusqu’à nous d’un inédit remarquable de Voltaire. » Les lettres écrites à Madame Denis, depuis Berlin, et jusqu’à présent insérées dans sa correspondance comme s’il s’agissait de lettres véritables, participent en effet, selon André Magnan, d’une véritable construction romanesque, et méritent à ce titre d’être classées au sein des œuvres.

Le deuxième volume est une pièce de théâtre : Voltaire/Newton. Publiée en 2005 aux éditions du Cardinal, on la doit à Frédéric Desbordes et Michel Morizot. Elle a été créée le 20 octobre 2004 à la salle Jean Monnet de Saint-Genis-Pouilly et quelques extraits ont pu en être entendus à Ferney, en juin dernier, lors de la Fête à Voltaire. Sous-titrée « pièce à caractère fantastique et historique », elle met en scène, outre Voltaire et Emilie du Châtelet, Newton, Poincaré, Maupertuis et quelques autres. A lire en parallèle de certain Traité d’athéologie, une pomme à la main.




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© IMV Genève | 06.04.2005