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« Erni chez Voltaire : dialogue à Genève »
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Portrait de Mlle Clairon dans le rôle d'Idamé
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Pour le premier des clins d’oeil de l'Institut et Musée
Voltaire cette année, nous voici en présence de
Claire-Josèphe-Hippolyte Léris de Latude, dite
Mlle Clairon, l’une des plus grandes tragédiennes
du dix-huitième siècle.
Vous
la voyez ici dans le rôle d’Idamé, dans L’Orphelin
de la Chine, tragédie de Voltaire, représentée
pour la première fois sur la scène de la Comédie-Française
en août 1755, l’année-même de l’installation
de Voltaire à Genève.
Mais
il convient, avant de parler de cette dame tout à fait
charmante, du moins s’agissant de ses traits, de rappeler
de quoi il est question, dans L’Orphelin de la Chine. La
scène, nous dit-on, est « dans un palais des
mandarins qui tient au palais impérial, dans la ville
de Cambalu, aujourd’hui Pékin ». Idamé,
que nous voyons ici, femme du grand prêtre Zamti, confie
ses craintes à sa suivante, Asséli. Le barbare
Gengis-Kan, qui désole la Chine et s’apprête à envahir
Pékin, n’est autre que ce timide guerrier qu’elle
avait connu vingt ans plus tôt, qui s’appelait alors
Témugin, et qui lui avait, mais vainement, demandé sa
main. Nous ne résistons pas au plaisir de vous faire découvrir
la petite tirade qui achève l’exposition :
C’est lui-même, Asséli,
son superbe courage,
Sa future grandeur brillait sur son visage.
Tout tremblait, je l’avoue, esclave auprès de lui,
Et lorsque de la Cour il mendiait l’appui,
Inconnu, fugitif, il ne parlait qu’en maître,
Il m’aimait ; et mon cœur s’en applaudit
peut-être ;
Peut-être qu’en secret je tirais vanité
D’adoucir ce lion dans mes fers arrêté,
De plier à nos mœurs cette grandeur sauvage,
D’instruire à nos vertus son féroce courage,
Et de le rendre enfin, graces à ses liens,
Digne un jour d’être admis parmi nos citoyens.
Il eût servi l’état qu’il détruit
par la guerre :
Un refus a produit les malheurs de la terre.
De nos peuples jaloux tu connais la fierté,
De nos arts, de nos lois, l’auguste antiquité,
Une religion de tout temps épurée,
De cent siècles de gloire une suite avérée,
Tout nous interdisait, dans nos préventions,
Une indigne alliance avec les nations.
Enfin un autre hymen, un plus saint nœud m’engage ;
Le vertueux Zamti mérita mon suffrage.
Qui l’eût cru, dans ces temps de paix et de bonheur,
Qu’un Scythe méprisé serait notre vainqueur ?
Voilà ce qui m’alarme, et qui me désespère ;
J’ai refusé sa main ; je suis épouse
et mère.
Il ne pardonne pas ; il se vit outrager,
Et l’univers sait trop s’il aime à se venger.
Etrange destinée, et revers incroyable ;
Est-il possible, ô Dieu, que ce peuple innombrable
Sous le glaive d’un Scythe expire sans combats,
Comme de vils troupeaux que l’on mène au trépas.
L’affaire se complique lorsque Zamti, le vertueux mari,
vient annoncer que l’empereur est mort, et que lui-même
n’a pu que s’enfuir avec le bébé dudit
empereur. Un bébé qui devient, par la force des
choses, le dernier rejeton de la dynastie régnante. Survient
alors Octar, le principal lieutenant de Gengis-Kan, qui exige
qu’on lui livre l’enfant. Zamti fait éloigner
son épouse et ordonne à son confident de livrer
son propre fils en lieu et place du fils de l’empereur.
L’acte
suivant s’ouvre sur un coup de théâtre :
au moment où l’enfant de Zamti et Idamé allait être égorgé,
Idamé parvient à l’arracher à ses
bourreaux et vient reprocher à Zamti ce qu’elle
appelle un sacrifice inutile. Octar, furieux, survient et redemande
l’enfant avant de chasser Zamti et Idamé de la scène :
Gengis approche en effet, et veut demeurer seul. La fin de l’acte
nous offre une très longue tirade de Gengis-Kan, éperdu
de rage quand il apprend qu’une femme a sauvé l’enfant
qu’on allait abattre, mais attendri à la pensée
de celle qu’il avait autrefois aimée, en ce même
lieu.
Vous
l’avez compris : au dilemme politique, voisin de celui
qui avait alimenté l’Andromaque de Racine,
se joint ici une intrigue amoureuse : Gengis, à l’instar
de Pyrrhus, est tenté de troquer la liberté et
la vie de l’enfant contre la vertu d’Idamé.
La fin de la pièce sera conforme au schéma racinien :
tandis que Zamti et Idamé décident de se tuer aussitôt
après avoir arraché la liberté de l’enfant,
Gengis décide de pardonner à tous, et de laisser
la vie sauve au bébé chinois. Il se dit éclairé par
les « vertus » d’Idamé et
de son mari. Le dernier mot de la pièce n’est d’ailleurs
autre que « vertus ».
L’intérêt
de ce portrait signé Jean-Pierre Leprince réside
essentiellement dans le costume adopté par la tragédienne :
on se rappelle en effet qu’elle fut à l’origine,
en même temps que son camarade Lekain, d’un bouleversement
dans l’agencement (ce que l’on appellerait aujourd’hui
la « mise en scène ») des tragédies
voltairiennes : il s’agissait de donner plus de naturel à l’expression,
en favorisant une adéquation du costume et de la scène
décrite. Certes, on ne voit pas bien ce qu’il y
a de « chinois » dans le portrait de Leprince :
mais l’aigrette, qui a fait le succès de la comédienne,
a su conférer à son rôle une identité particulière.
Ce
portrait se trouve aujourd’hui situé dans la salle
de théâtre du rez-de-chaussée, entre le portrait
de Lekain par Simon-Bernard Lenoir et celui de Larive, nouvellement
acquis, et prochainement restauré.
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