La revue électronique de l'Institut et Musée Voltaire
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Voltaire nous écrit… ou plutôt écrit à madame Denis, sa nièce, restée aux Délices.

Nous voudrions en effet vous présenter aujourd’hui le texte d’une lettre en grande partie inédite de Voltaire, qui a été mise en vente à l’hôtel Drouot, à Paris, le jeudi 16 mars dernier. L’Institut Voltaire était naturellement sur les rangs, soutenu par la Bibliothèque Publique et Universitaire. Nous avons malheureusement dû renoncer à une acquisition dont le prix a dépassé de plusieurs milliers d’euros les estimations les plus optimistes.

Nous sommes le 2 juillet 1758 et Voltaire, en partance pour Mannheim, écrit à madame Denis, qui est restée à Genève. Voltaire se déclare attristé de cette séparation, mais « ce voyage à Mannheim est un devoir qu’il fallait remplir. » « Soyez très sûre, ajoute-t-il, que ce sera de tous les devoirs, le plus promptement dépêché, et que je reviendrai bientôt au seul devoir de mon cœur. » Il fait le récit de son voyage « par le déluge » jusqu’à Lausanne : « Il pleuvait dans la berline à peu près comme dans le grand chemin. » Il raconte son dîner chez M. d’Hermenches, puis annonce à madame Denis l’arrivée en Suisse de son amie la comtesse Bentinck, qui a envoyé à Montriond Mlle de Donop, « un maître d’hôtel, un secrétaire, et plusieurs domestiques. C’est la transmigration de Babylone. Son secrétaire qui m’est venu voir, m’a dit qu’elle avait voulu me surprendre. Ces surprises-là ne sont bonnes que dans une comédie. Vous la recevrez, ma chère enfant, comme vous pourrez, dès qu’elle arrivera à Genève. Vous aurez la bonté de l’inviter à venir coucher chez nous. »

Après de nouveaux témoignages d’affection, Voltaire déclare vouloir partir le lendemain pour Morat : « Si j’ai de la santé, je ne m’arrêterai de nulle part afin de revenir plus tôt. Il me semble que je ne marche que comme moitié de coq : j’ai laissé l’autre moitié et la meilleure aux Délices. » Au Chêne, il a trouvé le potager « en meilleur ordre que le nôtre dont vous tirez si peu de secours, des contrevents neufs et bien fermants, la maison en très bon état. Il n’y manquait que vous, et vous pouvez croire que la maison m’a paru vilaine. » Après ces quelques galanteries, Voltaire se livre à quelques recommandations particulières : Ayez surtout grand soin de votre santé. Promenez-vous quelquefois dans les allées que j’ai plantées. J’ai quelque envie aussi que vous vous promeniez dans celles de Champignelle et de vous voir dame de château avec votre aumônier. Une belle terre à gouverner est une chose très amusante, et si vous pouvez aimer cette vie qui est la plus naturelle, la plus tranquille, et la plus saine, je serai le plus heureux des hommes. Paris n’est bon qu’à vingt-cinq ans. Nous pourrions un jour céder la maison du Chêne à madame de Bentinck. Nous ne serions pas en peine des Délices. Mais tout cela est éloigné, et je ne songe à présent qu’à me rapprocher de vous. Je vous dis adieu, ma chère enfant, je vous embrasse mille fois, dites pour moi les choses les plus tendres à votre sœur. »

Outre les témoignages d’affection qui rendent cette lettre des plus intéressantes, en ce qu’ils aident à préciser la nature des relations entre Voltaire et sa nièce, la période du voyage dit du « voyage de Mannheim » sur laquelle les voltairiens s’interrogent encore, est ici présentée sous un jour nouveau. Les très récentes découvertes des éditeurs du fonds Gerlier de l’IMV, lequel, suite à la signature d’une convention entre la Ville de Genève et la ville de Ferney-Voltaire, sera prochainement publié, portent en ce moment même l’accent sur les conditions d’acquisition de la seigneurie de Ferney par le patriarche : or il semble précisément que cette période soit riche de toutes sortes d’enseignements nouveaux.

La lettre ci-dessus a été acquise par un collectionneur privé pour, frais d’adjudication compris, plus de vingt-cinq mille francs. Si l’intérêt d’un tel document demeure absolument incontestable, on peut néanmoins s’interroger sur la flambée des prix « voltairiens » depuis quelques années. Mais, dira-t-on, Voltaire a la cote ! Est-ce une consolation ?




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© IMV Genève | 01.04.2006