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En marge de L’Égypte des Lumières : clin d’œil à Jean-Baptiste Adanson (1732-1804)

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Nous proposons à nos lecteurs quelques reproductions d’un manuscrit trouvé dans les papiers de Jean-Baptiste Adanson (1732-1804), drogman en Égypte, papiers récemment acquis par l’Institut et Musée Voltaire de Genève et qui viennent compléter une première série de documents achetés par l’université John Hopkins de Baltimore, et déposés en 1999 à la bibliothèque Milton S. Eisenhower.

Le nom de Jean-Baptiste Adanson est aujourd’hui bien oublié. Plusieurs raisons à cela : Jean-Baptiste a d’abord été occulté par la gloire de Michel (1727-1806), le plus jeune de ses trois frères aînés, célébré pour ses compétences en histoire naturelle et la réussite de son long périple au Sénégal (lequel donne précisément lieu, en 1757, à la publication d’une Histoire naturelle du Sénégal, bientôt suivie de La Famille des plantes) ; son activité de drogman, outre qu’elle s’exerçait forcément dans des pays lointains, voire des zones reculées, ne le prédisposait pas par ailleurs à occuper le devant de la scène ; enfin ses travaux, s’ils ont eu le mérite de compléter ceux de voyageurs plus célèbres, et qu’il a d’ailleurs parfois lui-même accompagnés, ont été rapidement occultés par le prestige de l’expédition bonapartiste avant d’être définitivement enterrés par le génie de Champollion. Comble d’infortune, les manuscrits d’Adanson, dont on s’inquiète encore sous la Révolution, ne seront retrouvés, comme on vient de le voir, qu’après plus de deux cents ans d’errance.

Mais faisons d’abord connaissance avec notre hôte. Né à Paris le 3 juillet 1732, il entre à Louis-le-Grand sept ans plus tard, y apprend le grec, le latin et le turc, et y révèle des dons de calligraphe. Accueilli par le collège des capucins de Constantinople en 1750, il devient drogman à l’âge de vingt ans. Mais, dira-t-on, qu’est-ce qu’un drogman ? Le mot, d’origine byzantine, est lui-même étrange. Il s’agit en fait d’un interprète chargé de faciliter les relations entre ambassades ou missions occidentales et autorités de l’Empire Ottoman. La fonction, même si elle reste mal considérée et peu susceptible d’une promotion intéressante, confine parfois à la diplomatie : certains drogmans particulièrement habiles, et dont les connaissances de terrain s’étaient révélées un paramètre essentiel à la bonne marche de telle ou telle affaire, se sont ainsi vus octroyer le titre de consul.
Tel ne fut pas le cas d’Adanson, dont la carrière, après quarante ans passés dans les différentes Échelles du Levant, semble culminer lorsqu’il est nommé premier drogman à Alexandrie. Encore cela ne s’est-il fait qu’au prix de nombreuses péripéties, voire de réels dangers : les rares monographies disponibles sur Adanson rapportent toutes le fâcheux incident de 1769 : « En représailles à la capture d’un vaisseau turc par les corsaires maltais, le premier drogman Brüe et lui, alors second drogman, furent bastonnés sur la plante des pieds sur ordre du pacha. L’insulte faite à la France était très grave et fut traitée par le ministre des Affaires Étrangères lui-même [1] ». Le malheureux Adanson, s’il est gratifié à titre de compensation d’une pension de 500 livres, n’en reste pas moins estropié.
Les avis des contemporains sur Adanson sont partagés : si ses supérieurs ne sont pas loin de voir en lui un assez mauvais sujet, quitte à souhaiter qu’il reste au Levant et ne vienne pas encombrer les couloirs des ministères, les voyageurs qui le rencontrent ne tarissent pas d’éloges sur sa disponibilité et son aptitude à rendre compte, par le truchement du dessin notamment, des trésors que recèlent les monuments égyptiens. Notons en particulier l’aide qu’il apporte au comte d’Entraigues, dont le périple, en 1779, s’avère des plus difficiles, et sa rencontre avec Volney, quatre ans plus tard.

Le séjour de Jean-Baptiste Adanson en Égypte est loin d’être resté improductif. Ses principaux biographes rappellent qu’il avait en manuscrits divers ouvrages, et que le comité d’instruction de la Convention l’engagea même, en 1795, à les lui transmettre pour impression. Il faut toutefois attendre l’extrême fin du vingtième siècle pour en voir apparaître les premiers échantillons. Jen Kimpton rappelle ainsi, dans un article très suggestif, que la bibliothèque Eisenhower vient d’acquérir ce qui lui semblait –à tort- constituer l’ensemble des manuscrits manquants d’Adanson, à savoir « quatre cahiers contenant plus de cinquante pages de dessins à l’encre avec des reproductions approximatives d’hiéroglyphes. » De surcroît, « il existe un cinquième cahier qui semble contenir des notes de la main d’Adanson combinées avec d’autres reproductions hiéroglyphiques. » La collection est enfin « complétée par d’autres feuilles de hiéroglyphes avec leurs traductions supposées [2]. » De fait, bien des dessins reproduits par Jen Kimpton ressemblent à ceux des quelques documents parvenus à Genève, constitués quant à eux de deux carnets de notes et dessins autographes de 70 et 40 ff. sur vélin muet ou demi-vélin vert pomme. Une étiquette collée sur les contreplats indique que les carnets proviennent « des archives de Michel Adanson ». Leur contenu est à première vue hétéroclite : on y trouve en effet une ébauche de dictionnaire historique, des notes sur la chronologie, le gouvernement et les lois, la religion, les sciences, les obélisques, l’astrologie et les cultes des anciens Égyptiens. À noter également, une « Préface » contenant des renseignements autobiographiques et qui semble destinée à un ouvrage sur la Turquie et le gouvernement de Tunis. Enfin, l’un des carnets propose une représentation de l’alphabet copte agrémentée de nombreux dessins à l’encre surmontés de transcriptions en arabe : dessins qui semblent à la fois compléter et approfondir ceux de la collection de la bibliothèque Eisenhower.

Nos aimables lecteurs sont invités à découvrir les cahiers originaux de Jean-Baptiste Adanson dans l’avant-dernière salle de l’exposition L’Égypte des Lumières, jusqu’au 28 septembre prochain. Ils peuvent également se procurer le texte intégral du Récit d’un récipiendaire, écrit de la main même d’Adanson, dans le numéro 6 de la revue Orages, littérature et culture 1760-1830, disponible à l’Institut ou sur le site www.orages.eu


[1] Antoine Gautier et Marie de Testa, « Quelques dynasties de drogmans », dans Revue d’histoire diplomatique, n°105, 1991, p. 42. On trouvera, dans la même livraison, un très intéressant article intitulé « Les drogmans au service de la France au Levant », pp. 7-38.

[2] Jen Kimpton, « Jean-Baptiste Adanson (1732-1804) : a French Dragoman in Egypt and the Near East », dans Travellers in the Near East, edited by Charles Foster, Londres, Stacey International, 2004, p. 90. L’article couvre les pp. 73 à 106 et contient une bibliographie indicative.


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© IMV Genève | 01.07.2007