La revue électronique de l'Institut et Musée Voltaire
ISSN 1660-7643
       
         
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La Société Jean-Jacques Rousseau de Genève s’installe aux Délices

 

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Qu’est-ce que la Société Jean-Jacques Rousseau ?

C’est le lundi 6 juin 1904 qu’a été fondée, à l’Université de Genève, la Société Jean-Jacques Rousseau. Ses statuts, approuvés après une courte discussion, lui enjoignent « de développer et de coordonner les études relatives à Jean-Jacques Rousseau, à son œuvre et à son époque », de publier une édition critique de ses œuvres et de réunir « sous le nom d’Archives Jean-Jacques Rousseau, les manuscrits, imprimés, portraits, médailles, souvenirs et autres documents de toute nature qui se rapportent à cet écrivain. » 

L’un des fondateurs et premier président de la Société n’est autre que Bernard Bouvier (1861-1941), professeur à l’Université de Genève. D’abord agrégé d’allemand, Bernard Bouvier avait succédé en 1895 à Édouard Rod à la chaire de littérature française. Marcel Raymond parle de  « son charme un peu hautain », des « inflexions d'une voix singulière » et rappelle son « accent persuasif ». Président de la Société Jean-Jacques Rousseau depuis sa fondation, en 1904, jusqu’à sa mort, en 1941, Bernard Bouvier a également été président de l’Institut National Genevois et a siégé au Comité international de la Croix-Rouge.

Au moment de sa fondation, il est décidé, en accord avec la Ville de Genève, que la future société se voie attribuer « une salle […] réservée aux Archives Jean-Jacques Rousseau dans le bâtiment agrandi et nouvellement aménagé de la Bibliothèque publique. » Pour le reste, le Conseil administratif se propose de mettre à disposition « un subside assurément modeste » mais appelé à devenir « une allocation régulière, inscrite au budget annuel. » Ce sont précisément ces principes fondateurs que la Ville de Genève et la Société Jean-Jacques Rousseau ont décidé de réactiver aujourd’hui, grâce à la création de la Bibliothèque de la Société dans les locaux de l’Institut Voltaire et à la prochaine signature d’une convention de subventionnement.

Plusieurs questions sont posées, entre 1904 et 1918, à Bernard Bouvier et à ses collègues. La première touche à la position de la Société dans le vieux conflit qui agite, depuis la nuit des temps, adversaires et défenseurs de Rousseau : si les premiers, en toute logique, n’attendent rien d’une association vouée à l’étude de Jean-Jacques, les seconds ne comprennent pas le manque d’enthousiasme de Bernard Bouvier, lequel accepte l’adhésion d’antirousseauistes notoires (dont Ferdinand Brunetière) et prône une démarche plus critique qu’apologétique. Une deuxième a trait à la lecture même de l’œuvre de Rousseau, qu’on ne peut, selon certains, pratiquer indépendamment de son em-prise idéologique.

Lorsque Marcel Raymond prend, en 1941, la présidence de la Société, vingt-sept volumes des Annales Jean-Jacques Rousseau ont déjà paru. Rappelons que Marcel Raymond (1897-1981), successeur d’Albert Thibaudet à l’Université de Genève, a développé, avec Jean Rousset et Jean Starobinski, une nouvelle forme de lecture critique bientôt connue sous le nom d’École de Genève. Son action essentielle reste la préparation des Œuvres complètes de Jean-Jacques Rousseau, qu’il entreprend avec Bernard Gagnebin, et dont le premier volume paraît en 1959. Il est remplacé en 1967 à la tête de la Société par Jean Starobinski.

La Société, aujourd’hui présidée par Alain Grosrichard, s’est donné comme mission, pour les années à venir, de participer activement à la célébration du tricent-enaire de la naissance de Rousseau et de contribuer, en collaboration avec la Bibliothèque de Genève et la Fondation Martin Bodmer, à la publication d’un Catalogue raisonné des manuscrits et des imprimés genevois de Jean-Jacques Rousseau.

Rousseau chez Voltaire : un paradoxe ?

Alain Grosrichard a rappelé, le 24 septembre dernier, qu’il n’y avait aucun paradoxe autre que superficiel à voir la Société Jean-Jacques Rousseau s’installer, par le truchement de sa bibliothèque, dans la maison de Voltaire : ce dernier n’avait-il pas invité lui-même Jean-Jacques, dans sa fameuse lettre du 30 août 1755, alors qu’il était installé aux Délices, à venir « rétablir » sa santé « dans l’air natal », « jouir de la liberté, boire avec [lui] du lait de nos vaches, et brouter nos herbes » ? La réponse de Jean-Jacques, qui date du 10 septembre suivant, ne laisse pas d’offrir la perspective d’une rencontre entre les deux hommes : « Je suis sensible à votre invitation; et si cet hiver me laisse en état d'aller au printemps habiter ma patrie, j'y profiterai de vos bontés. » Elle s’achève même par une petite flatterie, puisque Jean-Jacques « aimerait mieux boire de l'eau de [la] fontaine [de Voltaire] que du lait de [se]s vaches. »

Peut-on finalement penser l’un sans l’autre ? Et n’est-il pas temps d’envisager les rapports des deux hommes –et surtout des deux œuvres- autrement que par le prisme de leurs différences ? Une relecture des notes marginales de Voltaire sur son exemplaire de la Profession de foi du vicaire savoyard, aujourd’hui propriété de la Société Jean-Jacques Rousseau, en dit long sur le croisement possible de deux pensées qui s’avèrent, au-delà de leurs dissonances, étonnamment complémentaires. Deux pensées qui se suivent, plutôt qu’elles ne s’opposent, et que l’approche de la célébration du tricentenaire de la naissance de Rousseau nous permettra d’examiner de manière plus approfondie.

L’Institut et Musée Voltaire se propose en effet d’orga-niser, au printemps 2012, une exposition et une série de manifestations sur le thème « Voltaire et Rousseau ». Plusieurs institutions et sociétés savantes ont d’ores et déjà manifesté leur intérêt pour ce projet, et il ne fait guère de doutes qu’il ne se limitera pas aux seuls murs des Délices : citons, outre la Société Jean-Jacques Rousseau de Genève, la Voltaire Foundation d’Oxford et le Musée de la Révolution française, à Vizille. C’est en examinant la question sous plusieurs angles (philosophique bien sûr, mais aussi historique et littéraire) qu’il sera possible d’affiner notre perception des rapports de deux hommes dont l’association, pour reprendre un terme cher au dix-huitième siècle, n’est sans doute pas aussi « paradoxique » qu’on croit.

Pour de plus amples renseignements sur la Société Jean-Jacques Rousseau, www.sjjr.ch



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© IMV Genève | 13.09.2009