La revue électronique de l'Institut et Musée Voltaire
ISSN 1660-7643
       
         
   
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Voltaire à l’ombre ?
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On pourrait croire, avec ce titre, qu’il sera question de l’exposition Commissaire Voltaire : naissance de la police au siècle des Lumières qui ouvrira ses portes, rappelons-le, le 30 août prochain à 18 heures.
Eh bien non.
Il sera question, en revanche, de la menace bien plus sérieuse de priver définitivement les Délices de soleil et de mettre, pour le dire comme il faut, Voltaire à l’ombre.
Les faits, que nous avions déjà évoqués dans les actualités du numéro 25 de la Gazette des Délices, ont depuis lors pris de l’ampleur. On se souvient qu’il était question de démolir le pavillon situé au 12bis de la rue des Délices, de faire disparaître l’école Farny et d’arracher les quatorze arbres de l’endroit, afin de construire un bâtiment locatif.
Une association s’était alors constituée, qui existe toujours et a organisé, le samedi 11 juin dernier, une manifestation devant le musée Voltaire, rue des Délices : il s’agit de l’ASPeD (Association Sauvons les Petits-Délices). Nos lecteurs pourront, en parcourant les panneaux diligentés par cette association et exposés le 11 juin, se rendre compte du travail considérable fourni par elle depuis bientôt deux ans, et des multiples tentatives de concertation qu’elle a mises en œuvre.
 
L’ASPeD dit bien, et elle le dit à plusieurs reprises, qu’elle n’est pas contre la construction de nouveaux logements à Genève, bien au contraire ! Mais encore faut-il songer à des logements décents. Or dans le cas qui nous occupe, il est évident que les futurs locataires se verraient privés, à l’instar de Voltaire, de toute possibilité de happer ne fût-ce qu’un rayon de soleil…
Les arguments qui plaident contre l’érection d’un bâtiment de dix ou onze étages sont d’ailleurs légion. Rappelons les principaux :

  • La construction de logements dans un bâtiment d’une dizaine d’étages ne pourrait produire, à cet endroit précis, que des appartements pour la plupart privés de soleil.
  • La destruction de l’école Farny priverait le quartier d’une partie de son histoire. Cette école est en effet présente depuis plusieurs décennies : elle est la mémoire vivante de tout le périmètre.
  • La construction d’un bâtiment de plusieurs étages nuirait gravement au musée Voltaire, déjà péjoré par un environnement urbanistique très contestable.
  • D’autres solutions sont possibles, qui permettraient d’envisager de nouveaux logements dans un cadre et des conditions plus agréables : l’ASPeD a justement établi un contre-projet attractif.

           
Mais, comme nous avons pour mission d’être objectifs, nous nous devons d’exposer les arguments de M. Jérôme FRELON, habitant du quartier, et très hostile à la manifestation de l’ASPeD.

La Gazette des Délices : M. Frelon, je vous vois fulminer à la lecture des panneaux d’information proposés par l’ASPeD. Y a-t-il quelque chose qui vous choque ?

Jérôme FRELON : C’est toujours la même chose à Genève ! Toujours des protestations, des recours ! Et regardez-les, ces gens ! Ils sont même venus avec des jus de fruits et des gâteaux ! Ce sont de dangereux anarchistes, croyez-moi…

La Gazette des Délices : Ils aiment l’air et le soleil, c’est vrai…

Jérôme FRELON : Parlons-en, du soleil ! Ils veulent du soleil dans leurs appartements ! C’est un comble !

La Gazette des Délices : Il me semblait pourtant que tout être humain, anarchiste ou non, avait besoin d’un peu de lumière…

Jérôme FRELON : Réfléchissez donc un peu. Ce que nous voulons, ce sont des logements sociaux, pour les plus démunis. Imaginez-vous un seul instant le prix d’un appartement avec de grandes baies vitrées, plein sud ? Il nous faut donc, si nous voulons venir en aide aux plus pauvres, construire des appartements sans soleil, plein nord.

 La Gazette des Délices : Mais vous ne nierez pas que la destruction de l’école Farny est éminemment dommageable.

Jérôme FRELON : Les temps ont changé, cher Monsieur. Autrefois on aimait, c’est vrai, les petites écoles avec des murs décorés de dessins d’enfants, les cours de récréation protégées de quelques marronniers, et les mamans attroupées qui guettaient leur progéniture, à cinq heures du soir. Mais tout cela est terminé. Qui songe encore à ces fadaises à l’heure d’Internet, d’iCloud et de la Xbox 360 ?

La Gazette des Délices : Le musée Voltaire risque, lui aussi, de souffrir de la construction d’un nouveau bâtiment…

Jérôme FRELON : Mais qui s’intéresse à votre musée, dites-moi ? Je n’ai pas vu beaucoup de cars de touristes, ces temps derniers. Il est vrai qu’ils auraient du mal à trouver l’entrée : il n’y a même pas de panneau d’information.

La Gazette des Délices : Mais les anarchistes de l’ASPeD, comme vous les appelez, ont déposé un contre-projet plutôt intéressant.

Jérôme FRELON : Allons, Monsieur ! Un peu de sérieux ! Regardez-le, leur projet ! D’abord, ils ont laissé des arbres : c’est autant de place perdue pour des logements. Et puis ils n’ont à la bouche que des mots vides de sens : « qualité de vie », « espace de quartier », « citoyenneté »… On ne va pas loin, avec tout ça.

La Gazette des Délices : Pardonnez-moi, mais je vois quelque chose là, sur votre veste…

Jérôme FRELON : Ce n’est rien. De simples miettes de gâteau.

La Gazette des Délices : Bonsoir, Monsieur.

 


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© IMV Genève | 28.06.2011