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Jean-Pierre Chevènement au colloque du GIPRI sur Rousseau et la paix

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C’est du 27 au 29 avril 2012 que l’Institut International de Recherches pour la Paix à Genève a organisé à la Villa Sarasin un colloque avec comme thème « Rousseau, la République, la paix ». Inscrite dans le cadre des manifestations officielles de la Ville de Genève, 2012 Rousseau pour tous, la rencontre a réuni une vingtaine de spécialistes en philosophie, politologie, histoire, littérature, économie… Ces spécialistes venaient de Suisse, de France, du Canada, de Tunisie. Gabriel Galice et Christophe Miqueu étaient respectivement directeur et directeur scientifique du colloque, dont Alain Kernen était directeur financier.

Trois témoins du monde politique ont évoqué leur rapport à Jean-Jacques Rousseau et à sa pensée. Le premier d’entre eux, le Français Jean-Pierre Chevènement, plusieurs fois ministre, aujourd’hui Sénateur, a ouvert la première session du colloque. Jouant le jeu, il a confronté le « réalisme » de Rousseau aux situations concrètes rencontrées dans divers ministères, notamment comme Ministre de la Défense pendant la première guerre du Golfe. Madame Yvette Jaggi, ancienne Conseillère aux Etats et Syndique de Lausanne a ouvert la seconde session, évoquant son admiration pour l’autodidacte, sa dénonciation des inégalités, son manque de considération pour les enjeux urbains auxquels elle est quant à elle attachée. Monsieur Bernard Lescaze, ancien Président du Grand Conseil mais aussi historien, a enfin évoqué les traces de Rousseau dans la pensée radicale de la cité de Calvin, évoquant notamment l’œuvre de James Fazy.

Les détails de ces diverses interventions sont disponibles ici.

Nous voudrions détailler quelque peu, dans ces colonnes, la très belle intervention de Jean-Pierre Chevènement. Nous le pouvons sans risque, puisque l’ancien ministre n’a pas hésité à confier qu’adolescent, et ayant le choix entre une dissertation sur Rousseau et une autre sur Voltaire, c’est bien l’hôte des Délices qui eut sa préférence…

Rousseau n’en a pas moins été présent, dès le début, dans son engagement politique : imprégné des idées de Pierre Mendès-France, Jean-Pierre Chevènement ne pouvait qu’inscrire dans sa démarche cette « dimension de refondation que Rousseau évoque tout en la jugeant très difficile ». Et de citer le chapitre VIII du livre II de Du Contrat social : « Il se trouve des époques violentes où l’État renaît pour ainsi dire de ses cendres et reprend la vigueur de la jeunesse … mais ces évènements sont rares. »

C’est bien sûr la Révolution qui, a continué le ministre, a magnifié l’œuvre de Rousseau, non sans l’interpréter d’une manière qui n’eût peut-être pas convenu au citoyen de Genève : que penser par exemple du système représentatif, que Rousseau rejetait au profit d’une démocratie directe ? Se pose alors la question de l’héritage du philosophe, abordée par Jean-Pierre Chevènement en des termes que nous reproduisons fidèlement :

« L’héritage de Rousseau - puissance du sentiment aussi bien qu’exigence de la raison - reste un héritage éclaté donnant lieu à des interprétations contradictoires. Les républicains, tenants de la souveraineté nationale et populaire et les marxistes se retrouvent dans l’absolutisme théorique de la volonté générale et reconnaissent leur dette à l’égard de Rousseau. A l’inverse les libéraux comme Benjamin Constant, ou les socialistes associationnistes comme Proudhon ou les « political scientists » anglo-saxons, ou encore les théoriciens français de la deuxième gauche comme Jacques Julliard, ne sont pas loin de voir en lui un ancêtre du « totalitarisme ». Kant a mieux compris le sens de la recherche de Rousseau qui est d’abord morale, comme il résulte de ces quelques lignes de Du Contrat social : « L’obéissance à la loi qu’on s’est prescrite est liberté. Le passage à l’état civil fait d’un animal borné et stupide, un être intelligent et un homme. »

Les deux leçons que Jean-Pierre Chevènement dit tirer de l’enseignement et de la lecture de Rousseau sont les suivantes : d’abord, « aucune démocratie, aucune République ne peut résister à la dégénérescence en dehors d’un appel constant de la conscience civique au principe qui fonde le contrat social » ; la seconde leçon s’apparenterait, quant à elle, à une leçon de modestie : « Rousseau aperçoit bien les limites des idées qu’il professe dans Du Contrat Social ou qu’il révère en apparence dans les « projets de paix perpétuelle » de l’Abbé de Saint-Pierre, souhaitables en théorie, mais dont on peut se demander si « les moyens violents nécessaires à leur réalisation ne devraient pas les faire plutôt craindre que désirer ». Certaines des idées développées dans les écrits politiques du citoyen de Genève ont une curieuse résonance contemporaine : une « ligue fédérative européenne » ferait ainsi « peut-être plus de mal tout d’un coup, qu’elle n’en préviendrait pour des siècles » et le cosmopolitisme n’est qu’une « vertu en papier ».

Le ministre est ensuite passé à « l’actualité – ou à l’inactualité » de la pensée de Rousseau confrontée aux grands mouvements de notre époque pour déceler trois grandes lignes directrices :

  • la mondialisation et le sens de la République dans la mondialisation ;
  • l’Europe et les difficultés de la construction européenne ;
  • l’universalisme enfin, à travers ses plus récentes moutures, ce qu’on a appelé « le droit de l’hommisme » et le « droit », voire le « devoir d’ingérence ».

Nous renvoyons, pour le développement de ces trois axes, aux actes du colloque du GIPRI qui seront édités en 2013 à Paris aux éditions Honoré Champion.

 


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© IMV Genève | 23.01.2012