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A l’occasion du tricentenaire de Jean-Jacques Rousseau, John C. O’Neal, professeur de français au Hamilton College de New York, a pris part aux festivités organisées pour la célébration du philosophe genevois.  Spécialiste de la littérature et de la pensée du XVIIIe siècle,  il nous offre un résumé de ces quelques jours à Genève. Lumière sur sa carrière et quelques-uns de ses écrits phares.  

Docteur en littérature française de l’Université de Californie et enseignant à la faculté de français de Hamilton depuis 1984, John C. O’Neal a porté l’intérêt de ses recherches littéraires sur la pensée du XVIIIe siècle. Sa première publication au sujet de Rousseau date de 1985 (1) : il y explore la rhétorique littéraire de Rousseau au sujet de la sensation. Dans une perspective plus pédagogique, il propose, quelques années plus tard (2), une approche d’enseignement  des Rêveries du promeneur solitaire. Fait Chevalier de l’Ordre des Palmes académiques en 1998, promu Officier en 2008, le dernier de ses ouvrages dédié à Rousseau paraît à la même époque (3). Publication bilingue, elle rassemble différentes contributions d’universitaires sur les thèmes de la nature, de l’homme et de l’esthétique.

De passage à l’Institut et Musée Voltaire, John C. O’Neal a apprécié l’exposition temporaire sur Rousseau. Il nous transmet ces quelques lignes sur son séjour à Genève. 

   

 Je me permets d’écrire pour témoigner mon grand plaisir d’avoir pu assister la semaine dernière aux diverses manifestations genevoises pour le tricentenaire de la naissance de Jean-Jacques Rousseau.  Celui-ci en aurait été fort content, surtout de la fête du 28 juin qui s’est déroulée dans la plus grande joie. Je félicite les organisateurs à tous les niveaux d’un travail très bien fait.  Je tiens également à remercier vivement mes collègues à Genève pour leur accueil chaleureux.

Que reste-t-il à dire de plus ?  En écoutant les multiples discours, les propos tenus par les uns et les autres dans des lieux différents (musées, cinéma, cérémonies officielles et banquet républicain), j’ai toutefois constaté qu’on parlait, d’une part, de la liberté et de l’indépendance prônées par le Citoyen de Genève et, d’autre part, de la place privilégiée qu’il accordait à la nature, sans en approfondir toujours les conséquences pour les temps modernes qui courent.  La technologie de nos jours, en particulier, pose des problèmes considérables à l’authenticité des individus.  Facebook, Twitter et les soi-disant médias sociaux incitent les jeunes et les moins jeunes à se plier devant l’opinion publique et à perdre leur identité personnelle dans un conformisme néfaste.  Certes, les mêmes tendances existaient du temps de Rousseau.  Mais la nouvelle donne technologique présente un défi d’autant plus redoutable qu’elle exige souvent une réponse instantanée non pas à une personne en face de soi, mais à une machine électronique.  La notion de liberté chez Rousseau tenait à un manque de dépendance des autres personnes ou des choses, qu’il associait, dans le pire des cas, à un asservissement qui peut nous transformer en esclaves ou en automates.  Si Rousseau reste toujours si près de nous—et ceci trois cents ans après sa naissance—c’est qu’il est l’un des plus grands penseurs à avoir compris notre humanité au sens le plus profond du terme.  Ses écrits nous interpellent comme êtres humains et nous rappellent la vigilance constante qu’il faut exercer pour sauvegarder notre humanité et le don le plus précieux qu’elle comporte qu’est notre liberté. 

L’exposition au Musée Rath a rapproché, à juste titre, l’œuvre de Rousseau et la nouvelle représentation de la nature dans les tableaux de paysages au XVIIIe siècle.  Or qu’est-ce que Rousseau peut nous apprendre dans notre conjoncture moderne où le développement durable s’avère de plus en plus précaire ?   Bien évidemment Rousseau n’a guère pu tout à fait prévoir la dévastation de la nature à laquelle nous assistons actuellement.  En revanche, il condamnait déjà un emploi utilitaire de la nature.  Dans les Rêveries du promeneur solitaire, il se distancie de ceux qui ne considèrent les plantes que pour un usage pratique, pour leurs vertus curatives ou médicinales.  Pour sa part, la nature offrait  aux êtres humains, au contraire, un refuge où ils pouvaient se ressourcer.  La valeur spirituelle de la nature, aux yeux de Rousseau, l’emporte sur tout bénéfice physique que l’on peut en tirer.  On n’a qu’à penser aux dérapages de l’industrie pétrolière de notre époque pour avoir un exemple du genre d’exploitation dont Rousseau se méfiait.  Afin de la ralentir, dans la mesure du possible, il faut tôt ou tard repenser notre rapport à la nature, nous en rapprocher et rétablir la communication spirituelle primordiale avec celle qui, selon Rousseau, devait exister pour le mieux-être du genre humain.

Enfin, pour conclure,  comme il se doit, permettez-moi d’adresser un dernier mot à celui que Genève et la Suisse romande honorent si dignement tout au long de cette année du tricentenaire, à celui qui m’a énormément appris dans ma vie professionnelle et personnelle.  Bon anniversaire, Jean-Jacques !

John C. O’Neal
Hamilton College
Clinton, New York  (USA)

(1) O’Neal J. (1985). Seeing and Observing: Rousseau's Rhetoric of Perception. Stanford : French and Italian Studies.

(2) O’Neal J. (2003) : Approaches to Teaching Rousseau's Confessions and Reveries of the Solitary Walker.
New York: Modern Language Association.

(3) The Nature of Rousseau's Rêveries:  Physical, Human, Aesthetic. Oxford:  Voltaire Foundation, 2008.

 


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© IMV Genève | 25.09.2012