L'artiste
Nous avons eu le plaisir, le 25 septembre dernier, d’accueillir Thierry Bourquin aux Délices, pour la présentation de sa très belle édition de Micromégas avec eaux-fortes rehaussées –édition d’autant plus intéressante pour l’Institut qu’on se souvient que Micromégas avait constitué, en 2004, un point fort de l’exposition intitulée Voltaire à l’opéra.
Où ce livre est-il né? Ou plutôt: où a-t-il été conçu?
Peut-être au collège où un professeur hors du commun nous passionnait avec Voltaire et Rousseau. Pas « ou »: Voltaire « et » Rousseau ! Oui, Plattner, pour ceux qui l'ont connu.
Certainement aussi grâce à une bibliothèque au Timor Oriental. Il se trouve que Flávio Borda d'Água est membre du comité de notre Biblio Lorosa'e, l'association qui a créé cette bibliothèque publique. Et il se trouve qu'il y a quelques années l'assemblée générale de Biblio-Lorosa'e a eu lieu ici même et que, une fois nos délibérations terminées, nous avions eu la chance de voir quelques trésors que Flavio avait sortis d'un coffre climatisé.
Vernissage du 25 septembre
Or parmi ces trésors il y avait ce merveilleux livre de poche, relié de cuir rouge, la première édition du Micromégas de Monsieur de Voltaire, publiée à Londres en 1752 et dont on ne connait que peu d’exemplaires.
Ce livre s'est imprimé dans mon inconscient: il fallait que j'en fasse une édition.
Le temps passa et le livre prit forme. Eaux-fortes imprimées en blanc et rehaussées à la main, typographie – merci au meilleur imprimeur du monde, Nicolas Chabloz à la Tour-de-Peilz, qui nous salue de New York où il passe quelques jours-, typographie respectant l'ancienne orthographe, les « s » qui ont donné le ß et ne sont point des f, et respectant aussi les coquilles d'époque. Peut-être en ai-je rajouté une ou deux...
J'affectionne particulièrement les « dépliants à la chinoise, ou à la japonaise », forme qui sied à mes « livres d'artiste ». Je cherchais une idée pour les deux extrémités:
N'a-t-on pas accusé Voltaire de participer au trafic d'ébène ? Je me mis à chercher des planchettes d'ébène, clin d'œil esthétique. Que de fausses pistes ai-je explorées ! Je me préparais à partir pour les Célèbes où pousse un ébène aux veines délirantes -mais comment rester dans la légalité avec ce bois ?- lorsqu'un ami ébéniste, Adrian Emerson, qui vit dans le Dorset, me proposa de fabriquer des planchettes de hêtre avec insertion d'ébène: il avait dans son atelier quelques touches en ébène, noires, d'un vieux piano, faites d'un arbre qui avait dû pousser du vivant de Voltaire.... On obtient ainsi quelques planètes qui sont l'une des réussites du livre.
Une cinquantaine de personnes
Clins d'œil. Le Musée possède une superbe édition (chez René Kieffer, éditeur) illustrée par Joseph Hémard, du Micromégas, qui date de 1923. Je suis jaloux de son talent : ne vous étonnez donc pas si j'ai plagié l'une de ses images.
Des clins d'œil, il y en a. Je laisse les exégètes du futur (Micromégas n'est-il pas un livre de science-fiction ?) découvrir pourquoi, dans le colophon, je remercie les chamans de Alta, en Norvège, Björk, oui, Björk, une abeille pharaonique, Hémard cité plus haut, Hergé, Shuster et la pêche à la baleine.
B. Roth, JD Candaux et B. Lescaze
Colophon dans lequel on découvre les sceaux chinois de Voltaire... sceaux que j'ai gravés. Je vous donne une piste: A-RU-E-TO en japonais (où le R et le L se confondent) est la prononciation de Arouet. Alouette, gentille alouette, et voici l'idéogramme de l'alouette... Merci Denis Allistone et Wang Fei! Et merci François Jacob, et merci Flávio, vous sans qui ce livre n'aurait jamais existé.
|
