La revue électronique de l'Institut et Musée Voltaire
ISSN 1660-7643
       
         
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par Mireille Védrine

    
       

 

     
 

 

Nous avons le plaisir aujourd’hui de découvrir la maison des Charmettes en compagnie de Mirelle Védrine, conservatrice en chef de ce haut lieu du patrimoine rousseauiste et dix-huitiémiste.

Rousseau aux Charmettes ou la mémoire des lieux

Les Charmettes depuis le jardin
© Musées de Chambéry

La petite maison des Charmettes, près de Chambéry en Savoie, a été appelée à un grand destin grâce à Rousseau. Située à 15 minutes à pied ou 5 minutes en voiture du centre de la ville, « au penchant d’un vallon » comme l’indique Rousseau, elle n’est composée que de quatre pièces principales et d’une grange, avec des terrains attenants comptant environ trois hectares, un verger, une vigne, un parterre à la française et des prés. Malgré sa taille modeste, elle prend une dimension exceptionnelle dans la mesure où Rousseau, à travers l’évocation qu’il en fait aux livres V et VI des Confessions et dans la Xe promenade des Rêveries la place au cœur de son œuvre, au sommet du bonheur des Confessions avant la seconde partie dont la coloration est plus sombre, et dans les dernières pages écrites par lui pour les Rêveries ; elles sont au cœur de sa vie aussi, car il s’agit de sa période la plus heureuse et la plus fertile en formation, lieu de ressouvenir permanent pour lui-même, mais aussi leçon de bonheur et de philosophie laissée aux siècles futurs. Les visiteurs sont en effet nombreux, et cela depuis des siècles : en 2012 les Charmettes, propriété de la Ville de Chambéry depuis 1905, musée de France, monument historique et « maison des illustres », ont reçu plus de 23 000 visiteurs de tous les pays (site http://musees.chambery.fr). Avant de retracer quelques pages de l’histoire de cette maison et du séjour de Rousseau à Chambéry, il faut peut-être s’interroger sur un point peu soulevé par les exégètes nombreux : l’intention de Rousseau pour les Charmettes n’est pas seulement autobiographique, il est presque certain que Rousseau a pressenti et voulu le destin de cette maison comme « lieu de mémoire », au sens que donne à ce terme Pierre Nora (Pierre Nora, Les lieux de mémoire, 1984-1987), concept présent aussi chez les révolutionnaires (comme en témoigne le Panthéon) ou les romantiques voyageurs, et qui aujourd’hui est soutenu par l’appellation « maison des illustres » en France, et par le réseau de la Fédération des maisons d’écrivain et des patrimoines littéraires (site http://www.litterature-lieux.com/). Bien sûr le pari sur l’avenir était alors considérable : qui pouvait prévoir si les Charmettes allaient réellement traverser les siècles ? Qui pouvait prévoir l’essor du tourisme ? Mais Rousseau est hors du commun…

Dans les Confessions, on trouve en effet la mention d’un pèlerinage littéraire fait par Rousseau au pays de L’Astrée : « Je me rappelle seulement encore qu'en approchant de Lyon je fus tenté de prolonger ma route pour aller voir les bords du Lignon ; car, parmi les romans que j'avais lus avec mon père, l'Astrée n'avait pas été oubliée, et c'était celui qui me revenait au cœur le plus fréquemment. Je demandai la route du Forez ; et tout en causant avec une hôtesse, elle m'apprit que c'était un bon pays de ressource pour les ouvriers, qu'il y avait beaucoup de forges, et qu'on y travaillait fort bien en fer. Cet éloge calma tout à coup ma curiosité romanesque, et je ne jugeai pas à propos d'aller chercher des Dianes et des Sylvandres chez un peuple de forgerons » (Confessions, livre IV).Malgré cette déception, l’intention du pèlerinage littéraire était bien là. Plus importante et plus troublante encore est la pensée de Rousseau concernant le lieu de sa première rencontre avec Madame de Warens à Annecy : « Que ne puis-je entourer d’un balustre d’or cette heureuse place ! Que n’y puis-je attirer les hommages de toute la terre ! Quiconque aime à honorer les monuments du salut des hommes n’en devrait approcher qu’à genoux. » Il faut rappeler par ailleurs que du vivant de Rousseau, et avant la publication des Confessions et des Rêveries, les pèlerins venaient déjà sur les lieux de la Nouvelle Héloïse sur les bords du Léman, à Meillerie notamment, ainsi Madame de Genlis indique : « je ne manquai pas d’aller voir les rochers de Meillerie » lors de son passage à Lausanne en 1776 (Mémoires inédits, tome II, 1825). Rousseau ne pouvait ignorer cet empressement des premiers pèlerins du Léman, il était lui-même déjà aussi l’objet d’un « culte » au grand écrivain, comme en témoignent ses visiteurs nombreux. Enfin, on sait qu’il a d’abord habité la maison Revil dans le vallon des Charmettes à Chambéry, mais c’est intentionnellement qu’il désigne précisément à la postérité dans ses manuscrits l’actuelle maison des Charmettes : « Après avoir essayé deux ou trois de ces maisons, nous choisîmes enfin la plus jolie, appartenant à un gentilhomme qui était au service, appelé M. Noiret. » (Confessions, livre V). Ayant travaillé au cadastre lors de son séjour à Chambéry, il n’ignorait pas que la maison était dès lors par le nom de son propriétaire facilement repérable pour les générations futures ; le cadastre sarde, avec ses gigantesques mappes accompagnées des registres, est toujours consultable aujourd’hui, et même numérisé aux Archives départementales de la Savoie, où il fait encore référence. Par ailleurs son ami François-Joseph de Conzié (Rumilly, 1707 - Chambéry, 1789) était toujours à Chambéry, et malgré les tensions qui ont pu survenir entre eux, c’est un « fidèle » et, de fait, le premier pèlerinage aux Charmettes dont nous avons gardé la trace se fait sous sa conduite, il s’agit de François-Louis d’Escherny (Neuchâtel, 1733 - Paris, 1815), personnage un peu suffisant mais qui a lui-même connu Rousseau et qui dans sa Correspondance d'un habitant de Paris avec ses amis de Suisse et d'Angleterre de 1791 raconte ce voyage fait en 1786 : « J’étais à Chambéry il y a cinq ans. J’allai en pèlerinage aux Charmettes. Le seigneur du lieu me fit ouvrir ce sanctuaire, ce berceau du Contrat social, cette petite maison située dans sa terre, sur une hauteur, au-dessus d’un bois de châtaigniers, où Jean-Jacques a demeuré et passé une partie de sa première jeunesse, avec Madame de Warens. Le Comte des Charmettes, M. de Conzié, était alors un vieillard de près de 90 ans, droit encore, frais et robuste. Au sortir de la messe qu’il entendait tous les matins, je le trouvai à sept heures avec son chapelain, autour d’une table chargée de cinq ou six plats, mangeant avec l’appétit d’un jeune homme de 25 ans. C’était là son déjeuner. Il allait bientôt partir pour Rome, dans une petite voiture à un cheval, avec un seul domestique. Il faisait fréquemment ainsi des voyages de 4 et 500 lieues. M. de Conzié me parla beaucoup de J. Jacques. Il l’avait eu chez lui au sortir de l’enfance. Il le tutoyait. ».

Jean-Jacques Rousseau, un écrivain né en Savoie

Chambéry au XVIIIe siècle par Martinel
© Musées de Chambéry

Si Jean-Jacques est né à Genève en 1712, c’est assurément en Savoie qu’il est devenu Rousseau. À la lecture des livres II à VI des Confessions (soit près de la moitié de l’ouvrage) et des dernières lignes écrites par Rousseau peu avant sa mort dans sa 10e promenade des Rêveries, on découvre « un Rousseau essentiellement savoyard », ainsi que l’écrit Jean Sgard1. D’octobre 1722 à l’automne 1724, puis entre le 15 mars 1728 et juillet 1742, avec il est vrai l’interruption de quelques voyages (Turin, Montpellier, Lyon…), Rousseau séjourne en Savoie durant plus de 16 années, à une époque capitale de sa vie entre 10 et 12 ans puis entre 16 et 30 ans, une période essentielle pour sa formation, mais aussi celle de son plus grand bonheur. La Savoie occupe ainsi dans sa vie et dans son œuvre la meilleure place2.

Les paysages et les rencontres exercent sur Rousseau une influence profonde et durable. Au fil des pages, renaissent quelques personnages de la société savoyarde des Lumières. La Savoie est dès 1713 administrée par la cour de Turin et subit une reprise en main du gouvernement piémontais, des tensions subsistent avec la France, dont Rousseau est le témoin : « on prétendait alors que nous appartiendrions à la France, et l’on faisait de la Savoie un échange pour le Milanais.» (Confessions, livre V). Victor-Amédée II, roi de Sardaigne, souhaite mettre au pas la noblesse et lance en 1728 une gigantesque opération de cadastration de ses états, à laquelle participe Rousseau lors de son séjour à Chambéry, entreprise unique en Europe, qui vise à asseoir l’impôt royal et à remplacer les droits seigneuriaux.

La Savoie, à la frontière de Genève, est également un terrain d’affrontement privilégié entre catholiques et protestants (saint François de Sales a marqué durablement la Savoie, propageant la Contre-Réforme), œuvre à laquelle prennent part Benoît de Pontverre à Confignon, et Madame de Warens à Annecy, qui reçoit pour ce faire une pension du roi et des évêques. L’abbé Gaime à Turin (« J'allais voir quelquefois entre autres un abbé savoyard appelé M. Gaime, précepteur des enfants du comte de Mellarède. Il était jeune encore et peu répandu, mais plein de bon sens, de probité, de lumières, et l'un des plus honnêtes hommes que j'aie connus… M. Gaime prit le soin de me mettre à ma place, et de me montrer à moi-même sans m'épargner ni me décourager. » Confessions, livre III) et l’abbé Gâtier d’Annecy seront les modèles du Vicaire savoyard dans l’Émile (« Réunissant M. Gâtier avec M. Gaime, je fis de ces deux dignes prêtres l'original du vicaire savoyard. » Confessions, livre III) ; ils sont les exemples d’une religion « douce », tout comme les jésuites rencontrés à Chambéry, qui préservent Rousseau de devenir « demi-janséniste » par ses lectures.

Rousseau trouve à Chambéry une société qui s’intéresse à la musique, organise de petits concerts (« Le comte de Bellegarde, fils du marquis d'Entremont, était revenu de Dresde après la mort du roi Auguste. Il avait vécu longtemps à Paris : il aimait extrêmement la musique, et avait pris en passion celle de Rameau. Son frère, le comte de Nangis, jouait du violon, madame la comtesse de la Tour, leur sœur, chantait un peu. Tout cela mit à Chambéry la musique à la mode » Confessions, livre V), son ami Conzié est passionné de philosophie et lui ouvre sa bibliothèque dans le vallon des Charmettes. Rousseau découvre aussi la beauté des paysages champêtres savoyards, il choisit Meillerie, petite ville du Chablais, au bord du Lac Léman, pour cadre d’un célèbre épisode de son roman La Nouvelle Héloïse et contribue ainsi au goût romantique pour les Alpes (« au reste on sait ce que j’entends par un beau pays. Jamais pays de plaine quelque beau qu’il fût, ne parut tel à mes yeux. Il me faut des torrents, des rochers, des sapins, des bois noirs, des montagnes, des chemins raboteux à monter et à descendre, des précipices à mes côtés qui me fassent bien peur » Confessions, livre IV).

Même si la vision rousseauiste est largement idéalisée et embellie par le souvenir (n’oublions pas que les six premiers livres des Confessions sont écrits tardivement, entre 1764 et 1767), le témoignage de Rousseau reste important pour la connaissance des mentalités, des pratiques culturelles et religieuses de cette époque. Le séjour des Charmettes constitue en quelque sorte l’apogée du récit, au centre des Confessions, et la dernière page écrite par Rousseau est la 10e Promenade des Rêveries du promeneur solitaire, consacrée à Madame de Warens. Il nous offre une galerie de portraits, essentiellement nobles et bourgeois, mais aussi fonctionnaires du cadastre, prêtres, paysans, marchands, domestiques, et même vielleuses (« Si nous ajoutions de surcroît une épinette, il faudrait donc la porter sur mon dos, comme les savoyardes portent leurs vielles » Lettre à Henri Laliaud du 19 décembre 1768) ou petits ramoneurs (« J'aperçus entre autres cinq ou six Savoyards autour d'une petite fille qui avait encore sur son inventaire une douzaine de chétives pommes… Cet inventaire était pour eux le jardin des Hespérides », Les Rêveries du promeneur solitaire, 9e Promenade). On cherchera en vain dans les Confessions une description précise des lieux ou des détails matériels nombreux, certaines lacunes surprennent (il n’y a dans les Confessions aucune mention du Lac du Bourget, alors que Rousseau a toujours adoré les lacs), mais quel autre auteur du XVIIIe siècle nous offre une description plus variée et quotidienne d’un pays et de ses habitants ? Le genre autobiographique est à sa naissance et Rousseau en est le père. La critique sociale est presque absente de cette vision, il est possible que Rousseau ait cherché à tracer dans son portrait de la Savoie une forme d’utopie, à une période de sa vie où Genève l’a déçu, par ailleurs les œuvres autobiographiques ne sont pas celles où Rousseau développe sa pensée politique, déjà exprimée dans les grandes œuvres théoriques qui ont précédé. L’intérêt des Confessions est peut-être dans le fait qu’il s’agit non pas d’une réflexion théorique ou d’un document d’archives, mais d’un témoignage vécu qui, en tant que tel, a valeur historique, en particulier pour l’histoire des mentalités. Selon l’historien Jean Nicolas, la Savoie est alors « un petit laboratoire de l’Europe des Lumières »3. Ce qui est certain, c’est l’influence profonde que ce pays savoyard et ses habitants ont exercée sur la personnalité et la pensée de Rousseau en contribuant à faire de lui un grand écrivain.

La douceur de la vie à Chambéry

Après son passage à Lyon, Rousseau arrive à Chambéry à pied en septembre 1731 (et non 1732 comme l’indiquent les Confessions) : « J’aime à marcher à mon aise, et m’arrêter quand il me plaît. La vie ambulante est celle qu’il me faut. Faire route à pied par un beau temps dans un beau pays sans être pressé et avoir pour terme de ma course un objet agréable ; voilà de toutes les manières de vivre celle qui est le plus de mon goût. Au reste on sait ce que j’entends par un beau pays. Jamais pays de plaine quelque beau qu’il fût, ne parut tel à mes yeux. Il me faut des torrents, des rochers des sapins, des bois noirs, des montagnes, des chemins raboteux à monter et à descendre, des précipices à mes côtés qui me fassent bien peur. J’eus ce plaisir et je le goûtai dans tout son charme en approchant de Chambéry. Non loin d’une montagne coupée qu’on appelle le pas de l’échelle, au-dessous d’un grand chemin taillé dans le roc, à l’endroit appelé Chailles, court et bouillonne dans des gouffres affreux une petite rivière qui paraît avoir mis à les creuser des milliers de siècles. Plus près de Chambéry j’eus un spectacle semblable en sens contraire. Le chemin passe au pied de la plus belle cascade que je vis de mes jours. » (Confessions, livre IV. Cette cascade est située à Cognin).

Il entre grâce à Madame de Warens au service du cadastre ; peu intéressé par ce travail ennuyeux, il démissionne rapidement : « Le roi Victor-Amédée jugeant par le sort des guerres précédentes, et par la position de l’ancien patrimoine de ses pères qu’il lui échapperait quelque jour, ne cherchait qu’à l’épuiser. Il y avait peu d’années qu’ayant résolu d’en mettre la noblesse à la taille, il avait ordonné un cadastre général de tout le pays, afin que rendant l’imposition réelle, on pût la répartir avec plus d’équité. Ce travail commencé sous le père fut achevé sous le fils. Deux ou trois cents hommes, tant arpenteurs, qu’on appelait géomètres, qu’écrivains qu’on appelait secrétaires furent employés à cet ouvrage, et c’était parmi ces derniers que Maman m’avait fait inscrire. Ce fut ce me semble en 1732 que j’arrivai à Chambéry comme je viens de le dire, et que je commençai d’être employé au cadastre pour le service du Roi. J’avais vingt ans passés, près de vingt et un… Avec ce petit train de vie, je fis si bien en très peu de temps qu’absorbé tout entier par la musique, je me trouvai hors d’état de penser à autre chose. Je n’allais plus à mon bureau qu’à contre-cœur, la gêne et l’assiduité au travail m’en firent un supplice insupportable, et j’en vins enfin à vouloir quitter mon emploi pour me livrer totalement à la musique. Me voilà tout-à-coup jeté parmi le beau monde, admis, recherché dans les meilleures maisons ; partout un accueil gracieux, caressant, un air de fête : d’aimables demoiselles bien parées m’attendent, me reçoivent avec empressement, je ne sens que la rose et la fleur d’orange ; on chante, on rit, on s’amuse. »

Chambéry compte alors environ 10 000 habitants. Enclose dans ses remparts, la ville est assez insalubre. Madame de Warens occupe la maison du Comte de Saint-Laurent, située au fond d’une cour à laquelle on accède aujourd’hui par l’allée Jean-Jacques Rousseau, Place Saint-Léger : « Je logeai chez moi, c’est-à-dire chez Maman ; mais je ne retrouvai pas ma chambre d’Annecy. Plus de jardin, plus de ruisseau, plus de paysage. La maison qu’elle occupait était sombre et triste, et ma chambre était la plus sombre et la plus triste de la maison. Un mur pour vue, un cul-de-sac pour rue, peu d’air, peu de jour, peu d’espace, des grillons, des rats, des planches pourries, tout cela ne faisait pas une plaisante habitation. Mais j’étais chez elle, auprès d’elle, sans cesse à mon bureau ou dans sa chambre, je m’apercevais peu de la laideur de la mienne, je n’avais pas le temps d’y rêver. ». À partir de 1735-1736, Rousseau incitera Madame de Warens à prendre une maison à la campagne, aux Charmettes, qu’elle occupera surtout l’été, tout en conservant sa maison de ville.

Madame de Warens, qu’il appelle « Maman » loue dans un des faubourgs de la ville un petit jardin, d’où il voit passer les troupes françaises : « Tandis que partagé entre le travail, le plaisir et l’instruction je vivais dans le plus doux repos, l’Europe n’était pas si tranquille que moi. La France et l’Empereur venaient de s’entredéclarer la guerre : le Roi de Sardaigne était entré dans la querelle, et l’armée française filait en Piémont pour entrer dans le Milanais. Notre petit jardin était précisément au haut du faubourg par lequel entraient les troupes, de sorte que je me rassasiais du plaisir de les voir passer, et je me passionnais pour le succès de cette guerre, comme s’il m’eût beaucoup intéressé. Car on prétendait alors que nous appartiendrions à la France, et l’on faisait de la Savoie un échange pour le Milanais » (Confessions, livre V). C’est là que Madame de Warens décide pour le « soustraire aux périls de sa jeunesse » de le « traiter en homme » : « je me vis pour la première fois dans les bras d’une femme, et d’une femme que j’adorais » (Confessions, livre V).

Profitant de la présence du proto-médecin Grossi et de Claude Anet, elle projette d’installer à Chambéry un jardin royal des plantes et un collège de pharmacie : « La pauvre Maman n’avait point perdu son ancienne fantaisie d’entreprises et de systèmes. Le projet dont elle était le plus occupée au temps dont je parle et qui n’était pas le plus déraisonnable qu’elle eût formé était de faire établir à Chambéry un jardin royal de plantes, et l’on comprend d’avance à qui cette place était destinée. La position de cette ville au milieu des Alpes était très favorable à la botanique, et Maman qui facilitait toujours un projet par un autre, y joignait celui d’un collège de pharmacie, qui véritablement paraissait très utile dans un pays aussi pauvre, où les apothicaires sont presque les seuls médecins. ». Rousseau ne s’intéresse pas encore vraiment à la botanique, qu’il découvrira plus tard lors de son séjour à Môtiers dans le Jura suisse.

Sa description de Chambéry est embellie par le souvenir : « S’il est une petite ville au monde où l’on goûte la douceur de la vie dans un commerce agréable et sûr, c’est Chambéry. La noblesse de la province qui s’y rassemble n’a que ce qu’il faut de bien pour vivre, elle n’en a pas assez pour parvenir. Les femmes sont belles et pourraient se passer de l’être, elles ont tout ce qui peut faire valoir la beauté et même y suppléer. Il est singulier qu’appelé par mon état à voir beaucoup de jeunes filles, je ne me rappelle pas d’en avoir vu à Chambéry une seule qui ne fût pas charmante. » (Confessions, livre V). Cette période chambérienne est fondamentale dans la vie de Rousseau : « Ma vie a été aussi simple que douce, et cette uniformité était précisément celle dont j’avais besoin pour achever de former mon caractère, que des troubles continuels empêchaient de se fixer. C’est durant ce précieux intervalle que mon éducation mêlée et sans suite ayant pris de la consistance m’a fait ce que je n’ai plus cessé d’être à travers les orages qui m’attendaient » (Confessions, livre V). Il se consacre à l’étude des livres : « j’achetai des livres d’arithmétique et je l’appris bien, car je l’appris seul », et surtout à la musique. Il organise chez Madame de Warens de petits concerts, enseigne la musique aux jeunes filles de la bonne société, noue de solides amitiés : Gauffecourt (« C'est d'ici que je date ma première connaissance avec mon vieux ami Gauffecourt… Il venait tous les ans aux bains d'Aix, où se rassemble la bonne compagnie des pays voisins. Lié avec toute la noblesse de Savoie, il venait d'Aix à Chambéry voir le comte de Bellegarde et son père le marquis d'Entremont, chez qui maman fit et me fit faire connaissance avec lui. » Confessions, livre V)), le marquis de Conzié, qui lui ouvre sa bibliothèque («Une autre liaison du même temps n'est pas éteinte, et me leurre encore de cet espoir du bonheur temporel, qui meurt si difficilement dans le cœur de l'homme. M. de Conzié, gentilhomme savoyard, alors jeune et aimable, eut la fantaisie d'apprendre la musique, ou plutôt de faire connaissance avec celui qui l'enseignait… Le germe de littérature et de philosophie qui commençait à fermenter dans ma tête, et qui n'attendait qu'un peu de culture et d'émulation pour se développer tout à fait, les trouvait en lui.» Confessions, livre V).

Rousseau quitte Chambéry de septembre 1737 à février 1738 pour un voyage à Montpellier, puis il séjournera Lyon d’avril 1740 à avril 1741, enfin quittera la Savoie en 1742 pour Paris. Il effectue un détour par Chambéry en juillet 1743 lors de son départ pour Venise. Il ne retrouve Chambéry qu’en juin 1754 pour une visite avec Thérèse Levasseur à Madame de Warens, ruinée par de folles entreprises (fabriques, mines en Maurienne) : « je la revis… dans quel état, mon Dieu » (Confessions, livre VIII), il date alors de Chambéry sa dédicace du Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes, dont le message est si actuel : « J'aurais voulu naître dans un pays où le souverain et le peuple ne pussent avoir qu'un seul et même intérêt, afin que tous les mouvements de la machine ne tendissent jamais qu'au bonheur commun ; ce qui, ne pouvant se faire à moins que le peuple et le souverain ne soient une même personne, il s'ensuit que j'aurais voulu naître sous un gouvernement démocratique, sagement tempéré [...] J’aurais voulu vivre et mourir libre [...] J'aurais donc voulu que personne dans l’État n'eût pu se dire au-dessus de la loi [...)] Il est difficile qu'une éducation dont le cœur se mêle reste perdue pour toujours. » Ils se voient pour la dernière fois à Grange-Canal fin août 1754. Madame de Warens meurt misérablement en juillet 1762 et est enterrée dans le cimetière de Lémenc à Chambéry. Le 25 juillet 1768, Rousseau se rend sur la tombe de Madame de Warens et retrouve son ami Conzié : « Mon principal objet est bien dans ce petit voyage d’aller sur la tombe de cette tendre mère que vous avez connue, pleurer le malheur que j’ai eu de lui survivre » (Lettre à Marie-Thérèse Levasseur du 25 juillet 1768). « Je compte aller deux jours à Chambéry remplir un triste devoir sur la tombe d’une amie qui me fut bien chère et voir un ancien ami d’elle et de moi » (Lettre à Madeleine-Catherine Delessert, née Boy de La Tour, 22 juillet 1768 de Grenoble). Il herborise lors de ce voyage : « J’ai pris la liberté d’ajouter à cela une plante à fleur composée, qui est peut-être fort commune, mais que je ne connais point du tout et que je vous prie de vouloir bien me nommer. Je l’ai trouvée l’année dernière en Savoye, dans une montagne auprès de Chambéry où elle n’est pas rare. Elle a la fleur d’une radiée et les feuilles d’une demi-couronnée. Serait-ce une arnica ? C’est le genre auquel elle paraît ressembler le plus, mais je ne trouve aucune arnica qui lui ressemble. » (Lettre à Antoine Gouan de Monquin, 26 décembre 1769). Son ami Conzié lui rend visite en avril 1769 en se rendant à Amsterdam, mais il ne reviendra jamais en Savoie comme il l’aurait souhaité.

Avant d’évoquer le séjour de Rousseau aux Charmettes, il faut mentionner un épisode significatif des rapports pas toujours faciles des Chambériens avec leur hôte : en 1910, une statue de Jean-Jacques Rousseau est dressée à Chambéry au Clos Savoiroux.4 C’est alors qu’éclate la « guerre des statues », les conservateurs se déchaînent violemment dans la presse. Comment accepter en effet que ce révolutionnaire, « pas français » et « pas savoyard » de surcroît, soit élevé au même rang que Joseph de Maistre, chambérien royaliste et contre-révolutionnaire (statufié avec son frère Xavier en 1899 au pied du château) ? Des affiches somment les Chambériens de boycotter l’inauguration du monument, conçu par le sculpteur savoyard Mars Vallett aux Charmettes dont il est également conservateur. Les injures fusent : l’écrivain est un « mauvais citoyen », un « père indigne » et un « corrupteur » ! Attisées par le bicentenaire de 1912, les haines conduiront en 1913 les extrémistes de droite à jeter à bas la statue, qui a déjà fait l’objet de dégradations. En 1942, elle sera envoyée à la fonte dans le mouvement d’éradication des représentations des grands hommes de France, et il faudra attendre vingt ans pour qu’une nouvelle statue, à l’identique, reprenne sa place. Entre-temps, au début des années 1930, Mars Vallett a dû résister à la pression foncière dans le vallon des Charmettes, obtenant de haute lutte son inscription à l’Inventaire du patrimoine et des sites pour sauvegarder le site.


Attentat contre la statue de Rousseau à Chambéry en 1913
© Musées de Chambéry

Au penchant d’un vallon, les Charmettes

Les Charmettes sont un vallon boisé au sud de Chambéry, fief du marquis de Conzié ami de Rousseau (il y possède une maison et des terres), où se trouvent plusieurs petites exploitations rurales. Madame de Warens et Rousseau y habitent dès 1736 (peut-être 1735) dans la ferme Revil, puis dans la maison de Monsieur Noiret : « Après avoir un peu cherché, nous nous fixâmes aux Charmettes, une terre de M. de Conzié à la porte de Chambéry, mais retirée et solitaire comme si l’on était à cent lieues. Entre deux coteaux assez élevés est un petit vallon nord et sud au fond duquel coule une rigole entre des cailloux et des arbres. Le long de ce vallon à mi-côte sont quelques maisons éparses fort agréables pour quiconque aime un asile un peu sauvage et retiré. Après avoir essayé deux ou trois de ces maisons, nous choisîmes enfin la plus jolie, appartenant à un gentilhomme qui était au service, appelé M. Noiret. La maison était très logeable. Au devant un jardin en terrasse, une vigne au-dessus, un verger au-dessous, vis-à-vis un petit bois de châtaigniers, une fontaine à portée, plus haut dans la montagne des prés pour l’entretien du bétail ; enfin tout ce qu’il fallait pour le petit ménage champêtre que nous y voulions établir. Autant que je puis me rappeler les temps et les dates, nous en prîmes possession vers la fin de l’été 1736. J’étais transporté le premier jour que nous y couchâmes. O Maman ! dis-je à cette chère amie en l’embrassant et l’inondant de larmes d’attendrissement et de joie : ce séjour est celui du bonheur et de l’innocence. Si nous ne les trouvons pas ici l’un avec l’autre, il ne les faut chercher nulle part. ». Cette maison devient dès la Révolution, à l’époque romantique et jusqu’à nos jours, un lieu de pèlerinage : George Sand, Lamartine, Stendhal, de très nombreuses personnalités du monde des arts, des lettres et de la politique viennent rendre hommage à Rousseau. Classée monument historique et achetée par la ville de Chambéry en 1905, la maison des Charmettes est ouverte au public toute l’année, elle reçoit des visiteurs du monde entier, le site naturel est protégé.5

Les Charmettes sont avant tout une période de bonheur : « Ici commence le court bonheur de ma vie ; ici viennent les paisibles mais rapides moments qui m’ont donné le droit de dire que j’ai vécu. Moments précieux et si regrettés, ah recommencez pour moi votre aimable cours ; coulez plus lentement dans mon souvenir s’il est possible, que vous ne fîtes réellement dans votre fugitive succession. Comment ferai-je pour prolonger à mon gré ce récit si touchant et si simple ; pour redire toujours les mêmes choses, et n’ennuyer pas plus mes lecteurs en les répétant que je ne m’ennuyais moi-même en les recommençant sans cesse ? Encore si tout cela consistait en faits, en actions, en paroles, je pourrais le décrire et le rendre en quelque façon : mais comment dire ce qui n’était ni dit, ni fait, ni pensé même, mais goûté, mais senti, sans que je puisse énoncer d’autre objet de mon bonheur que ce sentiment même. Je me levais avec le soleil, et j’étais heureux ; je me promenais et j’étais heureux, je voyais Maman et j’étais heureux, je la quittais et j’étais heureux, je parcourais les bois, les coteaux, j’errais dans les vallons, je lisais, j’étais oisif, je travaillais au jardin, je cueillais les fruits, j’aidais au ménage, et le bonheur me suivait partout ; il n’était dans aucune chose assignable, il était tout en moi-même, il ne pouvait me quitter un seul instant. » (Confessions, livre VI).

C’est cependant loin d’être une idylle sentimentale, dans ses lettres écrites de Montpellier, où il part de septembre 1737 à février 1738, Rousseau se plaint de ne pas recevoir de nouvelles de Madame de Warens et à son retour il trouve sa « place prise » par Wintzenried. A partir de 1739, il ne voit plus beaucoup Madame de Warens aux Charmettes, il lit, écrit, le plus souvent seul ; après l’interruption de son séjour à Lyon d’avril 1740 à avril 1741, il revient aux Charmettes en mai 1741, il ne les quitte définitivement qu’en juillet 1742, lorsqu’il part pour Paris.

Les Charmettes par Werner, 1854
© Musées de Chambéry

La petite exploitation des Charmettes n’est pas riche : le bail de juillet 1738 comptabilise « deux bœufs et des vaches, dix brebis ou moutons, sept poules et un coq », « une charrue, une herse, et un berroton, le tout fort usé et presque hors service », les cultures citées sont le froment, le seigle, l’orge, les fèves, le blé noir. Madame de Warens sert aussi des « tartiffles » (pommes de terre) à ses domestiques, on cultive aux Charmettes le « blé de Turquie » (maïs), introduits nouvellement en Savoie. Madame de Warens cultive des plantes médicinales, Rousseau élève des pigeons et des abeilles, il est souvent malade, mais comme tous les autodidactes, il a une incroyable soif de découvertes, il étudie la musique, la géométrie, l’histoire (on a conservé de lui une Chronologie universelle qui date de cette époque), la géographie, l’astronomie (il fait des observations à la lunette dans le jardin), la physique, la chimie (un accident lors d’une expérience le conduit à rédiger son testament). Avec l’argent de son héritage, il s’achète des livres, dans sa commande au libraire Barillot, on trouve des romans (Marivaux, l’abbé Prévost), mais aussi des ouvrages de mathématiques, le Dictionnaire de Bayle, il pioche abondamment dans la bibliothèque de son ami Conzié et dans celle des jésuites de Chambéry, il lit les écrits de Port-Royal et devient « demi-janséniste ». C’est alors qu’il constitue son «magasin d’idées » et fait mûrir sa pensée : « Au bout de quelques années à ne penser exactement que d’après autrui, sans réfléchir pour ainsi dire, et presque sans raisonner, je me suis trouvé un assez grand fonds d’acquis pour me suffire à moi-même et penser sans le secours d’autrui » (Confessions, livre VI). Rousseau compose aux Charmettes ses premiers essais, il écrit des poèmes qu’il rassemblera sous le titre La Muse allobroge ou les œuvres du petit poucet, et notamment Le Verger de Madame de Warens où il cite les nombreux ouvrages qui sont ses lectures aux Charmettes, ainsi que l’Epître à Parisot. Il compose aussi des pièces de théâtre Iphis et Narcisse, un opéra La Découverte du nouveau monde. Il traite même de sujets scientifiques : Si le Monde que nous habitons est une sphère est publié dans le Mercure de France de septembre 1738, il prépare aussi son projet de notation musicale chiffrée, « méthode qu’il avait forgée aux Charmettes » d’après Conzié. Il part pour Paris son projet en poche pensant faire fortune en le présentant à l’Académie des sciences, hélas sans succès. Un des visiteurs a écrit le 4 aout 1911 dans le livre d’or des Charmettes : « Salut petit nid d’un oiseau dont le haut vol étonna son siècle et le monde entier», les Charmettes sont en effet le printemps de cet exceptionnel rossignol, comment ne pas se rappeler la belle phrase de Rousseau : « La joie avec laquelle je vis les premiers bourgeons est inexprimable. Revoir le printemps était pour moi ressusciter en paradis. À peine les neiges commençaient à fondre, que nous quittâmes notre cachot ; et nous fûmes assez tôt aux Charmettes pour y avoir les prémices du rossignol. Dès lors je ne crus plus mourir. » Confessions, livre VI.

Les Charmettes au printemps
© Musées de Chambéry

Episode capital, les Charmettes sont en quelque sorte l’apogée des Confessions, au centre de l’ouvrage. Il est significatif que les dernières lignes que Rousseau a écrites avant de mourir en 1778 soient aussi dédiées à Madame de Warens et aux Charmettes dans la dixième promenade des Rêveries du promeneur solitaire : « aidé de ses leçons et de son exemple, je sus donner à mon âme encore simple et neuve la forme qui lui convenait davantage et qu’elle a gardée toujours. Le goût de la solitude et de la contemplation naquit dans mon cœur avec les sentiments expansifs et tendres faits pour être son aliment. Le tumulte et le bruit les resserrent et les étouffent, le calme et la paix les raniment et les exaltent. J’avais besoin de me recueillir pour aimer. Une maison isolée au penchant d’un vallon fut notre asile, et c’est là que dans l’espace de quatre ou cinq ans j’ai joui d’un siècle de vie. » Période de formation et de bonheur, les Charmettes ont permis à Rousseau de devenir lui-même : « Durant ce petit nombre d’années, aimé d’une femme pleine de complaisance et de douceur, je fis ce que je voulais faire, je fus ce que je voulais être ».

La Savoie au cœur

Mais, en fin de compte, on aurait tort de croire que la Savoie ne fut pour Rousseau qu’un thème littéraire, ou une société « primitive » mythique et idyllique. Dans la Nouvelle Héloïse (4e partie, lettre XVII) Saint-Preux compare la terre du pays de Vaud, fertile, et celle du Chablais, restée pauvre, du fait d’un mauvais gouvernement. Sa conversion savoyarde n’est pas aussi furtive qu’il l’affirme dans les Confessions, il écrit dans une lettre à son ami Moultou le 23 décembre 1761 : « Vous concevrez aisément que la profession de foi du Vicaire savoyard est la mienne. Je désire trop qu'il y ait un Dieu pour ne pas le croire, et je meurs avec la ferme confiance que je trouverai dans son sein le bonheur et la paix dont je n'ai pu jouir ici-bas. » Il a gardé volontairement sous sa plume quelques mots ou expressions savoyardes, et Voltaire ironise dans son Dictionnaire philosophique au sujet de « Quelques auteurs qui ont parlé allobroge en français, ont dit élogier au lieu de louer, ou faire un éloge, par contre au lieu d’au contraire, éduquer pour élever, ou donner de l’éducation ; égaliser les fortunes pour égaler. »6 Au début du livre VII des Confessions Rousseau écrit : « Je me suis laissé dans ma première partie, partant à regret pour Paris, déposant mon cœur aux Charmettes, y fondant mon dernier château en Espagne, projetant d’y rapporter un jour aux pieds de maman, rendue à elle-même, les trésors que j’aurais acquis, et comptant sur mon système de musique comme sur une fortune assurée». Il ne s’agit pas là d’une figure littéraire, mais bien d’un rêve secret, que Rousseau cultiva longtemps, comme en témoigne sa correspondance7. Le 4 octobre 1762 Conzié lui annonce la mort de Madame de Warens et lui propose un séjour en Savoie : « J’ai toujours respecté cette aimable femme surtout depuis l’aveu confident qu’elle me fit des motifs qu’elle avait de ne vouloir partager son cœur avec d’autres qu’avec vous mon cher Rousseau… À votre tour, malgré notre perte, arrangez vos projets pour venir passer quelques jours avec moi dans mon ermitage des Charmettes qui fait les délices de ma vie ; j’y ai petites cellules, bon lait, beaux fruits, bonnes châtaignes et beaucoup de tranquillité ». Dès 1763, Rousseau recherche un asile en Savoie et envisage sérieusement d’y finir ses jours : « Après avoir tout comparé, je ne trouve point de meilleur peuple que le vôtre, je voudrais de tout mon cœur passer dans son sein le reste de mes jours. » (Lettre à François-Joseph de Conzié du 7 décembre 1763) ; en 1765 il demande à son ami de lui procurer « un asile agréable et paisible loin des grandes routes, où j’eusse pu trouver les choses nécessaires à la vie et passer en paix le reste de mes jours délivré de l’affluence insupportable des importuns… Après avoir étudié tous les peuples de l’Europe, je n’en trouve point qui soit autant selon mon cœur que le vôtre et parmi lequel j’aimasse mieux finir mes jours...»  (Lettre à François-Joseph de Conzié, comte des Charmettes, le 18 janvier 1765) et Conzié lui propose une maison dans sa propriété d’Arenthon, près de Bonneville (Lettre de François-Joseph de Conzié à Rousseau du 29 janvier 1765). En 1768, Rousseau vient sur la tombe de Madame de Warens et ce n’est qu’en 1770 qu’il renonce à son projet savoyard, suite à un refroidissement de ses relations avec Conzié mais surtout parce qu’il a pris conscience de son destin : l’écriture des Confessions s’impose en effet désormais à lui comme une nécessité pour sauvegarder son honneur et remplir son devoir : « Mais ne parlons plus de Chambéry ; ce n’est pas là où je suis appelé. L’honneur et le devoir crient ; je n’entends plus que leurs voix » (Lettre à Moultou du 17 avril 1770). Cependant la Savoie reste toujours le pays favori de Rousseau, c’est donc avec sincérité qu’il écrit : « C’est dommage que les Savoyards ne soient pas riches, ou peut-être serait-ce dommage qu’ils le fussent ; car tels qu’ils sont c’est le meilleur et le plus sociable peuple que je connaisse. » (Confessions, livre V).

Le destin des Charmettes avant et après Rousseau

Le lieu, avant même le séjour de Rousseau, était peut-être prédestiné, et d’abord par son nom. Ce nom figure bien sûr sur le cadastre sarde du XVIIIe siècle, mais son origine est plus ancienne puisqu’on le trouve déjà dans des documents féodaux du XIVe siècle. Le lieu fut érigé en fief en 1605 pour Antoine Favre, célèbre juriste ; l’un des membres éminents de cette famille fut Vaugelas, le grand grammairien. C’est par alliance que la famille de Conzié, l’ami de Jean-Jacques, hérita de ce fief. La chapelle de la maison des Charmettes, édifiée par la famille Noiret en bordure du chemin, date de 1647 et le fronton de la maison porte la date de 1660. Quant à l’origine du nom, elle reste inconnue : s’agit-il du nom de l’arbre, le charme, ou du charme au sens étymologique du latin « carmen », formule magique, poésie ? Le nom avait tout pour séduire Rousseau et Madame de Warens à la recherche d’un asile à la campagne, « un peu sauvage et retiré ».

Rousseau n’a jamais possédé les habitations où il a vécu, Madame de Warens est elle-même locataire de Monsieur Noiret aux Charmettes. Quelques années après le départ de Rousseau de Chambéry en 1742, elle sous-loue en 1749 la maison à Joseph Vial, marchand de Chambéry, puis s’installe au Reclus en 1750 ; la maison des Charmettes passa ensuite entre plusieurs mains, en 1781 elles sont propriété de l’abbé de Regard de Vars, qui émigra en 1793, peut-être fut-il réintégré dans ses droits, car c’est à lui que George-Marie Raymond acheta la maison en 1810 ; ce sont les descendant de Raymond, la famille Dénarié, qui vendent à la ville de Chambéry la maison et le jardin en 1905, mais il faudra attendre 1985 pour que la propriété soit reconstituée entièrement avec la grange et les terrains attenants. Nous avons cité le premier pèlerinage dont on a gardé trace, celui de François d’Escherny en 1786, ils furent probablement nombreux très tôt, ainsi Arthur Young raconte sa venue en 1789 : “I was eager to view Charmettes, the road, the house of Madame de Warens, the vineyard, the garden, every thing, in a word, that had been described by the inimitable pencil of Rousseau. There was something so deliciously amiable in her character, in spite of her frailties—her constant gaiety and good humour—her tenderness and humanity—her farming speculations—but, above all other circumstances, the love of Rousseau, have written her name amongst the few whose memories are connected with us, by ties more easily felt than described. The house is situated about a mile from Chambery, fronting the rocky road which leads to that city, and the wood of chesnuts in the valley. It is small, and much of the same size as we should suppose, in England, would be found on a farm of one hundred acres, without the least luxury or pretension; and the garden, for shrubs and flowers, is confined, as well as unassuming. The scenery is pleasing, being so near a city, and yet, as he observes, quite sequestered. It could not but interest me, and I viewed it with a degree of emotion; even in the leafless melancholy of December it pleased. I wandered about some hills, which were assuredly the walks he has so agreeably described. I returned to Chambery, with my heart full of Madame de Warens” (Travels during the years 1787, 1788 & 1789, éd. 1793).

Portrait de Rousseau par Peytavin aux Charmettes, 1793
© Musées de Chambéry

Plaque de la façade des Charmettes, 1793
© Musées de Chambéry

Il est certain que la maison fut l’objet d’un culte à la Révolution, le Plan de la fête à l’être suprême du 20 prairial [1793] à Chambéry décrit une procession aux Charmettes. Le portrait qui figure dans la salle à manger des Charmettes, a été peint par Jean-Baptiste Peytavin en 1793 et la tradition veut qu’il ait été alors installé aux Charmettes ; il était déjà là lorsque George-Marie Raymond prend possession de la maison en 1810. La plaque qui figure sur la façade de la maison (« Réduit par Jean-Jacques habité / Tu me rappelles sa folie / À la gloire, à la Vérité / Il osa consacrer sa vie / Et fut toujours persécuté / Ou par lui-même ou par l’envie ») fut posée par Hérault de Séchelles, alors député de la Convention en mission en Savoie et fin lettré puisqu’il est l’auteur d’un célèbre Voyage à Montbard chez Buffon, qui reste l’un des plus anciens exemples des récits de pèlerinages littéraires, rappelons qu’il avait acheté les manuscrits de la Nouvelle Héloïse aujourd’hui déposés à l’Assemblée nationale, le portrait de Madame de Warens est hélas perdu. Un récit de Felice Bongisanni de 1799 précise : "depuis la Révolution, on a placé au-devant de la maison un grand arbre de la liberté surmonté d'un bonnet, qui paraît de fort loin" (publié par A. Palluel, Bulletin des amis du Vieux Chambéry, 24, 1985).

Madame de Warens d’après le portrait perdu que possédait Hérault de Séchelles © Musées de Chambéry



Extraits des livres d’or des Charmettes
© Musées de Chambéry

Vue des Charmettes par Deroy, vers 1850
© Musées de Chambéry

Nous ne ferons pas ici l’inventaire de tous les pèlerins qui se sont succédés aux Charmettes, deux expositions intitulées Les chemins de Jean-Jacques ont exploré ces pistes en 2011 et 2012 à l’occasion du tricentenaire de la naissance de Rousseau (voir les petits journaux de ces expositions sur le site de la Ville de Chambéry : http://musees.chambery.fr/423-publications.htm ). Outre les récits publiés dans des ouvrages ou revues, des livres d’or des visiteurs manuscrits sont conservés au musée, le plus ancien de 1820, et une trentaine de volumes jusqu’à nos jours, grâce à George-Marie Raymond qui instaura cette tradition (sur ce personnage, influencé par les Lumières, qui joua un grand rôle dans la transmission des Charmettes, voir : Notice sur les Charmettes par George-Marie Raymond / Mireille Védrine, in : L’indispensable visite, Orages, n°8, mars 2009). La ferveur des romantiques est vive pour Rousseau, deux écrivains en particulier rendent un hommage vibrant à Rousseau suite à leur visite des Charmettes, Alphonse de Lamartine (dans le Voyage en Orient et dans Raphaël) et George Sand (voyage de 1861 publié dans la Revue des deux mondes de 1863). Le plus marquant est sans doute d’une part les réactions d’amour et de haine suscitées par Rousseau dans les livres d’or ou dans les journaux de Chambéry, en particulier au début du 20e siècle lors de la séparation de l’Église et de l’État en France, ou lors de l’inauguration de la statue de Rousseau sculptée par Marius Mars Vallett aux Charmettes et installée au Clos Savoiroux à Chambéry en 1910 pour le cinquantenaire du rattachement de la Savoie à la France. On peut noter aussi, sur la plaque posée sur la façade des Charmettes par Hérault de Séchelles, comme sur les livres d’or des visiteurs, que Rousseau est l’un des rares écrivains que l’on nomme par son prénom : « Jean-Jacques » est proche de chacun, par ses récits autobiographiques on le connait intimement et il est l’un des défenseurs du peuple. En 1905, la maison a été classée monument historique et est devenue, après une rude bataille, propriété de la Ville de Chambéry. Elle est un symbole, un manifeste des idées de Rousseau, venir aux Charmettes c’est se ranger à ses côtés, ainsi le futur ministre de la justice français, Robert Badinter, alors âgé de 15 ans et réfugié en Savoie pour fuir le régime nazi, écrit sur le livre d’or le 23 juin 1943 ce petit quatrain : « Jean-Jacques inconnu habita ce réduit./ Passant qui nonchalant le visite aujourd’hui / Souviens-toi, je t’en prie que grâce à son génie / Sous nos aïeux mourut l’odieuse tyrannie ».

Mais, jusqu’à nos jours, c’est bien la magie et le charme du lieu qui touche le plus les visiteurs. Elle est due, bien sûr et avant tout au récit de Rousseau. Au-delà de cette poésie, il faut voir dans cette maison un message philosophique de Rousseau, laissé à tous, qui touche de près à sa conception du bonheur : l’amour, la lecture, la musique, mais aussi la nature étaient là aux Charmettes pour faire naître son génie, et par la magie de la mémoire des lieux ils sont toujours présents aujourd’hui. Il a été sans doute, avant les romantiques, l’un des premiers, et bien avant Marcel Proust et sa petite madeleine, à comprendre le pouvoir mémoratif des objets, c’est ce qu’il raconte à travers l’expérience de la pervenche retrouvée trente ans après son séjour aux Charmettes : « elle vit quelque chose de bleu dans la haie et me dit voilà de la pervenche encore en fleur ». La mémoire des lieux tient dans cette expérience sensible. « Le lecteur peut juger, par l'impression d'un si petit objet, de celle que m'ont faite tous ceux qui se rapportent à la même époque ». Plutôt que du domaine des sensations, on pourrait rapprocher le terme « impression » de la gravure ou de l’imprimerie, Rousseau l’emploie ailleurs, encore à propos de la nature : « Tout ce qu'ont fait les hommes, les hommes peuvent le détruire: il n'y a de caractères ineffaçables que ceux qu'imprime la nature, et la nature ne fait ni princes, ni riches, ni grands seigneurs. » (Émile, livre III)


Le chemin des Charmettes par F. Cachoud, 1906
© Musées de Chambéry

Une pervenche des Charmettes
© Musées de Chambéry

L’idée de la permanence de la nature et du pouvoir d’évocation des objets à de grandes distances de temps ne pouvait échapper à Rousseau, c’est donc probablement en pleine conscience qu’il a gravé aux Charmettes, qu’il a confié, non seulement à ses manuscrits, mais aussi à une petite pervenche bleue, aux arbres, aux oiseaux et à une petite maison, livrée aux caprices de l’histoire, son message sur le bonheur à l’intention des pèlerins et des lecteurs du futur, une leçon de simplicité : « Je me levais avec le soleil, et j’étais heureux ; je me promenais et j’étais heureux, je voyais Maman et j’étais heureux, je la quittais et j’étais heureux, je parcourais les bois, les coteaux, j’errais dans les vallons, je lisais, j’étais oisif, je travaillais au jardin, je cueillais les fruits, j’aidais au ménage », sans oublier pourtant une dernière précision : ce bonheur est avant tout intérieur… : « le bonheur me suivait partout : il n'était dans aucune chose assignable, il était tout en moi-même, il ne pouvait me quitter un seul instant » (Confessions, livre VI). Il en va de même pour tous les pèlerins des Charmettes : une démarche intérieure, tel est peut-être le secret de la mémoire des lieux et de tous les pèlerinages ? : "Les Charmettes sont donc bien à moi à présent, avec cet agrément que d'autres en ont le soin et la responsabilité, et avec la certitude que l'on tient à les conserver telles qu'elles sont ; je sais dans quelle allée du jardin je trouverai les plantes que j'ai rapportées, je connais celles des terrains environnants, je sais les pierres du chemin, j'ai dans le cerveau la maison photographiée, je connais le dessin des dessus de porte du salon et les notes que chante encore l'épinette. Mais de quoi me servirait d'avoir fait grande attention à tout, si je n'avais pas été ému par ce je ne sais quoi qui ne s'emporte pas matériellement, et qui seul donne de la valeur et de la vie aux choses emportées ?" (A propos des Charmettes, 1861, publié dans la Revue des 2 mondes du 15 novembre 1863).

Le jardin des Charmettes sous la neige
© Musées de Chambéry

Mireille Védrine, conservatrice des Charmettes, janvier 2014

Musée des Charmettes,
maison de Jean-Jacques Rousseau :
890 Chemin des Charmettes,
73000 Chambéry.
Tél +33-(0)4-79-33-39-44,
musees@mairie-chambery.fr,
http://musees.chambery.fr
.

Visites guidées et audioguidées en français, anglais et italien. Jardin botanique. Sur la dernière exposition temporaire, Rousseau, Diderot et les arts à l’occasion du tricentenaire de la naissance de Diderot en 2013, voir : http://musees.chambery.fr/423-publications.htm

 

1 Jean Sgard, Jean-Jacques Rousseau, la Savoie et les Savoyards, L’Histoire en Savoie, suppl. au n°120, déc. 1995.

2 Mireille Védrine, Les Jardins secrets de Jean-Jacques Rousseau. Chambéry : Agraf, 1990. Mireille Védrine, dossier sur le site des Archives départementales de la Savoie http://www.sabaudia.org/3191-rousseau-et-la-savoie.htm. Mireille Védrine, articles Chambéry, Turin, Les Charmettes, Thônes, Annecy dans le Dictionnaire de Jean-Jacques Rousseau. Paris : Champion, Genève : Slatkine, 1996, rééd. 2006 (avec bibliographies). Mireille Védrine, Rousseau, in : Histoire de la littérature savoyarde, sous la direction de Louis Terreaux. Académie de Savoie-La Fontaine de Siloé, 2011. Mireille Védrine et Yves Mirodatos, Un écrivain né en Savoie, in : Jean-Jacques Rousseau : le sentiment et la pensée. Glénat, 2012.

3 Jean Nicolas.La Savoie au temps de Rousseau. In : Jean-Jacques Rousseau au présent.Chambéry : Association des amis de Jean-Jacques Rousseau, 1978, p. 165-173.

4 André Palluel-Guillard, « Le mythe de Jean-Jacques Rousseau à Chambéry », in : Jean-Jacques Rousseau au présent. Chambéry : Association des Amis de Jean-Jacques Rousseau, 1978, p. 175-193. Gabriel Pérouse. « Jean-Jacques Rousseau à Chambéry », in : Causeries sur l’histoire littéraire de la Savoie, t. II. Chambéry : Dardel, 1934, p. 189-225.  Jean Planche, « À la recherche de l’ombre de Jean-Jacques Rousseau dans le vieux Chambéry ». Vieux Chambéry, 3, 1964, p. 25-27. Jean Planche,« À la recherche de l’ombre de Jean-Jacques Rousseau dans le vieux Chambéry ». Bulletin de la Société des amis du vieux Chambéry, 4, 1972, p. 1-15. Mireille Védrine et Gilbert Garde, La guerre des statues. Silvana Editoriale, 2010.

5 Quelques références bibliographiques parmi les nombreux articles existants sur les Charmettes : George-Marie Raymond. Notice sur les Charmettes, vallon des environs de Chambéry, à l’usage des voyageurs qui visitent la retraite de Jean-Jacques,  Paris : Paschoud, 1811.George Sand. A propos des Charmettes. Revue des deux mondes, 48, nov. 1863, p. 341-365 (rééd. PUG, 2004).François Mugnier. Madame de Warens et Jean-Jacques Rousseau : étude historique et critique. Paris : Calman-Lévy, 1891 (reprint Genève : Slatkine, 1971). Maurice Dénarié.Les Charmettes au temps de Jean-Jacques Rousseau et Madame de Warens. Mémoires et documents de la Société savoisienne d’histoire et d’archéologie, LXIII, 1926, p. 159-185. Charles Guillermin.Notice de M. de Conzié des Charmettes, sur Mme de Warens et Jean-Jacques Rousseau et Bail de la propriété des Charmettes. Mémoires et documents de la Société savoisienne d’histoire et d’archéologie, I, 1856, p.73-90 Hermine de Saussure. Les maisons des Charmettes. Genava, 4, fasc. 1-4, nov. 1956, p. 75-84. Jean-Olivier Viout.Un grand chambérien du XVIIIe siècle : François-Joseph de Conzié. Bulletin des mais du vieux Chambéry, 6, 1967, p. 13-17. Jean-Olivier Viout.La sépulture de Madame de Warens. Vieux Chambéry, V, 1973, p. 52-62. Au berceau du romantisme avec Jean-Jacques Rousseau : les Charmettes. Echo des amis des musées de Chambéry, 13, 1986. Mireille Védrine, Les Charmettes : maison de Jean-Jacques Rousseau. Chambéry : Agraf, Amis des musées, 1990. Mireille Védrine.Les Charmettes : hier, aujourd’hui, demain. Bulletin de la Société des amis du Vieux Chambéry, 34, 1995, p. 35-44.Mireille Védrine. Au penchant d’un vallon, les Charmettes hier, aujourd’hui, demain, Bulletin de la Fédération des maisons d’écrivains et des patrimoines littéraires, 16,  mars 2007.

6 Alexis François. Les provincialismes suisses-romands et savoyards de Jean-Jacques Rousseau, Annales de la Société Jean-Jacques Rousseau, t.3, 1907, p. 1-38. J. Désormaux. J.-J. Rousseau et le patois savoyard. Académie florimontane, 1925, p. 69-71.

7 Jean-Jacques Rousseau. Correspondance complète, éditée par Ralph-Alexander Leigh. Genève : Institut Voltaire ; Oxford : Voltaire foundation, 1965-1998. 52 vol.

 

 



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