La revue électronique de l'Institut et Musée Voltaire
ISSN 1660-7643
       
         
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Statue du chevalier

Le chevalier de la Barre au centre des attentions

Ce ne sont pas moins de deux événements d’importance qui, en cette période hivernale, concernent le chevalier de la Barre. On se souvient que ce jeune homme, exécuté et réduit en cendres en juillet 1766 pour ne s’être pas découvert devant une procession et avoir même, disent certains, craché sur un crucifix, avait été vigoureusement défendu par Voltaire. L’affaire n’avait pas été sans inquiéter le patriarche jusque sur ses terres de Ferney : le Dictionnaire philosophique, qui se trouvait être la principale lecture du jeune homme, avait accompagné ce dernier sur le bûcher. Voltaire n’était pas vraiment, à cette époque, -osons le mot- en odeur de sainteté. Il sentait même un peu le roussi.

Dominique Dattola

Les Trois Vies du Chevalier, de Dominique Dattola

Dominique Dattola, cinéaste marseillais, a consacré une dizaine d’années, pas moins, à la production d’un film de près de deux heures où se mêlent fiction et documentaire : il s’agit, après l’évocation du supplice même du chevalier, d’assister aux mésaventures de sa statue, finalement dressée, voici quelque temps, dans le petit square Nadar, sur la butte Montmartre. Défilent tour à tour spécialistes de Voltaire ou du dix-huitième siècle (Charles Porset, Jean-Claude Bonnet) et personnalités civiles ou religieuses, toutes apportant un éclairage parfois étonnant sur cette étrange affaire…

Félicien Delon

UNE PRODUCTION AZOTH Studio EN ASSOCIATION AVEC L’ORCHESTRE DE PICARDIE, CENTREVILLE TELEVISION
Les 3 Vies du Chevalier
UN FILM DOCUMENTAIRE DE DOMINIQUE DATTOLA
DANS LE ROLE DU FANTOME DU CHEVALIER
FELICIEN DELON
SCULPTURE
EMMANUEL BALL & MICHEL JACUCHA
MUSIQUE
FRANCK AGIER & GERARD COHEN TANNUGI
DIRECTION D’ORCHESTRE
OLIVIER HOLT
FRANCE / 2013 / DCP / COULEURS / 1.37 / 2.1 / 1H50
www.les3viesduchevalier.org

Nous reproduisons ci-dessous, avec son aimable permission, l’entretien que Dominique Dattola a accordé à Xavier Bazot, au moment de la sortie du film.

Xavier Bazot
Comment avez-vous eu vent de cette saga historique ?

Dominique Dattola
Tout est parti d’un bulletin de souscription qu’une amie m’avait mis entre les mains pour participer au financement de la nouvelle statue du Chevalier de la Barre. J’ai lu et je me suis rendu compte qu’il y avait là un film à tourner, pas une fiction mais plutôt un documentaire de création. C’était une thématique que je connaissais bien, parce que j’avais déjà adapté, sous forme de scénario, le roman de Raymond Jean, La Fontaine Obscure -le récit d’un autre procès de l’Ancien Régime, celui d’un homme broyé par une même machine judiciaire et religieuse. Ce projet de fiction ne s’est pas concrétisé, mais toute ma réflexion sur les rapports entre l’Église et le pouvoir avait déjà bien mûri avant d’aborder les Trois vies du Chevalier.

Xavier Bazot
Avez-vous conduit seul cet énorme travail ?

Dominique Dattola
Seul ! Loin de là, mais je ne pensais pas que le projet m’emmènerait aussi loin. Dans un premier temps, j’ai en effet tourné seul le film d’Art, c’est-à-dire le modelage de la nouvelle statue, le bronze en fusion (un moment magique) et sa mise sur socle à Montmartre. Mais en interviewant les personnes qui participaient à son inauguration, j’ai pris conscience de la densité historique phénoménale du sujet, car il ne s’agissait pas uniquement du chevalier de la Barre, qui, lui, a eu, entre guillemets, une toute petite carrière, mais aussi de ses défenseurs, puisque, entre son exécution en 1766 et cette inauguration de 2001, il s’était écoulé environ deux siècles et demi de controverses et de rebondissements propices au développement d’un script bien plus ambitieux. Il s’en est suivi un long travail de recherche en équipe cette fois avec mon assistant et mon coscénariste pour compiler les documents sur le procès lui-même et interroger de nombreux historiens dans la fenêtre spécifique de leur connaissance du sujet. Ils ne sont pas tous à l’écran.
D’une certaine façon, cette saga, oui, je l’ai portée seul puisque je l’ai finalement produite moi-même en dehors des circuits classiques qui l’ont boudée mais avec la volonté farouche d’une équipe, d’équipes successives, qui m’ont accompagné tout au long de cette aventure. Je tiens à les en remercier.

Xavier Bazot
Penseurs, sculpteurs et musiciens accompagnent votre Chevalier.

Dominique Dattola
Oui, en effet. Trois fils narratifs s’entrecroisent : la marche de la liberté de penser depuis le siècle des Lumières jusqu’à aujourd’hui, la fabrication de la nouvelle statue jusqu’à sa mise en place et la création de la partition musicale en hommage au Chevalier, au passage sublime. On voit même brièvement l’équipe du film en train de travailler. C’est un film artisanal, un film de bâtisseurs, un film symphonique.

Xavier Bazot
Ces trois fils narratifs dont vous parlez, vous ont inspiré le titre du film « Les Trois vies du Chevalier » ?

Dominique Dattola
On peut le voir ainsi mais, dans mon esprit, les trois vies du chevalier correspondent à trois époques distinctes. La première de son vivant, la deuxième au moment de l’érection, à sa mémoire, de la statue d’Armand Bloch en 1904 qui disparaît quelque temps plus tard, mais je ne vais pas tout vous raconter… et la troisième vie au moment de l’inauguration de celle d’Emmanuel Ball, la statue que nous connaissons aujourd’hui. Il y a d’ailleurs de nombreuses autres statues qui viennent à la rescousse du Chevalier dans mon film. Voltaire, Victor Hugo, Jean Jaurès…

Xavier Bazot
Vous avez recueilli la contribution d’hommes d’Église…

Dominique Dattola
Pour construire un film rigoureux, il fallait certes donner la parole aux libres penseurs mais aussi aux prêtres de l’Église catholique. Ils sont encore assez gênés aujourd’hui par cette vieille affaire qui entache toujours l’histoire du catholicisme en France mais après quelques petites réticences, ils ont finalement accepté de répondre à mes questions. C’était un pari difficile dans la mesure où sous l’Ancien Régime, le pouvoir civil et le pouvoir religieux se confondaient. Alors dégager les responsabilités réelles dans ce procès, savoir si oui ou non l’Église a forcé la main du pouvoir civil ou si ce dernier s’est servi de l’Église, était bien difficile à établir sur le papier. Il me fallait leur point de vue. Au public d’en juger. Pour ma part, je crois que les intérêts du Roi et ceux de l’Église à un moment se sont mêlés pour aboutir à cette boucherie car, à défaut de brûler Voltaire, ils ont dû être bien satisfaits de mettre la main sur l’un de ses lecteurs, un bouc-émissaire pris au hasard.

Xavier Bazot
En résumé ?

Dominique Dattola
Une justice impartiale exige avant tout que les pouvoirs spirituel et temporel soient strictement séparés pour garantir à chacun la liberté d’opinion. C’est l’idée que défend mon film.

Xavier Bazot
Quel public souhaitez-vous toucher ?

Dominique Dattola
Le très grand public. La laïcité est une idée suffisamment abstraite et difficile à traiter pour mériter un ouvrage cinématographique qui en explique l’historique de façon attractive. Le Chevalier tombait à pic comme fil conducteur pour se repérer facilement dans les débats successifs. Et puis, j’ai veillé scrupuleusement à ce que les mots trop savants soient écartés du montage. Je n’ai pas voulu en faire un film pour spécialistes. Vous savez, j’ai organisé une quinzaine de projections-test en France fin 2012. Elles ont permis à un public, non savant justement, de me faire part de ses remarques, s’agissant de la compréhension globale du récit comme du niveau de langage employé, de la construction comme de la forme. J’en ai tenu compte avant de monter la copie définitive du film mais je n’étais déjà pas très loin du but. J’ai surtout coupé, le film faisait 2H20.

Xavier Bazot
Ce film a donc pour vocation d’être pédagogique ?

Dominique Dattola
Oui, et d’ouvrir au débat citoyen. Je couvre une période qui court du sacre de Louis XV au centenaire de la loi de séparation de l’Église et de l’État. Un simple rappel historique. Pour le reste, c’est au public de s’emparer du film. À travers le monde, le délit de blasphème est encore malheureusement un sujet brûlant d’actualité et la bataille pour la laïcité n’est toujours pas gagnée.


Le Chevalier de la Barre, portrait d’un jeunehomme , de Jacques Gabriel

C’est à Ferney-Voltaire qu’on a pu découvrir, les 6, 7 et 8 février derniers, l’œuvre de Jacques Gabriel : le Chevalier de la Barre, portrait d’un jeune homme. Présentée par la Compagnie Issue de secours dans une adaptation dramaturgique de Jacques Labarrière, une mise en scène de Charles Lee et une co-mise en scène, essentiellement centrée sur la direction des masques, de Louis Fortier, cette pièce réunissait Warren Bauwens, Yannick Becquelin, Maja Bieler, Hélène Cauët, Jade Collet, Thierry Mercier, Johnny Rasse et Alexis Tripier.

Créée à Abbeville, le lieu même du supplice du chevalier de la Barre, en 2011, quelques extraits de la piuèce sont aujourd’hui disponibles sur le web : http://www.theatre-video.net/video/Le-Chevalier-de-La-Barre

 



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© IMV Genève |27.02.2014