La revue électronique de l'Institut et Musée Voltaire
ISSN 1660-7643
       
         
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par François Jacob

    
       

 

     
 

 

Sur les pas de George Washington

Portrait de George Washington

S’il est à New-York un haut lieu d’histoire, et d’une histoire plus particulièrement liée au dix-huitième siècle, c’est bien la Fraunces Tavern. Située au 54 Pearl Street, c’est-à-dire à deux pas du port et des embarcadères pour Staten Island ou le New Jersey, elle est le bâtiment le plus ancien de Manhattan. Construite en 1719 par un marchand huguenot, elle devient un centre actif dans le domaine politique et accueille à plusieurs reprises George Washington, qui fait même ses adieux, depuis la taverne, à ses principaux officiers. Tout à tour bâtiment abritant le ministère des affaires étrangères (fin du dix-huitième siècle et début du siècle suivant), hôtel (dix-neuvième et début du vingtième siècle) et musée (de nos jours), la Fraunces Tavern présente à qui en franchit le seuil plus de deux cents ans de tradition.

Intérieur du musée

Attardons-nous un peu sur la partie « dix-huitièmiste » de cette longue histoire. Une première période nous mène de la construction de la maison, en 1719, à son achat par Samuel Fraunces en 1762. On doit l’édification de la bâtisse à Stéphane de Lancey, huguenot français arrivé à New-York en 1686 après avoir transité par Rotterdam et Londres. Stéphane, devenu Stephen de Lancey, la loue rapidement à un certain Henry Holt qui y organise une académie de danse. Mais ce sont de braves et bons marchands, évidemment intéressés par la proximité du port, qui finissent par envahir la maison. L’histoire ne dit pas où ont échoué, pour leur part, les élèves du malheureux Holt : les fouilles archéologiques, pourtant nombreuses dans le secteur, n’ont permis de retrouver nul petit chausson blanc. Une fois dépassée la moitié du siècle, la tension monte vivement dans cette partie méridionale de l’île de Manhattan : la Révolution est proche.

Drapeau de la croix de St André

C’est précisément l’époque à laquelle Samuel Fraunces fait l’acquisition de la maison. Il y ouvre le Queen’s Head Tavern, nommée en référence à la reine Charlotte d’Angleterre. Plusieurs sociétés s’y réunissent dont la New York Society Library, le Social Club, les Friendly Brothers of St Patrick et la St Andrew’s Society. Il semble même que se soient installés pour un temps les chevaliers de l’ordre de Corse : au même moment, à l’autre bout du monde, sur l’île susnommée, naissait un petit Napoléon...

1773 est une date marquante : celle du New York Tea Party organisé par les patriotes américains. La taverne abrite également les repas des officiels du City Hall, situé à quelques dizaines de mètres : c’est ainsi qu’en mai et juin 1776 les représentants du Congrès de la Province de New-York y dînent quasiment tous les jours. Certes, la ville de New-York restera occupée jusqu’en1783 par les Anglais, mais la taverne n’en reste pas moins un haut lieu de discussions politiques. Le moment le plus important de son histoire est assurément le départ de George Washington, accueilli avec ses officiers à la Fraunces Tavern par le général Clinton.

Une troisième ère commence alors pour l’ancienne maison de Stephen de Lancey, qui voit s’élever dans son périmètre toutes sortes de bâtiments officiels propres à lui assurer, à des degrés divers, une certaine forme de prospérité. Transformée en bâtiment plus ou moins administratif, elle redevient taverne en 1788, non sans proposer de nombreuses conférences, lectures et autres séances récréatives aux officiels des blocks voisins. New-York toutefois perd son statut de capitale en 1790 et se consacre de plus en plus aux seuls échanges commerciaux : la maison oscille alors entre sa mission hôtelière et une vocation historique –hésitation que le visiteur contemporain perçoit aujourd’hui pleinement.

Mémoires de Benjamin Tallmadge

Il faut en effet pénétrer dans le restaurant pour pouvoir accéder au premier étage, où se trouve le musée. Celui-ci est constitué d’une dizaine de pièces pour l’essentiel arrangées sobrement et pourvues de vitrines où des cartels déjà anciens dispensent une information minimale. À noter, parmi les documents les plus intéressants, une série de photos de l’année 1900 avec, reproduite dans le présent article, celle du banquet de la commémoration du Revolution Evacuation Day qui s’était tenu au restaurant Delmonico, ou le manuscrit complet des Mémoires de Benjamin Tallmadge (1754-1835).

Restaurant Delmonico, 1900

Gadschen Flag

La plus grande des pièces d’exposition, située au deuxième étage, est exclusivement consacrée aux drapeaux des premiers temps de l’Amérique. On y trouve notamment le drapeau de la croix de St André, dont les origines écossaises sont dûment rappelées sur le document d’accompagnement, et trois des drapeaux de la flotte américaine pendant la Révolution : le drapeau de la marine continentale (Gadschen Flag, du nom du colonel qui l’a proposé au Congrès) avec son double motif de serpent (très commun dans les drapeaux du sud) et de pins (symbole de la Nouvelle Angleterre) ; le drapeau des vaisseaux de Washington avec son arbre (représentation symbolique de la Révolution impulsée dans le nord du pays) ; et enfin un des nombreux drapeaux de vaisseaux privés qui, pour la plupart d’origine marchande, n’en aidaient pas moins la jeune marine américaine en attaquant sans relâche les vaisseaux anglais. L’un de ces « corsaires » les plus célèbres fut assurément Robert Morris (1734-1806), marchand originaire de Liverpool et célébré aujourd’hui comme l’un des héros de la révolution américaine. Le visiteur affamé peut tâter, au restaurant du rez-de-chaussée, d’une sorte de tourte très prisée, paraît-il, par George Washington lui-même. Nul doute qu’il ne s’agît d’une ruse anglaise pour se défaire du célèbre général américain : plusieurs touristes, à l’estomac sans doute moins solide que le sien, en ont fait les frais. L’endroit n’en reste pas moins un haut lieu de la vie new-yorkaise au dix-huitième siècle, à l’époque où les tours les plus hautes faisaient trois étages et où Broadway était encore vaguement cerclée, à l’instar de Genève, d’une enceinte fortifiée.

Drapeau des vaisseaux de Washington

Drapeau des vaisseaux privés

 



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