La revue électronique de l'Institut et Musée Voltaire
ISSN 1660-7643
       
         
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par François Jacob

    
       

 

     
 

 

Rencontre avec MM. Andrew Brown,
Max Engammare et Michel Slatkine

Nous proposons dans le texte qui suit une synthèse des trois interventions de MM. Slatkine, Engammare et Brown lors de la journée d’étude du vendredi 3 octobre 2014. Les lecteurs qui souhaiteraient avoir accès à l’ensemble des discussions et interventions de cette table ronde peuvent aisément le faire en l’écoutant de bout en bout grâce au lecteur MP3 dont ils trouveront le lien sur cette page.

Dans son introduction, M. Jacob rappelle d’abord que les éditeurs ici présents se sont tous les trois penchés sur la littérature des Lumières, qu’ils partagent un même ancrage géographique et qu’ils ont récemment développé une interface numérique susceptible de répondre aux exigences très particulières, sur le plan éditorial, des œuvres du dix-huitième siècle. Y-a-t-il d’ailleurs, demande-t-il, un impact plus spécifique des nouvelles technologies dans l’édition des textes de cette époque ? C’est afin d’aborder cette question, et bien d’autres, que M. Jacob passe en premier lieu la parole à M. Michel Slatkine.

Celui-ci souhaite d’abord se « situer » dans le « paysage genevois ». Après avoir fait la Sorbonne à Paris et s’être « hasardé » dans l’enseignement, il rejoint la librairie fondée en 1918 par son grand-père venu de Russie. Sa « formatrice » dans le domaine du livre ancien n’est autre qu’Eugénie Droz, qui lui propose à deux reprises de racheter sa maison d’édition et, sur le refus répété de M. Slatkine, davantage intéressé par le livre ancien, la vend finalement à M. Alain Dufour. L’activité de M. Slatkine commence au moment où les Américains mettent au point le procédé de l’offset, c’est-à-dire la possibilité de rééditer des livres épuisés d’une manière économiquement viable : et M. Slatkine de donner l’exemple du Dictionnaire de Godefroy en dix volumes qui avait été édité à la fin du dix-neuvième siècle par la maison Champion et était devenu totalement introuvable. Ce sont d’ailleurs, précise M. Slatkine, les revues scientifiques qui ont  fait l’objet des premières réimpressions par nos amis américains. Les Français quant à eux ne se sont pas du tout intéressés aux rééditions. Dès lors, s’est-il dit, pourquoi ne pas tenter une réimpression ? Et la librairie Slatkine de rééditer la Pléiade française vendue, en l’espace de quelques mois, à deux ou trois cents exemplaires. Trente ans de réimpressions ont suivi de telle sorte que M. Slatkine voit plutôt sa carrière comme celle d’un « réimprimeur ».

S’est ensuite produit un phénomène tout à fait curieux : la possibilité, en 1972, de racheter les éditions Champion à Paris. C’était l’occasion d’ouvrir une vitrine en France, bien placée de surcroît, au quai Malaquais. Mais, dans ce genre de circonstances, la tentation vient toujours d’éditer soi-même quelque chose. M. Slatkine édite alors quelques grandes thèses en 1973 et 1974 et continue à réimprimer jusqu’au moment où les réimpressions cessent d’être intéressantes.

Deux raisons à cela. La première est la baisse des budgets des grandes universités. La seconde a été l’envie de se focaliser sur les rééditions de grands journaux du dix-huitième siècle, évidemment introuvables ou inaccessibles dans le commerce, contrairement aux simples éditions anciennes : n’était-il pas plus utile pour la recherche de pouvoir disposer, au sein d’une bibliothèque, de la version complète de l’Année littéraire de Fréron ? C’est un peu plus tard, dans les années 1990-1994, que l’aventure éditoriale a proprement commencé et que les éditions Slatkine sont finalement devenues concurrentes des éditions Droz. Plusieurs collections ont alors été créées qui comprennent aujourd’hui trois mille volumes. Actuellement, ce sont entre cent cinquante et deux cents volumes d’érudition qui sont édités chaque année aux éditions Honoré Champion.
Telles sont, conclut M. Slatkine, les étapes de cette carrière d’antiquaire, de réimprimeur et, finalement, d’éditeur.

S’agissant du numérique, c’est là un phénomène qui, pour lui, est en train de « bouleverser la donne », et ce pour deux raisons : l’attrait des chercheurs d’une part, qui emmagasinent un nombre considérable d’informations en peu de place, et la raréfaction consécutive des volumes papier. Cette restriction aux implications économiques évidentes met les éditeurs actuels dans une situation délicate : comment assurer les frais de composition, de tirage et de vente ? En 1973, précise M. Slatkine, on tirait à mille exemplaires, on en vendait six à sept cents et il restait un stock. À l’heure actuelle, les ventes ayant baissé, c’est un exploit d’arriver à trois ou quatre cents ventes. D’où la nécessité de demander des subventions, solution à laquelle M. Slatkine se dit « contraint d’adhérer » mais qui le « répugne profondément » : l’éditeur, en effet, n’est pas un « mendiant ». Nous risquons donc, à moyen terme, d’arriver au tout numérique ou à l’existence d’éditeurs subventionnés comme le sont la plupart des presses universitaires, pour lesquelles le problème de survie économique n’existe pas.

M. Slatkine cite enfin l’exemple du regretté Raymond Trousson qui s’inquiétait presque des possibilités d’investigation scientifique offertes par le numérique et revient un moment sur l’édition des Contemporaines de Rétif de la Bretonne. Si certains « vieux », précise-t-il de manière amusée, sont encore capables de se lancer dans ce type de travail évidemment peu viable sur le plan économique, à qui pourrait-on demander aujourd’hui de prendre la relève ? Qui d’ailleurs, dans le monde que nous connaissons, connaît le nom de Rétif de la Bretonne ? L’idée de modernité telle que nous sommes en train de la vivre est peut-être un « tueur » de ce qu’on a appelé la grande époque de l’érudition.   

M. Gembicki ayant demandé si l’édition de Rousseau parue au moment du tricentenaire ne se vendait pas un peu mieux que le reste, M. Slatkine en convient. Encore, précise-t-il, faut-il relativiser la chose, les mille exemplaires qui seront péniblement atteints étant bien éloignés des quarante mille séries de volumes de la Pléiade de l’édition Gagnebin. Certes, intervient M. Porret, mais les volumes de la Pléiade ont été conçus dans un autre contexte culturel, avec cette idée de la bibliothèque complète de l’honnête homme qui se vend en dehors des paramètres de la recherche. Oui, répond M. Slatkine, mais ce n’en sont pas moins les cinq volumes de la Pléiade qui, quarante ans durant, ont servi de base de travail à l’ensemble des chercheurs. Ne pourrait-on toutefois, demande Mme Hobson, imaginer une édition qui contente à la fois les chercheurs et un simple lectorat cultivé ? Sans doute, répond M. Slatkine, qui persiste néanmoins à voir une « coupure » entre l’ancien monde et celui dans lequel nous vivons : serait-il imaginable, demande-t-il, qu’une maison comme Gallimard vende à mille exemplaires seulement ses titres de sciences humaines ?

M. Jacob donne la parole à M. Engammare et lui demande, en guise d’introduction, s’il partage les sentiments de M. Slatkine sur les dangers courus, à l’heure actuelle, par le monde de l’édition, et en particulier l’édition érudite.

M. Engammare souhaite effectivement « rebondir » sur les propos de M. Slatkine. Les éditions Slatkine et Droz ont longtemps eu des relations de « frères ennemis ». Et de citer sa découverte, alors qu’il était étudiant, des Chemins de l’hérésie d’Eugénie Droz publiés chez Slatkine : trois cent soixante francs pour quatre volumes, qu’il achète immédiatement. N’est-ce pas là, demande-t-il plus tard à Alain Dufour, le summum de la probité intellectuelle qu’Eugénie Droz, en éditant la somme de ses articles et de ses études, ne l’ait pas publiée chez elle sous le nom de Droz, mais soit allée la publier chez Slatkine ?  Pas du tout, lui répond à l’époque Alain Dufour : en réalité, elle était fâchée, et ne voulait plus donner aucun texte chez Droz. Ceci pour dire qu’entre Droz et Slatkine, les relations sont tout à fait cordiales : Slatkine-Champion a même très longtemps diffusé Droz. Pendant longtemps, poursuit M. Engammare, Slatkine et Droz étaient les seuls éditeurs à assurer le travail d’érudition dans le monde francophone. Or depuis, un nouvel acteur est venu sur le marché, qui a publié l’an dernier 355 livres, contre 160 pour Slatkine et 75 pour Droz : que cela peut-il signifier ? Les Français lisent-ils mieux aujourd’hui ? Lisent-ils plus ? L’érudition se porte-t-elle très bien ? Non, bien sûr. Il y avait en 1993 vingt-cinq mille nouveaux livres en français. L’année dernière nous étions à soixante-sept mille. Le livre est en fait la seule industrie qui répond à une baisse de la demande par une augmentation de l’offre.

Cette augmentation complètement aberrante de l’offre, poursuit M. Engammare, n’est pas pensable. Et de rappeler par exemple qu’il est besoin d’expertises avant publication de tel ou tel volume, ce qui interdit des publications rapides. De la même manière, M. Engammare dit ne pas comprendre la récente création, chez un concurrent, d’une revue d’études rabelaisiennes alors même que les éditions Droz sont, depuis plusieurs dizaines d’années, la référence absolue dans ce domaine.

M. Engammare en vient au dix-huitième siècle et cite la collection de la « Bibliothèque des Lumières », à propos de laquelle il rend hommage à M. Porret. Il fait également référence à la récente édition, due à Marian Hobson, du Neveu de Rameau, dans la collection des « Textes littéraires français » et indique qu’il préfère toujours qu’on lui propose quelque chose de « mûri » en lieu et place d’une « commande ». L’érudition, affirme-t-il, a changé, et il est arrivé qu’on ne vende que cent exemplaires d’un ouvrage. Certes, M. Engammare a également « mis des œufs » dans le « panier électronique » -pas vraiment, hélas, sur les Lumières, puisqu’il est question d’un portail Calvin, déjà réalisé, et d’un portail « Humanisme et Renaissance » qui devrait voir le jour en 2015. Pour les éditions électroniques, plusieurs questions se sont posées : pourquoi, par exemple, ne pas supprimer les numéros de pages ? Après tout, les premiers incunables étaient parus sans pagination, sans foliotation et même sans signature. L’avantage de l’électronique est précisément de pouvoir penser l’édition autrement. L’idée est à présent de décliner la totalité de ce que fait Droz dans différents portails pour essayer de regagner la confiance et l’adhésion des bibliothèques. Et de citer le cas de la correspondance de Bèze, pour laquelle plusieurs bibliothèques ont cru bon, étranglées par leur budget, d’interrompre les commandes. Autre exemple : les bibliothèques anglophones, qui ne se soucient plus de commander des livres en français.

Tels sont, conclut M. Engammare, les défis de l’édition aujourd’hui : une évidente surproduction, un investissement dans de nouvelles technologies, et des ventes de livres qui n’arrêtent pas de diminuer.

Mme Volpilhac-Auger revient sur le cas des bibliothèques anglophones : les bibliographies diffusées en Grande Bretagne et aux États-Unis comportent, sur des auteurs français, un pour cent d’études en français. Ce qui signifie ou bien que les chercheurs français ne valent rien, ou bien, de manière plus évidente, qu’on ne lit plus en français : le cas est patent pour des auteurs comme Pascal ou Descartes. Pourquoi dès lors inciter, comme le propose M. Berchtold, les étudiants francophones à lire en anglais ? La réciproque, s’agissant de surcroît d’études portant sur des auteurs français, serait légitime. M. Brown confirme le constat de Mme Volpilhac-Auger et s’étonne que des chercheurs travaillent sur une matière française en refusant, dès le départ, de connaître la langue.

M. Porret s’adresse à MM. Slatkine et Engammare et leur demande s’ils n’ont finalement pas eux-mêmes « joué avec le feu » en « google-isant » à tout va les livres d’érudition. Il est en effet possible, affirme-t-il, de lire en totalité des livres qu’il n’est dès lors plus besoin d’acheter. Les éditeurs ne sont-ils pas allés trop vite et trop loin sur ce terrain ? M. Engammare confirme que le manque de certaines pages sur Google n’empêche pas de prendre globalement  connaissance d’un ouvrage. Il avait lui-même demandé à Google, précise-t-il, que l’occultation des pages demeurât aléatoire, mais Google, au nom de l’intérêt du lecteur, a refusé. Ce sont 2800 livres Droz qui sont actuellement sur Google : n’y figurent pas les ouvrages les plus récents. M. Porret constate que les éditions Gallimard n’ont pas connu ce problème : tout ce qui apparaît de leurs ouvrages, c’est la table des matières. Il invite MM. Slatkine et Engammare à faire de même, de manière à mieux protéger cette « citadelle assiégée » qu’est devenu le livre d’érudition.

Pour Google, intervient M. Slatkine, il était impossible de ne pas entrer en matière au niveau des réimpressions, ce que confirme M. Ivan Slatkine, présent dans la salle, et qui cite l’exemple de fonds entiers de bibliothèques américaines numérisés et distribués sur Google. Mme Hobson cite elle-même un de ses propres ouvrages, illégalement diffusé par Google. M. Slatkine ajoute qu’il n’a pas fallu attendre l’ère numérique pour assister à de tels pillages : certains éditeurs américains réimprimaient les ouvrages les plus récents en ne se préoccupant strictement pas du droit d’auteur.

M. Ferret se demande si avoir un échantillon de livre sur Google ne pourrait pas, par quelque effet publicitaire, bénéficier à celui-ci. De tels échantillons, répond M. Engammare, existent déjà sur le site des éditeurs. Sans compter, ajoute M. Porret, l’effet pervers qui est celui de l’utilisation de tels échantillons dans les séminaires universitaires : seuls des connaisseurs peuvent aller à l’essentiel à partir d’un échantillon.

M. Brown prend à son tour la parole et refuse de se dire « éditeur » : Mme Kölving et lui-même ne sortent en effet, sur le plan quantitatif, que cinq ou six volumes par an. Il rappelle en quelques mots comment il en est venu à s’intéresser à l’édition de textes du dix-huitième siècle : rencontre de Theodore Besterman, engagement aux Délices pour la constitution de l’index des Œuvres complètes de Voltaire puis de la Correspondance, acquisition d’un équipement d’imprimeur, collection de livres… M. Brown signale la disparition d’un métier jadis essentiel aux éditeurs, et qui est le préparateur pour la presse. Les préparateurs jadis engagés à Oxford n’étaient ainsi peut-être pas très en phase avec le monde moderne, mais ils corrigeaient du moins les ouvrages à la perfection. C’est d’ailleurs sans doute la rupture de ce dialogue entre le préparateur et l’éditeur qui a fait le plus de mal à l’édition d’érudition. Et de citer la célèbre coquille « Figaro frondeur » commise par la Bibliothèque de la Pléiade, coquille qui témoignerait, s’il en était besoin, de l’utilité des préparateurs.

Nous assistons aujourd’hui, poursuit M. Brown, à de nouvelles transformations : il ne se passe pas une semaine sans qu’une imprimerie passe « à la trappe ». L’édition que nous connaissons prend fin. La rentabilité devient tellement faible qu’un changement est devenu inéluctable. C’est ainsi que le travail de préparation du texte est de plus en plus passé du côté de l’auteur ou des équipes universitaires, signe que le livre d’érudition se trouve de plus en plus menacé, en particulier par l’irruption du numérique. Le livre d’érudition se consulte, le roman se lit d’un bout à l’autre : la tablette ou internet ont dès lors plus d’attraits pour une consultation ponctuelle ou une lecture discontinue. De plus, il ne faut pas oublier, ajoute-t-il, qu’il a fallu cent à cent cinquante ans au livre imprimé pour véritablement prendre ses marques : or nous ne sommes qu’au tout début de l’ère numérique.

M. Slatkine partage le pessimisme de M. Brown. Si nous voulons continuer à éditer sur papier, affirme-t-il, il nous faut trouver des moyens nouveaux pour réduire les coûts. Le livre d’érudition de caractérisant surtout par des notes et un index, c’est sur ces points particuliers que doit porter l’intervention des équipes universitaires auxquelles M. Brown faisait allusion. Il fait ensuite allusion aux cent cinquante collections du Mercure de France vendues dans des bibliothèques à travers le monde et dont, soupçonne-t-il, cent quarante-neuf n’ont jamais été lues. N’y aurait-il pas un changement radical de notre conception du monde sur ce qu’on appelle, en allant beaucoup plus loin que la simple érudition, la « culture » ? Celle-ci n’est-elle pas devenue une affaire de nantis, d’un tout petit groupe de gens qui s’en occupent ? N’a-t-elle pas perdu l’importance qu’elle a eue pendant des siècles ?

Pour Mme Volpilhac-Auger, il est de la fonction d’un enseignant chercheur de faire acheter par des bibliothèques universitaires une collection comme celle du Mercure de France. Quant à l’alternative entre le papier et le numérique, c’est une fausse alternative puisque, poursuit-elle, nous sommes « aspirés » par le numérique : de surcroît, les références scientifiques « numériques » ne sont pas encore admises, pour la littérature, dans le monde savant. L’éditeur d’érudition reste donc indispensable, en ce qu’une publication chez Droz ou Slatkine a du sens, alors qu’une publication numérique n’en a pas. M. Slatkine se félicite de la position de Mme Volpilhac Auger, qui va tout à fait dans le sens de l’édition d’érudition. Il cite rapidement les exigences démesurées de certains auteurs, tout à fait inconscients des coûts de production de leurs ouvrages.

Pour Mme Hobson, de nombreux problèmes qui constituaient le b.a.-ba des lecteurs instruits du dix-huitième siècle se posent de nouveau aujourd’hui avec l’électronique. Si la « lamentation » sur la fin du livre imprimé est justifiée, il faut néanmoins aller de l’avant, et voir ce qu’on peut en faire : elle cite le cas de certains étudiants ayant su tirer profit des questions qu’ils se sont posées sur l’articulation de l’imprimé et du web.

M. Porret rappelle que l’apparition du traitement de texte a changé la façon de travailler au niveau de la recherche en sciences humaines : les éditeurs n’ont-ils pas délégué aux auteurs une partie de leur propre travail, en leur demandant de rendre un texte à peu près éditable ? Il faut par ailleurs, ajoute-t-il, comparer ce qui est comparable. Si l’on se trouve à Paris XIII, dans un auditoire où se trouvent cinq cents étudiants au niveau d’alphabétisation inquiétant, comment ceux qui enseignent peuvent-ils encore contrôler les dispositifs qui viennent d’être évoqués, c’est-à-dire l’accès massif aux informations transmises sur le web ? C’est possible à l’ENS ou dans des écoles prestigieuses, où travaillent de petits groupes, c’est-à-dire aux endroits où une élite est en train de se reproduire. Mais cela ne l’est plus dans ces endroits que se joue l’avenir de la culture. De telle sorte qu’on peut non pas parler de la mort de la culture, mais de la mort d’une culture ou de l’agonie d’une forme de culture. Le système universitaire français, conclut-il, est basé sur un mensonge social : sur trois ou quatre cents personnes qui suivent un cours ex cathedra à Paris XIII ou à Paris XII, il est impossible de contrôler ce qui est produit intellectuellement par ce supermarché culturel que sont devenues les ressources électroniques.

Notre manière de faire est-elle encore juste ? Telle est la question que se pose M. Engammare, en réponse à M. Porret. Il se dit néanmoins attaché à une certaine forme de référencement et à la diffusion d’un véritable savoir. Mme Volpilhac-Auger pense quant à elle qu’il faut bien dissocier, dans le cours de la discussion, le travail du correcteur de celui de directeur de collection. Elle cite le cas des presses universitaires et tout particulièrement celui des PUG à Grenoble qui étaient, affirme-t-elle, l’honneur de la profession. Nous sommes ici, lui répond M. Slatkine, dans le « paradoxe » de cette table ronde. L’éditeur est en effet un « homme de commerce » qui, normalement, doit gagner sa vie en éditant des livres et en les vendant. Or le gros problème rencontré dans l’érudition et qui est moins évident dans l’édition générale est celui de l’apport potentiel d’un titre qui, par son succès, permet l’édition de trente ou quarante titres moins rentables. M. Engammare va tout à fait dans ce sens et cite l’exemple de la publication chez Droz des Carmina de Michel de l’Hospital. M. Brown se félicite de la survivance dans le système français de presses universitaires compétentes mais craint qu’elles ne soient trahies dans les années à venir par des difficultés budgétaires.

M. Jacob conclut la séance en remerciant chaleureusement les trois orateurs.

 



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