La revue électronique de l'Institut et Musée Voltaire
ISSN 1660-7643
       
         
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Nous accueillons aujourd’hui François Jacob, conservateur en charge de l’Institut et Musée Voltaire (devenu plus simplement « Musée Voltaire » depuis quelques mois) et qui, après quatorze ans de bons et loyaux services, a décidé de quitter les Délices.
Cette décision n’a pas manqué de surprendre, tant dans le quartier des Délices où le Musée était devenu un véritable pôle de vie culturelle que dans le monde des voltairistes, où l’on s’interroge sur les motivations d’un tel retrait.

GD
Eh bien, vous nous quittez ! Cela est regrettable.
D’un énorme forfait vous vous rendez coupable.
Avez-vous bien songé que vous abandonnez
Tous les gens qui sur vous croyaient pouvoir compter ?

FJ
Diable ! Si vous commencez en vers, je vous préviens que je ne suis pas de taille ! Il me semblait d’ailleurs, à lire la Gazette des Délices depuis quelques années…

GD
À l’écrire, plutôt…

FJ
Ne jouez pas sur les mots. Il me semblait donc, disais-je, que la première question concernait toujours l’origine de l’intérêt marqué du discoureur pour le dix-huitième siècle : comment avez-vous commencé à lire Rousseau ? Pourquoi ce goût prononcé pour Voltaire ? etc.

GD
Si vous faites les questions et les réponses…

FJ
Mais ne disiez-vous pas vous-même que j’écrivais la Gazette ?

GD
Soit. Dites-nous donc d’où vous est venu votre intérêt pour le dix-huitième siècle…

FJ
Il a pour origine l’admiration que j’ai jadis éprouvée pour un ouvrage critique (touchant à ce qu’on n’ose plus appeler, aujourd’hui, l’histoire littéraire) et à ma passion concomitante envers trois romans du siècle des Lumières. L’ouvrage critique n’était autre que L’Idée de bonheur au XVIIIe siècle de Robert Mauzi, que j’avais découvert alors que j’étais en khâgne de philo au lycée Henri IV (le thème de l’année était précisément le bonheur) et les trois romans étaient Cleveland de Prévost, somme fabuleuse où se résume toute la première moitié du dix-huitième siècle, La Nouvelle Héloïse de Jean-Jacques Rousseau et, de manière peut-être plus étonnante, Paul et Virginie de Bernardin de Saint-Pierre.

GD
C’est d’ailleurs sur La Nouvelle Héloïse que vous avez fait votre thèse…

FJ
Oui, alors que je souhaitais travailler sur Bernardin de Saint-Pierre ! Personne, en 1985, n’était encore allé dépouiller les archives de Bernardin conservées à la Bibliothèque du Havre et seule Marie-Thérèse Veyrenc s’était penchée sur le manuscrit de Paul et Virginie retrouvé, quelques décennies auparavant, dans une bibliothèque parisienne. Mais c’était l’époque des derniers mandarins… Lorsque je fis connaître à Robert Mauzi mon désir de travailler sur Bernardin de Saint-Pierre, la réponse ne s’est pas fait attendre : « Vous travaillerez sur Rousseau. » Et c’est ainsi que d’une étude monographique sur l’auteur du Voyage à l’Isle de France j’en suis arrivé à une thèse intitulée, en toute modestie, L’amour dans La Nouvelle Héloïse.

GD
C’était là le début d’une longue histoire en compagnie de Jean-Jacques Rousseau…

FJ
Oui, une histoire ponctuée, comme vous savez, de moments mémorables : accueil au sein du groupe d’études de Tanguy L’Aminot ; participation aux travaux de la Société Jean-Jacques Rousseau, dont je souhaiterais maintenant, avec le recul qui s’offre à moi, écrire l’histoire ; élaboration, en collaboration avec Dominique Berlie, Joëlle Oudard et Martine Koelliker, de ce projet réellement pharaonique que fut 2012 Rousseau pour tous ; et enfin création avec Jean-Marie Curti, au Théâtre de la Cité bleue, en novembre 2012, d’un opéra intitulé Tic Tac Rousseau et dont la trame était basée sur les deux premiers livres des Confessions et le troisième livre d’Émile

GD
N’était-il pas étrange qu’un rousseauiste fût nommé à la tête de l’Institut et Musée Voltaire ?

FJ
Pas si l’on considère que l’Institut et Musée Voltaire a été pensé par son fondateur, Theodore Besterman, comme une maison des Lumières, et que tel est précisément son rôle : s’il est vrai que Voltaire a vécu cinq ans aux Délices, c’est l’ensemble de la pensée des Lumières que le visiteur veut retrouver au musée comme à la bibliothèque. Les trois dernières semaines de juillet 2016 ont ainsi vu la bibliothèque être fréquentée par des voltairistes, bien sûr, mais aussi par un rousseauiste, par un spécialiste de Suard, par un autre de la littérature russe du XVIIIe siècle, sans compter plusieurs personnes aux intérêts et aux goûts encore plus éclectiques : c’est ainsi qu’une jeune fille nous a rendu visite pour consulter le manuscrit de Flaubert sur l’Œdipe de Voltaire, dont elle avait découvert l’existence par le biais de notre catalogue en ligne, Volage

GD
C’était une spécialiste de Flaubert ?

FJ
Ni de Flaubert ni de Voltaire : elle travaillait en fait sur le mythe d’Œdipe et sur ses représentations dans la littérature européenne !

GD
Mais vous-même, rousseauiste au départ, êtes devenu voltairiste ! Ne le niez pas ! Vous venez même de publier une biographie de Voltaire…

FJ
Et je participe à la parution du théâtre de Voltaire aux éditions Classiques Garnier, en éditant La Mort de César, L’Orphelin de la Chine, Socrate, Agathocle et Irène… dont vous savez que les manuscrits, conservés aux Délices, à la Bibliothèque de la Comédie-Française ou à la Bibliothèque de Voltaire à Saint-Pétersbourg, sont encore riches d’enseignements inédits.

GD
Sans compter une monographie sur…

FJ
Chut ! C’est un secret !  

GD
Très bien, si vous y tenez. Mais il y a tout de même une chose que je ne comprends pas…

FJ
Quoi donc ?

GD
Pourquoi partez-vous ?

FJ
C’est très exactement la question que Melisande pose à Pelléas, alors qu’ils quittent le jardin du château.

GD
Et que répond Pelléas ?

FJ
Rien. C’est la fin de l’acte : la musique s’arrête.

 

 

 


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Editorial
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- Rencontre avec François Jacob

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- Ernest RENAN, 1802 Dialogue des morts

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- Artur Carlos de Barros Basto, le Dreyfus portugais


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© Musée Voltaire | Genève | 17.08.2016