La revue électronique de l'Institut et Musée Voltaire
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Un auguste spectacle…
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Gazette des Délices

 

Par Mathilde Sommain

Les habitués du Musée le savent : Jean Huber a laissé sa trace aux Délices. Familier de Voltaire et de la compagnie qui se réunissait autour de lui, ce peintre nous a laissé des tableaux comme autant de témoignages de la vie du « Patriarche ». Mais ce n’est pas à son portrait de Voltaire, ou son tableau bien connu Voltaire et les paysans, que nous allons nous intéresser aujourd’hui. Nous vous proposons de découvrir la dimension de caricaturiste de ce peintre, qui avait l’habitude de croquer Voltaire dans d’habiles découpures de papier, mettant en valeur la vivacité de l’écrivain. Son talent fut très vite reconnu par ses contemporains. En témoigne ici un extrait de la Correspondance littéraire de Grimm datée d’août 1764, qui a le mérite de nous conter une anecdote de la vie de Voltaire illustrée par l’estampe que nous vous proposons et qui en a été directement tirée.

« Découpure d’Huber, représentant Voltaire montrant « l’auguste spectacle de la nature » à des dames.

Lorsque j’étais à Genève, il y a quelques années, M. de Voltaire avait fait acquisition d’un étalon danois bien vieux, avec lequel il se proposait d’établir un haras dans sa terre. Il avait une demi-douzaine de vieilles juments qui le traînaient, lui et sa nièce. Un beau matin, l’oncle se mit, lui et sa nièce, à pied, pour abandonner les six demoiselles aux plaisirs de l’étalon ; il espérait être dédommagé de cette petite gêne par une belle race de chevaux danois nés aux Délices, près Genève. Ses essais ne furent point heureux ; les efforts du vieux danois ne fructifièrent point ; cependant son maître nous en donnait tous les jours le spectacle dans son jardin au sortir du dîner. Il voulait surtout le montrer aux femmes qui venaient dîner chez lui. « Venez, mesdames, s’écriait-il, voir le spectacle le plus auguste ; vous y verrez la nature dans toute sa majesté. » Cette folie, qui nous amusa longtemps, a donné à M. Huber l’idée d’une découpure très plaisante qu’il vient d’envoyer à Paris à son commissionnaire, qui veut la vendre dix ou douze louis. On voit au milieu du tableau la jument saillie par l’étalon. À côté, sur une hutte un peu élevée, on voit Voltaire, son habit boutonné, sa grande perruque, et par-dessus un petit bonnet : c’est son accoutrement ordinaire. Il est parlant ; il est plein d’enthousiasme. Il a saisi une jeune fille par la main pour lui montrer l’auguste spectacle. Elle recule, et fait les plus grands efforts pour se dégager. À côté d’elle, sa compagne se met à courir de toutes ses forces, de peur d’être aussi saisie par Voltaire. Derrière ce groupe, on voit deux hommes qui se tiennent les côtes de rire. Dans le fond on voit un château, et sur un balcon de ce château une femme que les mauvais plaisants disent ressembler à Mme Denis : cette femme regarde le spectacle auguste avec une lunette d’approche. De l’autre côté de la jument, on voit une paysanne avec son mari, ayant un petit enfant dans ses bras et regardant paisiblement l’auguste spectacle. Cette dernière idée, pleine d’esprit et de délicatesse, achève de rendre ce morceau précieux ; elle tempère ce que le reste pourrait avoir de trop libre. C’est une idée que notre Greuze n’aurait pas dédaignée. Ce Huber est un homme plein de génie et d’un talent unique. Il peut dire hardiment à Voltaire et à Greuze, et à tous les peintres du monde Anch’io son pittore. »


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© IMV Genève | 20.04.2011