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  SOMMAIRE   Les Juifs de Gotthold Ephraïm Lessing
au théâtre du Châtelard, Ferney-Voltaire
mise en scène d’Hervé Loichemol
 

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Gazette des Délices

  Par Mathilde Sommain

S'il est un thème que partagent Voltaire et Gotthold Ephraïm Lessing malgré leurs désaccords, c'est bien la tolérance, qui revient comme un refrain au fil de leurs œuvres respectives. On connaît surtout de Lessing sa dernière pièce, Nathan le sage, qui fait oublier parfois que l'engagement du dramaturge allemand en faveur de la tolérance religieuse s'est très tôt exprimé, dès 1749, alors qu'il avait tout juste vingt ans, dans Les Juifs.

Cette comédie en un acte a été représentée le mois dernier au théâtre du Châtelard de Ferney-Voltaire et mise en scène par Hervé Loichemol, qui a une fois encore prouvé la finesse et l'actualité de la pensée des Lumières. Au cœur de cette comédie, le juif : le juif absent, celui que l'on dénigre en société, celui encore que l'on accuse de l'agression du maître de maison, et dont le brigand (l'intendant de ce même maître) endosse le déguisement, mais aussi le juif présent, qui envahit la scène, caché aux yeux de celui dont il a sauvé la vie, masqué aux yeux de ses hôtes par sa  générosité, son désintéressement, son tact que l'on loue avec admiration. C’est le gendre idéal, l’ami rêvé, de qui l’on imagine tout, sauf son appartenance honteuse à la religion tant dénigrée devant lui. Un deuxième sauvetage, et  l'éloge qu'il entraîne, obligent le héros admiré en chœur à se dévoiler, et à faire chuter l'heureux dénouement : les lois de la société seront respectées, et le mariage souhaité avec la fille de la maison n'aura pas lieu. Seul un constat timide s'imposera aux personnages surpris : un juif peut être un honnête homme. Un premier pas vers la tolérance réciproque...

Portée par la compagnie FOR, l’intrigue s’installe toute en délicatesse et séduit par la sincérité qui s’en dégage. Juan Antonio Crespillo nous peint par de multiples touches le déchirement intérieur du bienfaiteur, pressentant déjà l’amer déroulement qui s’annonce. Face à lui, Michel Kullmann évoque avec simplicité les bienséances de l’époque, gentilhomme ordinaire dont la fille, jouée par Aurélia Lüscher, questionne par son innocence enfantine le bien-fondé des idées reçues. L’intrigue est heureusement servie par un duo de domestiques : évitant les écueils de la caricature, Anne Durand et Ahmed Belbachir donnent de la légèreté à la pièce et de réels éclats de rire au spectateur dans leur quête éperdue de la fameuse tabatière. Mais dans l’ombre, les deux brigands, joués par Jean-Paul Favre et Philippe Ehinger (par ailleurs musiciens parfaitement intégrés au sein de la pièce) tissent leur toile…

La musique yiddish accompagne le spectateur et l'installe dans l'atmosphère de la pièce en alternant chants mélancoliques ou pleins de joie. La pièce instille un comique doux-amer, ne dédaignant pas les codes de la comédie classique, entre valet impertinent et cupidité de la femme de chambre, mais s'inscrivant résolument au-delà. Car la force de la pièce tient dans l'implication de l'auteur qui apparaît en filigrane par le jeu de répliques équivoques. Le spectateur endosse alors le rôle d'un observateur lucide confronté aux préjugés établis de la société. Et c'est en cela, sans doute, que Les Juifs demeure encore aujourd'hui une pièce résolument engagée.



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© IMV Genève | 20.04.2011