La revue électronique de l'Institut et Musée Voltaire
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Lettres de Beaumarchais à Le Tellier

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Nous proposons ici la suite et la fin de l’article de M. Christophe Paillard, constituée du texte commenté des lettres de Beaumarchais à Le Tellier, telles qu’elles peuvent être consultées dans les Archives Beaumarchais de l’Institut Voltaire. Nous sommes reconnaissants à M. Paillard de sa large contribution au catalogage de ces archives, lequel alimentera d’autant plus rapidement la base VOLAGE (VOLtaire A GEnève), catalogue numérique de nos manuscrits, prochainement en ligne.

Nous indiquons entre <guillemets> les mots faisant l’objet d’une addition interlinéaire, en caractères barrés ceux qui ont été supprimés par Beaumarchais et entre [crochets] nos interventions dans le texte que ce soit pour restituer un mot manquant ou pour marquer d’un point d’interrogation une leçon difficile à établir.

Pierre Augustin Caron de Beaumarchais à Jean-François Le Tellier, 27 février 1780, lettre autographe, 4 pages in-4°, IMV, AB-III-56 (1). Mention de classement « N°2 »

[page 1] A Mr. Letellier
Paris,

 ce 27 Février 1780.

Je vous <ai> envoyé une lettre ostensible (2) dont vous ferés auprès de la cour de Kell, l’usage que vous croirés convenable : Censures de manuscripts, déni de protection en cas de murmure Impérial (3) ;  Tout cela paraît bien austère ; Et point de recours sur les biens de france, en cas d’injustice ! Il nous reste donc <seulement> l’Esperance sur l’Equité des personnes ? mais il est si attrayant pour de petites cours, de soutirer une grande affaire, quand une fois on en tient l’établissement, que, de ce désir a des mauvaises chicanes, Il y a fort près. Et pourquoi toutes ces précautions Ecrites, uniquement contre nous, Et rien qui les balance, dans l’acte, en notre faveur ? voila ce qui doit vous fraper. Le reste de mes raisons est dans l’autre lettre.
Cest a vous de voir si ces craintes peuvent balancer les avantages de Niewied (4) ; ou si ceux de Kell sont tel quils doivent faire passer par dessus les craintes. Je vois bien ce que vous demandés ; mais non ce qu’on vous accorde. après avoir réfléchi, faites le mieux selon vous ; mais finissés : car le temps s’use.
L’opinion de Mrs Samson (5) et Fark….(6) sur la necessité du lissage général me parait d’accord et constante, mesme obstinée. Nul avantage, au contraire, disent-ils, <et> moins de beauté a user de ces caracteres, si on ne lisse pas : mais comment lisse-t-on ? quel tems, quelle depense cela entraine til ? voila ce que j’ignore. cela arrète le Prospectus (7) ; car il faut y promettre l’un ou l’autre, et que les modèles insérés [p. 2] dans l’in-8° soient lissés, ou non lissés, selon la promesse du Prospectus.
Je n’ai point senti ce que nous gagnerions a envoyer des prospectus in 16, dans des lettres : cela ne nous dégageait d’aucune autre obligation, et nous forçait a deux envois, l’in 16, et l’in 8° qui contient le modèle. Je n’ai donc pas fait faire l’in 16.
Je joins a ceci le mémoire et les desseins de mr L’Ecrevisse (8) : ou plutôt j’en mets le rouleau a la diligence de Strasbourg, adressé a vous, chez Mr. Frank (9).
J’ai reçu votre mémoire sur les papiers : mais votre nom est un grand obstacle au succès de toute demande a cet égard : cela n’empêche pas que je ne le fasse tirer, pour en essayer le premier usage, aussitot que la circonstance le permettra. Mais si le Voltaire tient a cela, je le tiens moi pour manqué. De circonstance en besoins, et en obstacles, tout ce que nous entreprenons se charge de vues pénibles, et nous ne marchons pas assés simplement pour aller au but dans les tems donnés. Comment voulés vous, par exemple, que nous promettions pour les 1ers mois de 1782, une Edition qui n’a encore ni feu ni lieu, en mars 1780 (10) ? dont les moulins a papiers sont a faire, les caractères a fondre, les presses a monter, et l’Etablissement a former ?
Voila déja un an de perdu (11) ; a peine nous reconnaissons nous ! Votre papier N°. 3 est si médiocre que c’est se moquer d’en vendre les exemplaires a 6 le vol ! en se passant ainsi la médiocrité sur tous les points, a mesure que les obstacles se présentent, vous n’offrirés [page 3] qu’une chose tres inférieure au Public mécontent ; Et J’avoue que cette frayeur, qui me saisit au milieu des promesses que je fais a tout le monde, et de l’espoir d’une belle chose qui m’avait échaufé le cœur, cette frayeur du médiocre, dis je, empoisonne ma vie. voila du papier plus qu’inférieur pour l’in 8°, voila des caracteres qui non lissés sur ce maigre papier, n’auront aucune grace ; Et les libraires offensés de votre Eloignement a vous servir d’eux, vont nous accabler de sarcasmes et de reproches publics. J’avoue que je ne les soutiendrais pas. Vous comptiés, sans mesure ou doute, remplir dabord 12 m. Exemplaires avec du beau papier de votre Loraine. actuellement qu’il n’y en a que 4 mille, Il faudrait, dites vous, un an de plus pour que la masse de papiers s’elevat seulement jusqu’au n° 2. Je ne sais pas ainsi m’arranger avec moi mesme et me contenter de moins a mesure que je vois la difficulté de donner plus. ce n’est pas la ce que j’ai cru. Et le comble du ridicule serait, je l’avoue, d’avoir embrassé une branche, honorable si elle etait belle, pour etre rangé dans la classe des vils imposteurs et spéculateurs en Editions tels que je vois traiter et que je traite moi mesme tous ceux qui trompent le public en cette partie. Si vous m’avés entrainé, par ma confiance en vos lumieres et ressources en ce genre de travaux, ne me laissés pas <du moins> tomber au dessous de mes engagements envers le Public : vous auriez empoisonné une carriere qui n’avait nul besoin de livres pour etre honorable, et je serais désolé que le seul fruit de l’amitié que vous m’avés inspirée [page 4] devient aussi amer pour moi ! Votre premier etablissement des deux Ponts, sur lequel j’avais le desir de vous aider et d’encourager des vues qui me paraissaient utiles aux gens de lettres, me mena d’un prêt mediocre que vous me demandiés, a une association de 50 m. £ que vous avés portée, sans mon aveu, a près de cent m. £ qui aujourdui sont <reduits a environ 60000H> (12). Cette seconde fois, Echauffé par Les facilités que vous m’avés montrée a faire une belle chose, honorable aux lettres et a moi mesme, je me suis laissé encore engager, sans connaitre rien aux détails qui pouvaient accelerer, ou retarder, ou mesme anéantir le succès que vous vous promettiés (13) : tout le monde s’accorde a dire que vous n’aurés pas fini dans 4 ans ; et quand je prends la parole pour combattre cette opinion, on rit et on dit. vous verrés, vous verrés (14). Faire attendre est un mal, mais <faire> attendre pour donner du médiocre est cent fois pire. Je crains que vous ne vous flatiés, et ces mélanges de papiers mesme médiocres, me paraissent du plus mauvais augure.
Je vous montre mon anxiété ; parce qu’au milieu des occupations les plus graves et les plus tiranniques pour mon tems, cette <affaire> ajoute au mal qui m’envelope. Son exécution me parait pénible au point <que> je tremble pour les prédictions facheuses qu’on nous fait de toutes parts. Vous vous flattés que vos papiers s’embéliront en les manipulant. Et moi je vois que nous allons montrer la corde dès le prospectus en donnant pour modèle votre n°. 3 a 6 H le vol (15).
[en marge gauche de la 4e page] Demain je vous parlerai d’une offre qu’on m’a faite relativement aux contrefacteurs. Quoi quelle doive vous sembler suspecte en vous disant qu’elle vient de Pank… Elle m’a paru a moi mériter la plus grande attention. Je l’attens par écrit pour vous la faire passer.

Suite de la lettre autographe de Pierre Augustin Caron de Beaumarchais à Jean-François Le Tellier du 27 février 1780, 4 pages in-4°, IMV, AB-III-58.

[page 1] Paris ce 27 février 1780

Je reprens ma lettre que j’ai laissée a la proposition que Pank… m’a faite. Il arrive de Lyon (16). On sy apprète à acaparer tous les libraires de l’Europe aussitot que notre prospectus paraitra, pour une contrefaction in 8°. a bon marché, qui sera promise pour 3 mois après notre livraison générale. certes nous n’avons ni droit ni moyen de nous y opposer ; car Il y a grande apparence que cela se fera hors le Royaume (17) - Mais qui nous empechera, ai je dit, de la faire nous mesme ? - Personne ; mais tout le monde sera acaparé, tous les marchés seront faits, avant que vous y songiés ; Il ny aura plus moyen de réparer ce tort ; parce que votre édition lachée, la contrefaction est au premier occupant, et tout étant arrètté d’avance, on vous enlevera le fruit qui vous apartient. - que faudrait-il faire ? - un sousfermage pr la contrefaction qui se donnerait à 3-10£ au public et 50.s aux libraires ; le nombre de 4000 ne pouvant satisfaire a tout, on ne vous saura nul mauvais gré d’avoir promis une Edition plus commune que la votre – cela se peut ; mais nous ne pouvons y songer que notre Souscription ne soit remplie – Mais pendant cetems la vous allés etre devancé par un acaparement général, dès que votre prospectus va paraitre – Mais un pareil marché connu casserait le col a notre Edition in 8°. de Baskervile – cela peut y nuire un peu ; mais le bénéfice de l’autre dédomagera et par dela. Vous pouvés faire tel marché qui vous assure un tres grand bénéfice sans aucune avance. Mais si vous en manqués le moment, d’autres sont prets a [page 2] le faire. Et le mal pour vous sera que l’acaparement de tous les paÿs etant fait d’avance vous ne trouverés plus qu’a glaner dans votre propre moisson. Il suffit <peut etre> que je vous en parle pour que Mr Le Tellier vous en dissuade. mais si vous ne voulés pas que je vous en débarasse, choisissés un autre agent ; car il est tres important pour vous de prévenir la perte que l’on vous garde. On tirera au nombre que vous voudrés : on fera les avances, on aura tout pour veiller, et vous pourés établir un controlleur des opèrations. Si vous ne voulés pas y paraitre, on aura l’air de faire sans vous une contrefaction. On vous donne le choix et ce sont les plus honnêstes gens de notre Etat qui vous font cette offre, que Je vous etablirai par Ecrit – Je suis perplexe, ai-je dit, entre l’inconvénient de prévenir le Public qu’on peut presqu’en mesme tems, avoir l’Edition complette plus commune ce qui peut arretter bien des souscripteurs peu aisés, et l’inconvénient de trouver l’Europe librairiene acaparée si nous ne le proposons que six mois après le prospectus – reflechissés y, m’a til dit. la nouvelle société se chargera aussi des suplémens. vous n’aurés d’autre soin a donner qu’a votre belle Edition.

Telle a été notre conversation (18). qu’en dites vous, a votre tour ? Il ny a là un mot ni de plus, ni de moins. Devons nous saisir ce que nous ne pourons empécher, <mais> tout au plus <le> retarder, en retardant nous mesme ? Dans l’acablement ou les deux belles éditions (19) vont vous mettre, aurés vous le tems de songer a une troisieme ? voila le point. votre avis en réponse ; Et surtout ne vous relachéz pas sur le beau que nous promettons, et qui ne doit pas etre supléé par du médiocre.

[pag 3] 1er mars 1780
Je reçois votre lettre du 25. Je vois que vous finisséz avec Kell. Sans que je sache comment vous ferés pour le cantique, les saints, et les barons allemands (20).
Quant a votre montagne d’association, J’avoue que je ne l’entens point du tout, ni comment des imprimeurs d’œuvres d’auteurs morts, ont besoin de s’amalgamer avec les academies vivantes, ni a quel titre ils l’obtiendraient ; au reste il s’agit aujourdui d’imprimer Voltaire. Que feront a cela tous les associés savans ? Enfin vous l’entendés ; et moi point : nous y reviendrons. Mais je n’aime plus ce qu’il y a de vague dans un plan ; Je desire bien faire ce que nous ferons, comme de Braves imprimeurs. Et puis la vanité des savans fera s’il se peut ensuite une association de tout cela.
J’ai vu hier Mr. Des Marets. Il a les desseins de l’Ecrevisse et me les rapportera demain : mais il veut l’employer a anouet [?] pour le compte des Etats de Languedoc ; Et moi je desire quil vous reste. il m’a promis d’arranger les deux objets et de se réunir a moi pour remonter les papeteries de Loraine.
Je vous envoye copie de la lettre de mr. Sanson et de ma réponse. vous jugerés de l’importance par le détail.
Je n’attendrai pas limpératrice pr le prospectus quoique je sois bien résolu de lui écrire. Pankouke m’a dit que l’Edition dont il sagit a petersbourg ne peut etre que la notre ayant envoyé avant de traiter avec nous ses prospectus par Mr. Grimm (21). au premier courrier le reste.
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Il est impossible de promettre louvrage pr les 6 1ers mois de 1782.
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Nous n’avons guere plus que vous de nouvelles de Mr. de Triest (22).
Je n’ai rien a vous dire, sinon que je sollicite l’audiance pr. dilling, contre Ludey, &c &c.
payé les papetiers colleurs de leurs frais, par mains du Sr. Aublet, d’après les reflexions de M. Gonnet et les miennes.

Pierre Augustin Caron de Beaumarchais à Jean-François Le Tellier, 10 mars 1780, lettre autographe, 4 pages in-4°, IMV, AB-III-59 (23).

[page 1] Paris ce 10 mars 1780

Mon cher,
Quand je vous Ecris, c’est absolument comme si je vous parlais ; mon style est teint de la couleur de mon esprit ; Et vous devés me répondre comme lorsque nous conversons. Je ne vous ai point fait de reproches de négligence. mais peutetre de trop embrasser, et c’est la crainte de mal etreindre qui me ramène sans cesse a ces reflexions ! Sans que ni Pank…. que je ne consulte point, parce que, le grand tripotage oté, tout le reste est vague dans son esprit ; ni aucune autre bête routiniere ; parce que Mr Pierre éxcépté (24), Je ne parle détail a personne. Et ce Mr Pierre est un bon et honeste homme qui brule du desir de voir nos succès, de faire connaissance avec vous ; qui se propose, si je le crois necessaire, d’aller parfois 15 jours a l’imprimerie, pour méler ses lumieres aux votres, quand l’Etablissement sera fait ; qui voudrait etre garçon, pour en etre le chef ouvrier ; qui fait des essais de différens formats pour se faire bien entendre de moi ; qui a jugé Mr. Sanson homme de mérite, sur ses derniers détails, et dit que nous ferions bien de déférer a ses lumieres.
Vous recommenceriés cent fois <a décrire> vos plans d’associations littéraires, academiques, savantes, que je ne vous entens pas plus que le 1er. jour, parce que Je ne vois pas ce que les Savans, les academiciens &c ont de commun avec un Etablissement d’imprimerie, ou l’on se propose de n’imprimer aucun auteur vivant, avec aucun autre caractere que Baskerville (25), et si vous ne confondés pas ces idées simples et qui n’ont besoin que de soins et d’argent, avec vos anciens projets de Journaux, d’Etablissemens pour les gens de lettres, et tout ce qui s’ensuit ; lequel projet dépend de trop de suffrages et de circonstances pour qu’on ne lui consacre pas une teste [?][,] un Etablissement et des fonds a part quand il en sera tems ; vous laisserés tout cela un moment de coté.
[page 2] que pourait [on] donc demander a tous ces grands associés ? que reste til a faire au voltaire, au Rousseau, au buffon, que de les bien imprimer(26) ?
Tout le reste est prématuré. Vous allés presque jusqu’a méler une querelle ouverte avec Linguet a tous ces objets déjà trop étrangers a notre affaire (27). Et moi, pendant que je lisais vos 4 pages contre lui, Mr de Mirbek [?] me priait a diner avec <ce> linguet. Je l’acceptais et J’allais lui renouveller la priere d’etre un de nos correspondants les plus zélés. Votre texte conçoit, conçoit, conçoit ; et ne s’arréte pas assés. Je ne puis m’empécher de réfléchir que voila déjà plus de vingt aspects différens sous lesquels vous avés voulu offrir l’Edition au public. Et aucun qui ne contrarie le précédent : ce qui prouve que vos idées ne sont jamais fixées que des apercus généraux qui ne font rien quant a l’exécution. Certes ! Je le répète : Si Je ne vous eusse pas cru dans un Etat que vous avez embrassé par choix depuis 6 ans, toutes les lumieres pour marcher facilement et le pié ferme a travers toutes les ronces des détails, et si vous ne m’aviez pas inspiré l’espoir que donne la confiance ; il aurait fallu que je fusse fou de descendre a tous les détails de deux ou trois arts rassemblés sur lesquels je n’ai pas la moindre notion, ou Je marche en aveugle.
Par exemple Mr. L’Ecrevisse m’a envoyé ses plans. je les ai raisonnés avec Mr. Des Marets : il les a emportés et m’a dit que l’Etablissement de trois cilindres couterait beaucoup plus de cent mille francs et un an de tems. qu’en résulte til ? que tout cela ne peut pas servir au voltaire, que voila des papeteries achetées qu’il faut faire a neuf, si l’on veut du beau : qu’il faut de plus solliciter toutes les branches de l’administration pour obtenir de quoi faire marcher ces moulins avec quelqu’avantage ; ce qui, pour ne [page 3] réussir peut etre a rien terminer, avec ces 30 administrateurs, dont les vies, les intèrèts et la paresse croisant en tout le bien public ; empirait a coup sur une année entiere du travail et des courses d’un homme acrédité. Il y a 10 ans que Mr. Des Marets y travaille sans rien avancer. Cela ne peut donc pas encore servir au voltaire ; Et votre papier N° 3 que j’ai trouvé si laid, que Mr des Marèts troüve plein d’ordures, de paille, et trop pouri, ce qui le rend si mou quil n’a pu s’empécher de me dire qu’il ny avait ni honneur ni profit a employer de pareil papier ; ou il servira <donc> a deshonorer votre édition, ou il en faudra prendre d’autres pour le voltaire, Et <cependant> votre lettre du 28 Jer [janvier] que j’ai sous les yeux, dit positivement : Pour le prospectus Je vous enverrai donc le papier de Vaissiere (28) quand il sera collé. J’entens le prospectus in 8°. vous pouvés envoyer a Londre le n°. 3. pour s’y assortir. Comme il tient le milieu entre les Echantillons des papiers que J’espère Il faut le prendre pour modèle. Mr Des Marèts dit que les holandais battent long tems le chiffon sur une claie qui fait le dessus d’un [sic] armoire qui, ajoute til, s’emplit en un mois de la poussiere du chiffon, lequel s’en dégage absolument. précaution ainsi que mille autres qu’on ne connait pas dans nos usines. au reste Il regarde une spéculation de papeteries comme la moins fructueuse de toutes celles qu’on peut faire. revenons au voltaire. Tout votre papier est <donc> mou, mal fabriqué, quoique de pâte superbe, et surtout trop pouri (c’est Mr Des Marets qui parle). Il a le grain trop gros, l’Etoffe inégale, et sans transparence. Et nous ne disputons pas ladessus ; parceque je n’ai que de la frayeur sans connaissance, et que Mr Des Marets qui me l’inspire, n’est pas un routinier ; mais un homme a grands principes [page 4] Je n’ajoute qu’un mot. Je lis dans votre lettre du 4 mars : Pourquoi asseoir son jugement sur le N°3, quand je le rebute moi mesme et que je ne soufre rien au dessous du n°2 qui est celui de Vaissieres. Cependant votre lettre du 28 Janvier, qui a guidé notre envoi de modele de papier a Londres dit positivement : N°2. arches claudel Blanc ordinaire (29). N°3. Docelles Vaissieres il est mieux fabriqué mais soit pour la qualité des [mot illisible] &c. Et c’est ce N° 3. de Docelles vaissieres que nous avons envoyé à Londres par votre ordre et non le N°. 2. Nous ne sommes donc pas de cette injustice qui vous décourage
quand nous observons que ce N°.3 n’est pas beau et que cest se faire huer que de vendre une Edition en pareil papier. Si cest N°2 qui est votre tereur, il faut donc réécrire a Londres qu’on s’est trompé et que si le papier pr. modèle a offrir n’est pas acheté, on <doit> se conformer a N°2, qu’on envoye aujourdui, et qui, selon moi, n’est pas trop beau non plus, par la grossiereté de sa fabrication, quoique les matieres en soient superbes.
Je n’obéis, comme vous le pensés, aux petites idées de personne. Mais je ne vois pas sans chagrin donner toutes sortes d’extention a ce que vous apelés votre grand plan, lequel, sil est composé a la fois <du dessein> de former une grande papeterie, une grande fonderie, une grande imprimerie, dans le mesme lieu, et cela pour imprimer le voltaire, ce dont seul il s’agit aujourdui, Et que vous alliés jusqu’à vous échauffer au point d’Esperer réunion tout cela en France ; vous ne faites plus qu’un rève, du quel je dois vous tirer, en vous poussant le bras.
Si lon vous permettait l’Etablissement en France pour votre Edition, aurés vous <donc> l’imprudence de l’accepter ? Le défaut de Kell est peut etre d’etre trop près de la longueur du bras : la griffe peut croitre jusqua vous y atteindre. Comment suposés vous aussi que Je puisse engager un [page 5] ministre (30), quoique plein de bonne volonté, de se compromettre en se rendant le protecteur public de l’Edition du voltaire ? Ils peuvent abattre les coups si l’on en porte : mais lors qu’on est obligé de sortir de France pour faire aller la presse, vous voulés qu’ils protègent ouvertement ailleurs ce qu’ils n’osent tolérer chez eux ! Vous me croyé donc un charme pour les empècher de raisonner ? chacun consent a telle chose ; mais personne ne veut etre cité pour y avoir aidé. voila quels sont les ministres ; et dans leur position, je sens que je ferais de mesme (31).
Enfin vous voyés bien que, pour se fixer seulement dans un lieu, il faut remuer toutes les puissances de l’Europe ; armer en notre faveur la France, la prusse, et la russie, obtenir l’association de toutes les academies du monde, batir des moulins a papier, obtenir des privileges opposés à l’avide fermier, sans le drapeau. ai-je du croire que, sans tout cela, nous ne pouriés faire, ce qu’on a fait a geneve, a neuchatel, a amsterdam seulement parce que vous voulés faire plus beau ? ai-je du croire que toute mon existence et mes travaux seraient engloutis par cette affaire dans laquelle il faut que j’aprene a épeler sur la typographie, l’imprimerie, et la papeterie ? Eh ! que Diable ! Lorsque je ne puis avoir un avis sur tous ces arts a moi inconnus, vous voulés que je fonde un espoir raisonné de succès autrement que sur vous ? Et lorsqu’on me dit : Vous verrés, vous verrés les peines ! puis je ne pas sentir <qu’on a raison et> que vous en etes acablé et moi aussi ? Pardieu si tout cela était si epineux, Il n’y avait qu’a ne pas l’entreprendre ; Et l’ami (32) qui vient dans mon cabinet m’arracher a mille occupations plus faites pour moi, quoiqu’elles soient trop impérieuses, me propose <encore> une spéculation honorable, me la donne comme facile, a cause qu’il a des presses etrangères, des lumieres etendues, et des marchés de Papiers faciles a remplir ; qui
dédaigne comme sotises les [page 6] obstacles qui frapent tout le monde et qui pourtant après avoir bien sué, bien couru, bien travaillé, a besoin du concours de l’univers entier pour une chose quil regardait comme si simple. cet homme, cet ami ne m’a-t-il pas fait plus de mal qu’il n’espérait mesme nous faire de bien a l’un et a l’autre ? Resumons.
Si vos ministres de Kell, qui ne se comettent en rien, en louant une maison <pour> une imprimerie qui demande a s’établir (33), ne sont disposés a aucune confiance, ni a donner les suretés sans lesquelles on ne doit rien commencer chez eux ; Il ne faut pas y songer. car, quand mesme un défaut de fonds ou de conduite ferait manquer l’affaire, comme plusieurs autres ; Il ny a qu’a payer le loyer d’avance, ils sont a couvert. Mais nous ! quand nous aurons commencé et qu’une vexation viendra nous troubler : adieu la fortune et l’honneur (34). tout l’avantage est <donc> pour le Prince et tout le risque pour nous. Si vous n’avez pas eu la lettre de l’architecte de nieuwit, quoi que je croye vous l’avoir envoyée ; J’en joins ici une copie. Lisés et jugés. On va nous contrefaire a genève, sur un ouvrage que nous n’oserons faire librement nulle part : de pareilles difficultés me désolent.
Et je suis obligé de verser a cet égard mon cœur sur le papier. Pankouke me disait encore avant-hier que Mr Germain lui avait dit vingt fois depuis son retour : quel dommage que vous ayés vendu ! Je me suis recrié sur ce quil gagnait avec nous. rendés le marché, dit il, on vous remboursera les frais et 2 mille louis de pot de vin. Ils ont donc des moyens aisés ! ces genevois ! Et a la difference de la beauté après laquelle nous courons, Il ne leur faut donc ni ministres, ni rois, ni moulins, ni protecteurs pour faire un voltaire ! Et quand chacun pense que vous prenés plus que n’en pouvés faire Seul, Et que je le vois plus quil ne convient a mon repos ; Vous etes etonné que je réfléchisse sur le pas que m’a fait faire uniquement, oui uniquement, ma confiance en vos moyens faciles ! Laissons cela : [page7] car en effet Je tourne au chagrin dans le cercle des mesmes idées qui ne sont ni pitoyables ni sugérées ; mais importantes et peut etre trop senties. au reste tenons nous en donc a ce seul point, Voltaire. que faut il pour Voltaire ? de beau papier ? je ne vous en vois pas encore. de beaux caracteres ? nous les avons. de l’argent ? rien n’a eté en retard, et ne le sera a cet égard. Mais le vous verrés, vous verrés ne porte pas ladessus ; il porte sur l’execution. Vous n’y etes pas encore Et l’acablement est déja extrême. Si vous vous blessés de tout ceci, que je vous dirais dans mon cabinet comme je vous l’Ecris ; c’est que vous saisirés mal l’esprit de tant de chagrine prévoyance. <Mais> je ne pouvais l’avoir cette prevoyance ; tant qu’il ne s’est agi que de plans sur le papier, de chiffres et de projets, que votre sécurité regardait et me faisait voir comme tres aisés ! Encore une fois, laissons cela.
Je n’aprouve point votre nouveau plan d’Edition, uniquement parceque c’est encore un nouveau plan ; et que je suis las d’en faire et refaire (35). tenons nous en a celui du prospectus que je vous envoye. ne retenons pas le 12e sur les lots (36) ; Je l’aime mieux ; mais par dessus ces lots puis qu’il y a de l’avantage au <a notre> prix, ajoutons entierement la médaille aux frais des Editeurs, et qui ne fera que 3000H de sacrifiés, sur un gain que vous trouvés exhorbitant. Songés seulement qu’il ne le ferait <paraitrait> pas, si votre papier in 8° avait la beauté dont vous vous etiés flaté : et sil faut rejeter <partie> de ce gain sur quelque chose ; c’est sur le papier in 8° pour l’avoir tres beau.
Laissés la votre Société honoraire, vos protecteurs, correspondants littéraires, vous etes un imprimeur : ne soyés que cela. promettés du beau. tenés parole. Et la 1ère édition amènera tout le reste. ne retenant pas le 12e sur les lots, <chose> qui me déplaisait assès, nous ne demanderons que 3 louis pr l’in 8° en souscrivant [page 8]4 louis pr l’in 4°. médian / 12 Louis pr le Royal. J’ai simplifié le prospectus ; Je vous l’envoye. Je prendrai donc la médaille sur votre compte entierement. Le reste est bien, fort noble. reste a tenir parole.
Je n’entens rien a la combinaison du prospectus in 16. avertir 3 semaines plus tôt ! pourquoi faire ? pour amener des souscripteurs plutôt. Je ne m’en soucie pas. tant que je n’ai rien promis, on n’a pas droit de s’impatienter. travaillons comme si ce prospectus était donné. rien au public, sans un modèle parfait de l’Edition offerte, a mettre sous les yeux. C’est la beauté qui doit fraper ; En comparant le prospectus au carton, on souscrira. J’ordonne ce carton de 4 caractères. préface, prose, vers, variantes, et mesme notes. tres beau papier sans contretirage, enfin toute la coqueterie typographique, Et au lieu d’avoir <peu>de ces prospectus in 8°, et en peu répandre, sous pretexte qu’on a eu in 16 ; mettons mesure de la profession dans le procedé in 8°.l’in 16, fera faire de mauvais calculs sur nos vues : Sil faut le modele pour les détruire, il faudra donc imprimer deux fois, envoyer 2 fois ; car de laisser les uns flotans sur l’in 16, et repandre la justification de nos vues a leche doigts, en imprimant peu din 8°. voila ce qui ne peut m’entrer dans l’Esprit. ici J’ai une franche opinion ; par ce que que sa discussion est du ressort dun homme ignorant en tout le reste. C’est un petit mal d’attendre le prospectus. C’est un grand bien qu’un prospectus in 8° sur papier commun, impression triviale, et un superbe carton frape les premiers regards qu’on portera sur notre anonce, Et tenir parole. Entre niewit et Kelle ; choisissés (37). cela vous regarde. J’ai payé le 2e terme a Mr Baskerville. Les fonds sont faits pr tous les autres.
Je suis las d’Ecrire, las de disputes, parce qu’a la plume, c’est plus fatigant qu’a la langue. Saisissés bien l’esprit de tout cela. Epargnés mes peines Je suis trop acablé d’autres affaires et répondés moi sur le papier, le prospectus, Kell et nieuvit.
 

Pierre Augustin Caron de Beaumarchais à Jean-François Le Tellier, 12 mars 1780, lettre autographe, 4 pages in-4°, IMV, AB-III-60.

[page 1] Continuation de ma lettre du 10 mars Ce 12 mars 1780
Je continue ma lettre dont les 8 1eres pages sont parties avant hier (38). Vous devés vous affecter de ce que J’Ecris, dans ce sens que je ne vous en aime ni ne vous en estime pas moins, quoi que J’aye de lhumeur. Cela posé, je continue. Tout en aprouvant ce qui donnera du lustre a l’entreprise que je mépriserais, Si elle n’etait que lucrative <Je dis> que tout cela peut etre la suite du Voltaire, et non son principe. / Cest en envoyant le prospectus que J’Ecrirai au Roi de Prusse et a l’impératrice de Russie. / Voila que je recois votre lettre de [Fas]Stadt du 9 mars. Vous avés fini ? a la bonne heure. / Vous courés aux papiers ? ah ! c’est la ma mort ! Car enfin, comme il est vrai que je vous Ecris, je n’ai encore rien vu sur touts [sic] les Echantillons qui trotent pour l’Edition, un seul chiffon de papier qui ne m’ait paru dégoutant. / J’ai recu votre lettre aux libraires, le fond en est bon ; Il faut la racourcir. / Je lis vos observations sur les caractères, justifications, &c. <Mais> toute votre exactitude ne vous mène a rien, parceque vous partés d’après Pankouke qui, en vérité, ne sait pas un mot des mesures qu’il vous a données. Oui, oui, dit il. oui, 60 vol. environ. un peu plus, un peu moins, on verra. les lettres <de Voltaire> pretteront comme un gand, pour acourcir, ou allonger. Mais le page pour page ? une justification exacte, pour contenir les mesmes matieres que l’Edition de geneve, n’exigent [sic] elles pas une grande justesse dans les données ? – Eh bien oui : mr LeTellier verra ça ; ce n’est pas mon affaire, c’est la votre. bon, bon…/ enfin il n’y rien de fixe ladessus. Et moi qui le vois clairement, J’ai renvoyé a M. Janson la page de prose qui contient une page de l’Edition de genève, mesme une demie ligne de plus, et dont les interlignes sont suffisans et la page <de> vers en contenant 35 mais trop serrés, en lui mandant quil n’en mit que 32 (39) : l’edition de geneve [page 2] n’en ayant que 30 ; ce qui nous donnera un bel interligne, et il y aura du gain <pour> les matières, sur cette Edition genevoise. voila pour l’in 8°. et cela suffit. vous avés vu les deux pages de modèle de m. Sanson dont je vous parle. la justification en est belle et d’une très bonne forme. tenons nous y./ l’in 4° est plus difficile. a cause que les anglais, dans un grand papier comme le Royal superfin, ne voudront pas, dit mr Sanson, du smal pica (40) pour les vers ; acoutumés qu’ils sont au great primer Roman du Baskervile, pr l’horace et le virgile. Il croit quil faut au moins l’English roman pr les vers : mais cela change diablement tant a cause de la <sa> grandeur positive que de <sa> relation forcée avec un plus gros caractere, pour la prose, suivant les us typographiques (41).
Je lui ai observé que peutetre la seule différence des interlignes entre les vers et la prose, marquerait assés au coup d’œil pour quon put employer l’English roman pour tout. Et je lui ai mandé de faire des essais. Mais comme on peut agrandir la justification en proportion du papier, et quil est sans doute fort grand ; on se retrouvera soit avec 3 feuilles de plus, soit avec 1 ou 2 vol. de plus, soit en grandissant cette justification : car il ne faut pas rétrignoner (42) sur une Edition que vous annoncés Superbe. la matiere de lin 8° fait votre loi, pour la totalité. et pour la beauté, votre loi c’est la grace et la splendeur de votre impression. Je lui enverrai néanmoins votre lettre, il tachera de vous entendre, en accordant s’il peut, ce que vous avés dit et Ecrit, et ce que vous écrivés aujourdui.
Nous n’avons aucuns caractères a Paris qui rentre dans ceux de Baskervile, ni qui puisse regler M. Samson. Toutes les Epreuves [page 3] que nous avons fait ne nous donnent que de mauvais résultats tant a cause de la différence de l’œil que de leur écartement. neanmoins J’en ai envoyé des essais a Mr Samson sauf a lui a s’y reconnaitre. Pour moi, J’en ai par-dessus la teste avec mon ancrier.
Vous avé vu par nos dernieres que les moules sont bons et que cétait le calcul de fournier (43) qui était fautif. avec un pié français bien exact, Mr Sanson a vu tout cela. Sil ne faut pas gater cet imprimeur ce sera votre affaire, car il ne recevra plus le moindre compliment de nous.
En relisant votre lettre du 9 mars, Je vois que, malgré ce que vous trouvés a redire aux calculs de Mr Sanson, et ce que vous nommés les miens , que nous sommes tous de mesme avis, et a peu près d’accord ; ce dont vous vous convaincrés sans doute en voyant les pages composées par Mr Sanson in 8° et ce que je vous en dis aujourdui.
Mr aubri ayant trouvé les mesures justes du papier royal et du médian que lui avez envoyées de Londres, nous avons coupé du papier sur ces mesures et y apliquant la justification du virgile y compris pr la prose les colonnes additionnelles, nous avons trouvé la belle forme quil nous faut. nous joignons ici un essai de mr. favre en vers sur la hauteur de page du virgile en caracteres aprochant le mieux possible de lEnglish roman avec un bel ecartement de Lignes. En raprochant cet essai de la feuille de vers smal pica de Mr Sanson, vous verrés bien que c’est cet English roman  qu’il faut aux vers. reste la prose. J’en vais demander encore une feuille d’essai a Mr. Pierre, mesme caractere, moins espacé. Je vous l’enverra après avoir <en vous> expliquant juste combien dans cette page il entrera de matieres de l’in 8° de geneve. Mais, a la verité, si la prose ne regagne pas beaucoup sur la perte des vers nous n’y serons plus. car nous n’avons [page 4] que 34 vers. geneve en a 30. c’est entre un 7e et un 8e de guain [sic]. Notre in 8° a nous a 32 vers. l’in-4° n’a plus qu’un 16e de gain. voyons ce que donne <donnera> la prose sur. Peu de gain aussi ; car le Baskervile est plus large d’œil que les caracteres correspondans ici. Il faudra choisir entre la beauté de l’edition et son etendue. que préférerés vous ? Remarqués, comme l’a fait Mr Sanson, que si vous mettez son smal pica pour les vers, tel que vous l’avés, dans la hauteur de page du virgile, ce ne fera partout qu’un boyau sans grace. en voila assés. Sils ont du papier repondant a N° 2 Ils imprimeront sans contretirer. S’ils n’en ont pas, ils enverront les formes composées ; on imprimera ici. Mr Pierre fait maintenant le prospectus in 4°. car pour offrir des cartons de modelle in 4°., Il faut un prospectus de ce format. on ne peut les plier dans l’in 8°. en cartes géographiques ; c’est pour le coup d’œil qu’il faut séduire.
Je vais au 1er moment retoucher la lettre aux libraires (44). Je vous envoie les deux lettres de l’Ecrevisse et ma reponse d’après mes conférences avec Mr. Des Marets. Ecrivés au bonhonne vous mesme pour le hater. Je vous salue.
-
Je vous envoie enfin en propre original la lettre de Pank… hatez vous de me repondre. Son offre me parait a quelque chose près accéptable. voyés si dans le cas ou cela nuirait a notre vente en souscription on ne pourrait mettre Mr Pank. au rabais sur ses profits de la belle Edition. renvoyés moi la lettre. Ou plutôt je vais la faire copier. cela n’empecherait pas la lettre aux libraires mais laffaire serait faite d’avance.

 

 

(1)
L’IMV conserve une copie autographe de la présente lettre qui s’interrompt à ‘Mais si le Voltaire tient à cela’ (IMV, AB-III-57). Beaumarchais a repris la plume pour compléter cette lettre le même jour. On trouvera ces additions à la suite du présent document

(2)
La lettre de Beaumarchais à Le Tellier, 25 février 1780, (G. et M. Proschwitz, p. 574-576). Cette lettre était destinée à être transmise à ‘S[on] Al[tesse] Mgme. le Margrave de Bade ». Beaumarchais ne mentait pas en écrivant qu’elle avait « été lue et approuvée par toute la Société » littéraire et typographique dont il était le seul actionnaire… Il passait rapidement sur le principal motif d’opposition - la garantie des investissements de Beaumarchais sur les biens alsaciens de la couronne badoise, susceptibles d’un recours auprès des juridictions françaises -, pour s’opposer sur la volonté du margrave de censurer la publication des écrits de Voltaire portant atteinte à la religion, à commencer par ses badinages sur le Cantique des Cantiques

(3)
Beaumarchais redoute à juste titre que le margrave de Bade n’impose la censure de pièces relatives à Frédéric II de Prusse. Ses appréhensions étaient justifiées. Voir Ch. Mervaud, Voltaire et Frédéric II. Une dramaturgie des Lumières, 1736-1778, SVEC, 234 (1985), p. 541 : on prétendit censurer l’échange épistolaire de Voltaire et de Frédéric II.

(4)
Lire « Neuwied » qui aurait pu accueillir l’imprimerie de la SLT.

(5)
Samson était le « principal prote » de la SLT, recruté par Beaumarchais sur la recommandation de Le Tellier. Il avait cependant « de l’humeur contre» celui-ci (Beaumarchais à Samson, 8 juin 1780, G. et M. von Proschwitz, p. 591-594).

(6)
Andrew Farquharson, l’agent de Beaumarchais en Angleterre.

(7)
Annoncé dès le 28 janvier 1780 dans le Courier de l’Europe, le Prospectus de l’édition de Kehl ne paraîtra qu’en janvier 1781 en raison des difficultés techniques évoquées dans cette lettre. Voir Beaumarchais à Le Tellier, 3 janvier 1781, et à Farquarson, 8 et 19 janvier 1781, G. et M. von Proschwitz, p. 631-635.

(8)
Proschwitz (p. 933, n.1) renvoie à Eugène Cerveau, « Un grand ingénieur papetier : Jean Guillaume Ecrevisse. Sa vie, son œuvre » dans Contribution à l’histoire de la papeterie en France, Paris, s.d., vol. 5.

(9)
J.-P. Franck, banquier à Strasbourg, dont la maison était chargée des intérêts financiers de la Société littéraire typographique de Kehl. Voir les lettres que lui adresse Beaumarchais le 22 octobre 1784 et 14 juillet 1786, G. et M. von Proschwitz, p. 859 et p. 931,

(10)
La première livraison de l’édition de Kehl n’eut lieu qu’en 1785.

(11)
La cession par Panckoucke des droits eut en effet lieu exactement un an avant cette lettre, soit le 27 février 1779.

(12) Le 9 mars 1787, Beaumarchais Le Tellier était encore redevable de « 50 000 livres » pour son entreprise des Deux-Ponts qui tourna au fiasco.

(13)
C’est à notre connaissance la première fois que Beaumarchais reconnaît avoir été vivement incité par Le Tellier à se lancer dans l’aventure du Voltaire de Kehl : voir supra, p.XXX.

(14)
Formule à comparer à celle de la lettre de Beaumarchais à Le Tellier du 14 août 1781 : « Retard de 6 mois ! et tout cela me rappelle les sourires des fabricants de livres ; quand je leur disais que tout serait bien et dans le temps promis » (G. et M. von Proschwitz, p. 667).

(15)
La mauvaise qualité du papier retarda considérablement la publication du Prospectus qui ne parut qu’en janvier 1781, soit après que la SLT ait obtenu le 18 décembre 1780 un Privilège l’autorisant à éditer les Œuvres complètes de Voltaire, à l’exception de Candide, de la Pucelle d’Orléans et du Cantiques des Cantiques (Bengesco, t. 4. p. 114).

(16)
Panckoucke était notamment en relation avec le libraire lyonnais Duplain, qu’il avait voulu associer à son édition du Voltaire posthume : voir Panckoucke à Duplain, 26 décembre 1778, C. Paillard, p. 130-132.

(17)
Beaumarchais évoquera le 10 mars 1780 des libraires « genevois ».

(18)
Tout ce passage depuis « Pank… arrive de Lyon » jusqu’à ce mot a été édité pour la première fois par G. Barber, p. 157-158.

(19)
A ce stade, l’édition de Kehl devait compter deux formats, le luxueux in-quarto et l’in-8°. Sans doute pour des raisons de coût, il fallut renoncer en 1785 à l’in-4° (voir G. Bengesco, t. 4, p. 119), qui fut remplacée par une édition populaire, l’in-12 en 72 volumes.

(20)
Allusion aux velléités de censure du margrave de Bade qui, dans un document du 18 décembre 1780, stipulait les conditions auxquelles l’impression des œuvres de Voltaire pourrait être autorisée sur son territoire : Le Cantique des Cantiques, Candide et La Pucelle d’Orléans « ne peuvent pas être imprimés dans notre ville de Kehl » (Bettelheim, p. 652). Au nom de la Société typographique littéraire, Beaumarchais répondit : « Nous pourrions être arrêtés au milieu d’une dépense de plusieurs millions, parce qu’un philosophe [Voltaire] a badiné légèrement sur ce qu’on appelle Cantique des Cantiques, morceau par lui-même si étrange, qu’on n’a jamais osé le faire lire à des yeux pudibonds et le faire entendre à des oreilles un peu chaste! que deviendrait la philosophie ? » (Beaumarchais à Le Tellier, 25 février 1780, G. et M. Von Proschwitz, p. 575).

(21)
Le prospectus que Panckoucke avait adressé à Catherine II au début de 1779 ne semble pas avoir été retrouvé ; on peut en reconstituer partiellement la teneur d’après diverses lettres où Panckoucke affirme y faire « l’histoire du manuscrit » (C. Paillard, p. 131, n. 175).

(22)
Le baron de Trieste. Voir Beaumarchais à Maurel de Chailleuse, 28 décembre 1779, Proschwitz, p. 565 : ce personnage avait été recruté par la SLT pour « examiner préliminairement les lieux qui peuvent se disputer la préférence » d’accueillir l’entreprise en Allemagne.

(23)
Des extraits de cette longue lettre de Beaumarchais ont été édités par L. de Loménie, t. 2, p. 226-227.

(24)
Philippe Denis Pierres, imprimeur à Paris, qui a édité le Figaro de Beaumarchais : voir Beaumarchais à La Hogue, 29 janvier 1785, Proschwitz, p. 868.

(25)
En février 1780, Le Tellier avait fait part au margrave de Bade des conditions que la SLT s’engagerait de respecter en cas d’implantation à Kehl : « 1°. La Société typographique n’emploierait que les caractères de Baskerville. 2°. Elle ne publierait point les ouvrages des auteurs vivants » (Bengesco, t. 4. p. 114).

(26)
La SLT donna en effet une édition des Œuvres complètes de Rousseau (voir G. et M. von Proschwitz, p. 863) mais elle n’a jamais édité Buffon. Cette lettre est, à notre connaissance, la seule à faire état d’un tel projet ; elle est la première à mentionner l’édition de Rousseau (voir Beaumarchais à Le Tellier, 18 décembre 1780, G. et M. von Proschwitz, p. 629)..

(27)
Beaumarchais souhaitait ménager Linguet, qui assurait dans ses journaux une certaine publicité au Voltaire de Kehl. Lorsqu’il fut embastillé, il écrivit à Le Tellier le 27 octobre 1780 : « M. Linguet est privé de la liberté : c’est un bon journal de moins pour répandre notre prospectus » (G. et M. von Proschwitz, p. 586, n. 1).

(28)
Le Tellier avait conclu une convention en « juillet 1779 » avec le papetier « Claude Vaissier de Docelles », commune vosgienne réputée pour ses papeteries, pour la fourniture de « 3000 rames » : J. Vercruysse, p. 186.

(29)
Type de papier produit par une papeterie d’Arches qu’avait acquise la SLT : J. Vercruysse, p. 185.

(30)
Beaumarchais « avait ses entrées auprès des comtes de Maurepas et de Vergennes » (G. et M. von Proschwitz, p. 5), ministres de Louis XVI.

(31)
Nous ne connaissons pas d’autre document dans lequel Le Tellier aurait proposé à Beaumarchais d’implanter la SLT en France. Étant donné l’opposition catégorique de Louis XVI à l’édition de Voltaire, ce projet était irréaliste.

(32)
C'est-à-dire Le Tellier.

(33)
Dès le 18 août 1779, Le Tellier avait proposé au margrave de Bade de louer « pour une période de vingt années et moyennant un prix à débattre » de la forteresse de Kehl et de ses dépendances (Bengesco, t. 4, p. 113). La présente lettre nous apprend donc qu’en mars 1780, ceztte offre était acceptée.

(34)
Raison pour laquelle dans sa réponse ostensible au margrave, Beaumarchais ne porta l’accent que sur la nécessité de maintenir l’intégrité des écrits de Voltaire : Beaumarchais à Le Tellier, 25 février 1780, G. et M. von Proschwitz, p. 574-576.

(35)
Le « plan » initial de la nouvelle édition des Œuvres complètes de Voltaire avait été formé par Decroix qui l’avait soumis à Voltaire en novembre 1777 (voir A. Brown et A. Magnan, « Aux origines de l’édition de Kehl »).

(36)
Pour promouvoir l’édition de Kehl, Le Tellier avait eu l’idée d’intéresser les souscripteurs par un « loto » ou une loterie, à laquelle Beaumarchais répugnait par principe mais qu’il accepta comme dispositif promotionnel : voir Beaumarchais à Le Tellier, [9 octobre 1779], p. 548 et n. 2.

(37)
On prend ici toute la mesure de la confiance accordée par Beaumarchais à Le Tellier : il va jusqu’à lui déléguer le choix de l’implantation de la SLT !

(38)
La lettre du 10 mars : AB-III-59.

(39)
Le volume de Poèmes de l’édition de Kehl in-8° comporte en effet 32 vers par page, outre le titre courant (voir par exemple le 4e Discours en vers sur l’homme, t. 10, p. 32).

(40)
Lire « small pica », caractère typographique.

(41) L’édition de Kehl respecta cet usage typographique.

(42)
Sic. Le Trésor de la langue française admet le verbe « rétrillonner », d’origine bourguignonne, pour exprimer l’action de « réduire la quantité de, restreindre ».

(43)
Graveur français. « Il peut s’agir de Jean-François Fournier (décédé en 1786), fils de Jean-Pierre (1706-1783) ou de son cousin Simon Pierre (décédé après 1803), fils du célèbre Pierre Simon » (J. Vercruysse, p. 181)

(44)
On semble ignorer le contenu de cette lettre : s’agissait-il de leur exposer la nature de l’édition de Kehl avant la parution du Prospectus ?



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© IMV Genève | 13.01.2009