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« Cette frayeur du médiocre empoisonne ma vie ».
Beaumarchais, Le Tellier et les laborieuses prémices du « Voltaire de Kehl » en 1780.

Christophe PAILLARD

Nous publions aujourd’hui une très intéressante contribution de M. Christophe Paillard sur les difficultés éprouvées par Beaumarchais avec quelques-uns de ses collaborateurs, lors de la réalisation de l’édition de Kehl. La suite et la fin de cet article, constituée du transcrit de plusieurs lettres issues des Archives Beaumarchais, se lira dans la rubrique Voltaire nous écrit, dans ce même numéro de la Gazette.

Pierre-Augustin Caron de Beaumarchais dirigea la première édition posthume des Œuvres complètes de Voltaire qui parut entre 1785 et 1790 sous le nom d’édition de Kehl (1). Ce ne fut pas la moindre de ses aventures. Ayant acquis les manuscrits de Voltaire le 27 février 1779 auprès du magnat de la librairie française, Charles-Joseph Panckoucke, pour la mirifique somme de cent mille écus (2), Beaumarchais promit d’ériger à la gloire du patriarche un « grand et magnifique monument de littérature française » ou « le plus beau monument littéraire et typographique de ce siècle » (3). Il constitua à cette fin une maison d’édition, la « Société littéraire et typographique » (SLT), dont il était l’unique actionnaire mais dont il prétendait modestement n’être que le « Correspondant général ». Il ne ménagea pas ses finances ni n’épargna ses efforts : rien n’était trop beau ni trop onéreux pour célébrer l’œuvre de Voltaire. Beaumarchais hérita de Panckoucke une équipe d’éditeurs hors pair composée des philosophes Condorcet et D’Alembert (4) et du « voltairien passionné » Jacques Joseph Marie Decroix, à laquelle il adjoignit le libraire Nicolas Ruault. Il commanda en Angleterre les élégants caractères typographiques de John Baskerville (1706-1775), ainsi qu’un grand papier « qui avait le nom de Voltaire inscrit dans le milieu des formes, pour qu’on ne lui donne pas d’autre nom que le ‘papier Voltaire’ » (5) ; il employa jusqu’à « 157 personnes » (6) dans l’entreprise de Kehl ; il passa commande à un des plus illustres artistes de son temps, Jean-Michel Moreau dit « le jeune », des gravures ornant cette édition ; il aurait consulté « l’Académie française sur l’orthographe et les changements projetés dans la composition » typographique (7) ; il intervint activement dans le choix des caractères et les problèmes de composition (8) ; il rassembla la correspondance du patriarche dispersée à travers toute l’Europe (9) ; il exigea que l’on collige avec soin les variantes (10) et que l’on annote les passages saillants des Œuvres. Mais ses ambitions éditoriales butaient sur un obstacle de taille. Louis XVI interdisait la publication des Œuvres de Voltaire en France et même que la presse fasse état d’une telle publication : « Nous sommes obligés de former l’établissement de notre superbe édition hors du royaume » (11). La SLT trouva refuge à Kehl, ville située en face de Strasbourg et soumise à l’autorité du margrave de Bade, Charles-Frédéric de Baden-Durlach. Cette expatriation ne fut pas sans incidence sur la qualité de l’édition, la correction des épreuves par les éditeurs restés en France et la pureté d’une langue rudoyée par des protes qui ne maîtrisaient pas toujours le français. L’établissement rhénan de la SLT condamna surtout Beaumarchais à s’en remettre pour la gestion de l’imprimerie à un de ses amis, Jean-François Le Tellier, esprit fantasque et brouillon qui n’avait rien d’un gestionnaire. Aux innombrables défis politiques et techniques que devait relever l’édition s’ajoutèrent dès lors de graves carences de gestion constatées par Anisson-Duperron, directeur de l’Imprimerie royale, lors de son inspection de Kehl entre le 21 et le 25 juin 1782 : ces carences aboutirent à la démission de Le Tellier, « entérinée par acte notarial le 20 décembre 1784 » (12). Trois lettres inédites adressées à Le Tellier par Beaumarchais entre le 27 février et le 10 mars 1780 témoignent des débuts difficiles et hésitants de l’édition de Kehl autant qu’elles laissent présager l’issue fatale de la relation de Beaumarchais avec Le Tellier. Alors que Beaumarchais venait d’annoncer au public cette édition, il se trouva soudainement confronté à une série de défis qui auraient terrassé des caractères moins opiniâtres que le sien. L’édition de Kehl n’est-elle pas une des plus belles illustrations de son flamboyant volontarisme ?

Le choix de Le Tellier pour diriger l’imprimerie de la SLT ne laisse pas d’étonner jusqu’à faire planer un doute sur la sagacité de Beaumarchais. Architecte d’origine lorraine (13), le Tellier était une tête chimérique farcie de projets fantasques et voués à l’échec – l’exact contraire de l’homme qu’il eût fallu recruter. Ne doutant de rien, il était entré en procès avec Necker dont il avait construit l’hôtel particulier : on devine l’issue de la procédure. S’étant reconverti dans l’imprimerie, il s’installa en 1775 dans la petite ville des Deux-Ponts, en Bavière, où il obtint un privilège pour la publication d’une Gazette (14). Il emprunta à Beaumarchais mille louis destinés à couvrir les frais de son procès, qu’il ne remboursa jamais, et il l’associa par la suite à l’établissement des Deux-Ponts « pour un tiers » du capital, soit 50 000 livres également perdues. Malgré ces déboires, il s’imposa à la tête de l’imprimerie de Kehl. C’est lui qui aurait pressé Beaumarchais « d’acquérir de Mr Panckoucke, libraire à Paris et cessionnaire de Mde Denis nièce de feu Mr. De Voltaire, tous les manuscrits des œuvres de ce grand homme » (15). Seules l’amitié de Beaumarchais pour Le Tellier et la confiance injustifiée qu’il avait dans ses talents d’imprimeur expliquent qu’il l’ait recruté comme il s’en explique le 10 mars 1780 : « Certes ! Je le répète : si je ne vous eusse pas cru dans un état que vous avez embrassé par choix depuis 6 ans, toutes les lumières pour marcher facilement et le pied ferme à travers toutes les ronces des détails, et si vous ne m’aviez pas inspiré l’espoir que donne la confiance, il aurait fallu que je fusse fou de descendre à tous les détails de deux ou trois arts rassemblés sur lesquels je n’ai pas la moindre notion, où je marche en aveugle ». Beaumarchais résume bien la personnalité fantasque de Le Tellier dans la lettre du 10 mars ici éditée en le présentant comme un homme qui « dédaigne comme sottises les obstacles qui frappent tout le monde et qui pourtant après avoir bien sué, bien couru, bien travaillé, a besoin du concours de l’univers entier pour une chose qu’il regardait comme si simple ». Au reste, comment se fier au responsable d’une imprimerie capable d’écrire aux libraires « qu’il y en a parmi eux qui ne savent ni lire ni écrire et qui devraient plutôt faire des sabots que de vendre des livres » ? Beaumarchais commentait justement que « ce n’est pas le moyen de les engager à débiter nos éditions » (16)… Malgré les admonestations de « Figaro », Le Tellier n’en faisait qu’à sa tête : en réponse à un projet de contrefaçon, il fit paraître en janvier 1784 un Avis menaçant, au grand dam des souscripteurs, de retarder la publication de « dix ans » (17) avant de donner au public de mauvaises épigrammes pour défendre son édition (18). Remarquable fut la patience de Beaumarchais qui s’offusquait à peine des reproches de  Le Tellier. « Nous ne sommes […] pas de cette injustice qui vous décourage » lui répond-il le 10 mars 1780 avant de se défendre d’avoir des idées « pitoyables » et « suggérées ». Il s’abstiendra par la suite de répondre à ses « reproches de légèreté » (19). Le choix désastreux de ce triste sire ne fut pas loin de faire avorter « l’édition du Voltaire ». Le Tellier fut surnommé le « tyran de Kehl » (20) par ses employés qu’il malmenait mais cette dimension de sa personnalité n’apparaît pas ici, ne serait-ce que parce qu’en 1780, la SLT n’avait ni siège social, ni imprimerie, ni ouvriers typographes.

Les trois lettres ici éditées s’inscrivent dans un contexte sombre qui aurait découragé tout autre que Beaumarchais. Il avait annoncé le 28 janvier 1780 dans le Courier de l’Europe la publication des Œuvres de Voltaire et promis l’imminence d’un Prospectus. Son avis faisait l’éloge des « types du célèbre Imprimeur Baskerville », dont il affirmait s’être procuré le « secret » de l’encre « et ses autres principes et procédés relatifs à la trempe de l’acier, à la gravure des poinçons, et aux arts de la fonderie des caractères de l’Imprimerie et de la papeterie ». Beaumarchais annonçait enfin « l’acquisition de différentes papeteries » où la SLT élèverait « cet Art au plus haut degré de perfection connue » (21). Grandes ambitions et promesses difficiles à tenir ! Depuis cette annonce, les mauvaises nouvelles s’étaient accumulées. Début février, Beaumarchais avait reçu une lettre de la cour royale de Russie sur « un objet important » qui ne laissait pas de l’« inquiéter » : Catherine II appuierait une édition concurrente de la sienne (22). Renseignements pris, la tsarine lui donnait à entendre qu’elle aurait volontiers soutenu Panckoucke mais non l’édition dont lui-même avait assumé la direction : pour des raisons politiques, elle s’opposait au « Voltaire figaroïsé » (23). Fin février, Beaumarchais reçut une requête comminatoire de la cour de Bade imposant deux conditions à l’implantation de la SLT à Kehl : non seulement le margrave refusait que ses possessions alsaciennes fassent l’objet d’un recours devant les tribunaux français en cas de litige, mais il imposait de censurer les textes de Voltaire contraires aux bonnes mœurs et à la religion (24). Le 27 février 1780, la SLT se trouvait donc « sans feu ni lieu » constate, amèrement, Beaumarchais. A la même époque, il se trouvait confronté à bien d’autres défis. Panckoucke venait de lui faire part de l’intention de libraires genevois de pirater son édition : comment prévenir cet abus ? Les nouvelles de Le Tellier étaient inquiétantes. Beaumarchais n’envisageait pas d’imprimer Voltaire sans le meilleur papier qui soit. Le 10 août 1779, il avait ordonné à Le Tellier : « Toute la beauté de notre édition tenant absolument à celle du papier, je désire moi que vous soyez de la sévérité la plus parfaite sur la plus grande beauté possible du papier. Cela renferme tout » (25). Mais en ce début de 1780, Le Tellier n’avait acquis auprès de la maison Vaissier de Docelles qu’un papier médiocre, le « N°3 », d’une qualité exécrable et indigne de « l’édition superbe » que Beaumarchais projetait : comment, dès lors, donner au public le Prospectus ? « Votre papier N° 3 est si médiocre que c’est se moquer d’en vendre les exemplaires à 6 [livres] le vol[ume] ! ». Dépité, Beaumarchais constatait le 10 mars : « Tout votre papier est […] mou, mal fabriqué, quoique de pâte superbe, et surtout trop pourri […]. Il a le grain trop gros, l’étoffe inégale, et sans transparence ». Beaumarchais venait en outre de découvrir la nécessité de « lisser » le papier (26) : « moins de beauté à user de ces caractères, si on ne lisse pas : mais comment lisse-t-on ? quel temps, quelle dépense cela entraîne-t-il ? Voilà ce que j’ignore. Cela arrête le Prospectus » (27). Le 27 février 1780, il se laisser presque gagner par le désespoir : « J’avoue que cette frayeur, qui me saisit au milieu des promesses que je fais à tout le monde, et de l’espoir d’une belle chose qui m’avait échauffé le cœur, cette frayeur du médiocre, dis-je, empoisonne ma vie. Voila du papier plus qu’inférieur pour l’in-8°, voila des caractères qui, non lissés sur ce maigre papier, n’auront aucune grâce ». Pour l’éditeur qui souhaitait commettre « l’impiété d’imprimer le Voltaire avec plus de luxe que l’Évangile » (28), l’affaire était mal partie… Les échecs de Le Tellier à produire un papier de qualité le condamnèrent à se fournir en Angleterre auprès de James Woodmason (29). Confronté à ces difficultés, Beaumarchais réalisa soudainement que son Voltaire ne verrait pas le jour de sitôt : « De circonstance en besoins, et en obstacles, tout ce que nous entreprenons se charge de vues pénibles, et nous ne marchons pas assez simplement pour aller au but dans les temps donnés. Comment voulez-vous, par exemple, que nous promettions pour les 1ers mois de 1782, une édition qui n’a encore ni feu ni lieu, en mars 1780 ? dont les moulins à papier sont à faire, les caractères à fondre, les presses à monter, et l’établissement à former ». Il finit par se rallier à l’opinion des oiseaux de mauvais augure qui prétendaient que son édition ne verrait pas le jour de sitôt : « tout le monde s’accorde à dire que vous n’aurez pas fini dans 4 ans ; et quand je prends la parole pour combattre cette opinion, on rit et on dit : vous verrez, vous verrez ». L’édition de Kehl ne fut pas une affaire simple… Le 10 mars 1780, Beaumarchais confessait n’avoir pas pris la mesure de l’ampleur du projet et de la diversité des compétences requises : « ai-je dû croire que toute mon existence et mes travaux seraient engloutis par cette affaire dans laquelle il faut que j’apprenne à épeler sur la typographie, l’imprimerie, et la papeterie ? ». Nul doute qu’il anticipait déjà les puissantes oppositions politiques – Parlement, Église, roi de France et puissances étrangères – qui se déclareraient sitôt le Prospectus paru : « Vous ne savez pas quels pièges on nous tend » écrira-t-il un an plus tard (30).

Ces lettres inédites dévoilent certaines des chimères de Le Tellier auquel Beaumarchais écrivit par la suite : « les œufs brouillés nous semblent beaucoup plus clairs que vos idées sur la librairie » ; « Je comprends difficilement comment vos opinions sont sur tous les points si éloignées des notions ordinaires des commerçants en livres » (31). Qui trop embrasse mal étreint, lui reproche en substance Beaumarchais en 1780 : « Je ne vous ai point fait de reproches de négligence. Mais peut-être de trop embrasser, et c’est la crainte de mal étreindre qui me ramène sans cesse à ces réflexions ! ». Imprimeur improvisé, Le Tellier ne cessait de formuler des projets utopiques, chacune de ses lubies contredisant les autres : « Je ne puis m’empêcher de réfléchir que voilà déjà plus de vingt aspects différents sous lesquels vous avez voulu offrir l’édition au public. Et aucun qui ne contrarie le précédent : ce qui prouve que vos idées ne sont jamais fixées que d’aperçus généraux qui ne font rien quant à l’exécution » (32). Loin de se borner à établir une imprimerie, il esquissait le projet grandiose d’une entreprise transversale associant tous les métiers du livre : « je ne vois pas sans chagrin donner toute sorte d’extension à ce que vous appelez votre grand plan […] composé à la fois du dessein de former une grande papeterie, une grande fonderie, une grande imprimerie, dans le même lieu, et cela pour imprimer le Voltaire, ce dont seul il s’agit aujourd’hui ». Ne se bornant pas à l’édition matérielle de Voltaire, Le Tellier prétendait interférer dans l’édition intellectuelle par un réseau de correspondants associant les académies et les meilleurs auteurs de toute l’Europe : « Vous recommenceriez cent fois à décrire vos plans d’associations littéraires, académiques, savantes, que je ne vous entends pas plus que le premier jour, parce que je ne vois pas ce que les savants, les académiciens, etc., ont de commun avec un établissement d’imprimerie ». Le « tyran de Kehl » prétendait même retoquer le plan des Œuvres proposé à Voltaire par Decroix et Panckoucke à l’automne 1777 (33) : « Je n’approuve point votre nouveau plan d’édition, uniquement parce que c’est encore un nouveau plan et que je suis las d’en faire et refaire » (34). Beaumarchais ne cesse d’enjoindre à Le Tellier de réduire la voilure pour se recentrer sur l’essentiel : « Laissez-là votre société honoraire, vos protecteurs, correspondants littéraires, vous êtes un imprimeur : ne soyez que cela ». Sa patience à l’égard de son protégé ne laisse pas d’étonner. Il rappelle constamment « Le Tellier à l’ordre, mais le résultat est invariablement le même : trois fois rien » (35). L’édition de Kehl allait progressivement devenir « le cauchemar de Beaumarchais. C’est un véritable gouffre. Le comportement de Le Tellier, qui ajoute sa dose de misères, ne lui permet pas non plus de dormir tranquille » (36).

Ces lettres apportent quatre précisions sur la genèse de l’édition de Kehl et la correspondance de Beaumarchais. La première est relative aux stratégies épistolaires gouvernant l’échange entre Beaumarchais et Le Tellier. La lettre du 27 février 1780 s’ouvre sur l’affirmation suivante : « Je vous ai envoyé une lettre ostensible dont vous ferez auprès de la cour de Kehl, l’usage que vous croirez convenable ». Beaumarchais se réfère ici à sa lettre du 25 février par laquelle il répondait au nom de la SLT aux conditions que le margrave souhaitait imposer à l’établissement de l’imprimerie à Kehl (37). Au sein de la correspondance de Beaumarchais magnifiquement éditée par Gunnar et Mavis von Proschwitz, il y a lieu de distinguer deux types de lettres, les unes que Beaumarchais adressait en droiture à Le Tellier et dans lesquelles il pouvait lui faire part en toute franchise des orientations qu’il souhaitait imprimer à l’édition de Kehl, et les autres dont son correspondant pouvait faire un usage ostensible ou qui étaient destinées à être interceptées par le cabinet noir du margrave afin d’‘intoxiquer’ ses services. Cette pratique était courante au siècle des Lumières (38). Beaumarchais indique à Le Tellier que certaines lettres, manuscrits ou livres doivent être adressés « par la voie de faveur que vous savez » ou « sous le contreseing que vous savez » (39), moyen d’acheminement garantissant leur échange épistolaire de toute interception. Parmi les dix-neuf lettres de Beaumarchais à Le Tellier éditées par Gunnar et Mavis von Proschwitz, on peut soupçonner deux d’entre elles, outre la lettre ostensible qui vient d’être signalée, de s’adresser à un autre destinataire que Le Tellier. Contrairement à l’ordinaire, celle du 18 décembre 1780 ne contient aucun détail intime, aucune effusion de sentiments. Elle annonce l’implantation définitive de la SLT à Kehl en ces termes : « la paix perpétuelle aux habitants de Kehl » (40). Ne pourrait-elle être destinée au margrave ? En réponse à un projet de contrefaçon auquel était associé l’ancien secrétaire de Voltaire, Jean-Louis Wagnière, Beaumarchais écrit à Le Tellier au début de 1784 une lettre notamment destinée à lui présenter les pièces qui seraient en la possession du « secrétaire malhonnête homme », à commencer par une « lettre écrite de Francfort au roi de Prusse, morceau capital » (41). Or l’on sait que les Mémoires de Voltaire, antifrédériciens en diable, parurent en avril 1784, ayant peut-être été communiqués par Beaumarchais aux libraires : la publication à part de ce brûlot justifiait son intégration dans le corpus des Œuvres complètes(42). Beaumarchais ne pourrait-il vouloir faire reposer sur les frêles épaules de Wagnière la responsabilité de cette divulgation ? Sans doute ne s’agit-il que d’une hypothèse mais il est désormais avéré qu’au moins une des lettres de Beaumarchais à Le Tellier revêtait un caractère ostensible.

Le second enseignement porte sur la stratégie suggérée par Panckoucke pour couper l’herbe sous le pied des contrefacteurs. Beaumarchais tenait en piètre estime « toute la canaille librairienne et contrefactrice » (43). Panckoucke lui conseilla d’organiser lui-même la contrefaçon de ses éditions (44) pour ne pas être condamné à « glaner dans sa propre moisson » (45). Pour se garantir contre « l’accaparement de tous les pays », il suggérait d’établir un « sous-fermage » de l’édition, quitte à dicter aux libraires associés le nombre d’exemplaires qu’ils imprimeraient et à établir auprès d’eux « un contrôleur des opérations ». Lorsque Panckoucke donna ce conseil, il était de retour de « Lyon » ; il est donc probable qu’il ait suggéré un partenariat avec des libraires lyonnais réputés pour leurs talents dans le domaine de la contrefaçon, peut-être Duplain que Panckoucke avait prévu d’associer à l’édition (46). La question reste ouverte : les éditions contrefaites de Kehl ont-elles été données avec l’aval de Beaumarchais ? On connaît deux contrefaçons, l’une de l’édition in-8° en 70 volumes réalisée par Charles-Guillaume Ettinger à Bâle (47), et l’autre de l’in-12 en 92 volumes portant selon les pages de faux-titre quatre adresses différentes : Bâle, Deux-Ponts, Hambourg et Lyon (48). Il semble qu’Ettinger ait passé une sorte d’arrangement avec la SLT : « ses engagements vis-à-vis le public ne lui permettaient de retrancher ni d’ajouter une ligne à l’édition de Kehl » (49). On sait au reste que certains des volumes de « la contrefaction de Bâle » sortaient avant même l’édition originale (50). De là à soupçonner une entente entre Beaumarchais et Ettinger, il n’y a qu’un pas… Les lettres ici éditées révèlent en outre l’origine des libraires qui entendaient contrefaire l’édition de Beaumarchais sans y avoir été autorisés : « On va nous contrefaire à Genève, sur un ouvrage que nous n’oserons faire librement nulle part : de pareilles difficultés me désolent » écrit Beaumarchais le 10 mars 1780. Avant de projeter une contrefaçon, ces libraires avaient proposé de s’associer à la SLT. On trouve dans la longue lettre de Beaumarchais du 10 mars la première allusion connue à une telle offre : « Panckoucke me disait encore avant-hier que M. Germain lui avait dit vingt fois depuis son retour : quel dommage que vous ayez vendu ! Je me suis récrié sur ce qu’il gagnait avec nous. Rendez le marché, dit-il, on vous remboursera les frais et 2 mille louis de pot de vin. Ils ont donc des moyens aisés ! Ces Genevois ! Et à la différence de la beauté après laquelle nous courons, il ne leur faut donc ni ministres, ni rois, ni moulins, ni protecteurs pour faire un Voltaire ! ». Relayées et soutenues par Panckoucke, la « compagnie de Genève » dont nous ignorons les membres (51) précisa ses propositions en 1782 : elle aurait offert 300 000 livres à Beaumarchais si celui-ci consentait à lui céder ses droits sur « l’édition commune, sur l’édition permise et les suppléments », en ne se réservant que l’édition de luxe, c'est-à-dire l’in-4° imprimée « en caractères de Baskerville » (52). Beaumarchais déclina cette proposition qui lui semblait trop peu lucrative. Les libraires genevois lui offraient d’entrer dans le capital de la SLT pour un « tiers », soit pour « cent mille francs » (53). Quand on connaît l’impact du « gouffre de Kehl » sur les « misérables restes de la fortune »(54) de Beaumarchais, on se prend à croire qu’il aurait bien fait d’accepter ces avances. C’est oublier qu’il fut en la matière moins motivé par l’appât du gain que par l’amour de la gloire, celle de donner au public une « superbe édition » de Voltaire. Le 12 mars 1780, ne déclare-t-il pas approuver « ce qui donnera du lustre à l’entreprise que je mépriserais, si elle n’était que lucrative » ?

Troisième enseignement de ces lettres, Beaumarchais conservait deux fers au feu au début de l’année 1780. L’établissement allemand de la SLT pouvait se faire aussi bien à Kehl, dans l’ancienne forteresse de Vauban qui était désaffectée, qu’à « Nieuwit », soit très probablement la petite ville de Neuwied, au nord de Coblence, célèbre pour sa tradition de tolérance et où s’éditait alors la Correspondance de Métra(55). Il ne semble pas qu’il se soit agi seulement d’un stratagème destiné à faire pression sur le margrave de Bade pour l’obliger à retrancher les conditions draconiennes qu’il prétendait imposer aux éditeurs : début 1780, l’implantation de la SLT était réellement indécise. Le baron de Trieste qu’on avait pressenti pour sélectionner les lieux susceptibles d’accueillir l’entreprise ne donnant plus signe de vie, Beaumarchais donna carte blanche à Le Tellier pour qu’il choisisse le siège de la société. Il estimait cependant Kehl trop proche de la France pour que la SLT puisse y jouir d’une parfaite indépendance : « Le défaut de Kehl est peut être d’être trop près de la longueur du bras : la griffe peut croître jusqu’à vous y atteindre » (10 mars 1780). La SLT ne s’implanta définitivement à Kehl qu’à la fin de l’année (56). En ce début de 1780, Beaumarchais n’exclut catégoriquement qu’une possibilité suggérée par Le Tellier : celle d’une implantation en France. Il connaissait trop bien l’opposition de Louis XVI à l’édition de son « Voltaire » pour croire que ce projet puisse être réalisé. A Le Tellier qui lui suggérait de solliciter le concours des ministres qui l’appuyaient de leur protection, il répond : « Vous me croyez donc un charme pour les empêcher de raisonner ? Chacun consent à telle chose [l’édition de Voltaire] ; mais personne ne veut être cité pour y avoir aidé. Voila quels sont les ministres ; et dans leur position, je sens que je ferais de même ».

Quatrième et dernier enseignement, ces lettres nous permettent de comprendre pourquoi tant de lettres de Voltaire n’ont pas été retenues par l’édition de Kehl. D’après Panckoucke, la Correspondance devait servir de variable d’ajustement. Dans l’ignorance qu’on était en 1780 des caractères typographiques qui seraient employés, des dimensions du papier et de la mise en page, on ignorait combien de volumes comporterait la collection des Œuvres complètes : « Oui, oui, dit-il [Panckoucke]. Oui, 60 vol[umes] environ. Un peu plus, un peu moins, on verra. Les lettres de Voltaire[se] prêteront comme un gant, pour accourcir, ou allonger » (10 mars 1780).

Contrairement aux lettres d’affaires de Voltaire qui ne laissent jamais transparaître sa subjectivité et qui ne sont pas au demeurant des chefs-d’œuvre de style, Beaumarchais apparaît tout entier dans des lettres qui sont flamboyantes à son image : « mon style est teint de la couleur de mon esprit » (57). En ce début de 1780 où ses projets de donner au public une « superbe édition » de Voltaire semblent tenus en échec par une montagne de difficultés, il n’est pas loin de succomber au désespoir : « Pardieu si tout cela était si épineux, il n’y avait qu’à ne pas l’entreprendre ». Il s’en prend à Le Tellier de l’avoir engagé dans un aventure menaçant de compromettre sa réputation : « Et le comble du ridicule serait, je l’avoue, d’avoir embrassé une branche, honorable si elle était belle, pour être rangé dans la classe des vils imposteurs et spéculateurs en éditions tels que je vois traiter et que je traite moi-même tous ceux qui trompent le public en cette partie. Vous m’avez entraîné, par ma confiance en vos lumières et ressources en ce genre de travaux, ne me laissez pas du moins tomber au-dessous de mes engagements envers le public : vous auriez empoisonné une carrière qui n’avait nul besoin de livres pour être honorable, et je serais désolé que le seul fruit de l’amitié que vous m’avez inspirée devient aussi amer pour moi ! ». Empêtré dans les « ronces des détails », Beaumarchais prend conscience de l’abyssale distance qui sépare ses rêves grandioses de la réalité mesquine, un projet couché sur le papier de sa laborieuse réalisation : « l’accablement est déjà extrême. Si vous vous blessez de tout ceci, que je vous dirais dans mon cabinet comme je vous l’écris, c’est que vous saisirez mal l’esprit de tant de chagrine prévoyance. Mais je ne pouvais l’avoir cette prévoyance tant qu’il ne s’est agi que de plans sur le papier, de chiffres et de projets, que votre sécurité regardait et me faisait voir comme très aisés ! » Cette « chagrine prévoyance » ne fut pas de trop pour porter à son terme la prodigieuse « aventure » (58) de l’édition de Kehl, qui n’aboutit qu’à partir du moment où Beaumarchais démit Le Tellier de ses fonctions. Dans ces lettres inédites, Beaumarchais scande comme un leitmotiv sa « phrase parasite ; je ne me consolerais pas d’offrir du médiocre ; je ne puis le supporter en rien : mais en ceci beaucoup moins qu’en tout le reste » (59). Son opiniâtreté et son perfectionnisme furent payés de succès : « grand et magnifique monument de littérature française », l’édition de Kehl fut sans conteste la plus belle de toutes celles de Voltaire au siècle des Lumières. Tenant contre vents et marées ses engagements, Beaumarchais ne donna pas au public une « médiocre » collection.

 

(1) Voir Giles Barber, « The financial history of the Kehl Voltaire » dans The Age of the Enlightenment. Studies presented to Theodore Besterman, Edimbourg et Londres, 1967, [désormais G. Barber ], p. 152-170 ; Maurice Lever, Pierre-Augustin Caron de Beaumarchais, 3 vol., Paris, Fayard, 1999-2004 [désormais M. Lever], t. 2, p. 329-269, chap. « Typographe de Voltaire » ; Louis de Loménie, Beaumarchais et son temps. Etudes sur la société en France au XVIIIe siècle, 2 vol., seconde édition, Paris, 1858 [désormais L. de Loménie],  t. 2, p. 215-238, chap. « Beaumarchais éditeur de Voltaire » ; Gunnar et Mavis von Proschwitz, Beaumarchais et le Courier de l’Europe. Documents inédits ou peu connus [ci-après G. et M. von Proschwitz], 2 vol, SVEC 273-274, Oxford, Voltaire Foundation, 1990, p.125-135, chap. « Beaumarchais éditeur de Voltaire » ; Jeroom Vercruysse, « L’imprimerie de la Société littéraire et typographique de Kehl en 1782 (I). La relation d’Anisson Duperron ; Beaumarchais éditeur de Voltaire » [désormais J. Vercruysse], LIAS XIII, 1986, 2. p. 165-233.

(2) Soit 300 000 livres, montant revu à la baisse par un avenant du 27 novembre 1786 : voir C. Paillard, Jean-Louis Wagnière, secrétaire de Voltaire. Lettres et documents, Oxford, Voltaire Foundation [désormais C. Paillard], p. 276-277.

(3) Beaumarchais à William Petty Fitzmaurice, lord Shelburne, 27 juin 1779 et à Georges François Mareschal, marquis de Biève, 15 février [1780] dans G. et M. von Proschwitz, p. 532 et p. 572.

(4) Panckoucke avait recruté D’Alembert peu après la mort de Voltaire pour qu’il contribue à l’édition mais celui-ci ne semble pas s’être investi dans l’entreprise (voir Jean-Louis Wagnière à Panckoucke, 24 juillet 1778, C. Paillard, p. 90 et n. 19). Dans les conflits opposant Beaumarchais à Panckoucke sur l’accès aux manuscrits de Voltaire, D’Alembert prit cependant le parti de Beaumarchais (Beaumarchais à « M. Mommet », 15 mars 1783, IMV, AB-III-70).

(5) G. et M. von Proschwitz, p. 126. Ce « papier Voltaire » semble surtout avoir existé dans l’imagination de Beaumarchais, la SLT recourant en réalité au service de plusieurs papeteries lorraines (voir J. Vercruysse, p. 187-188).

(6) J. Vercruysse, p. 190.

(7) Beaumarchais à Le Tellier, G. et M. von Proschwitz, p. 632.

(8) Beaumarchais interdit ainsi le recours à la perluette, enjoignant à ses agents d’écrire « et » en toutes lettres (Beaumarchais à Le Tellier, 14 août 1781 et 13 décembre 1781, et M. von Proschwitz, p. 667 et 681. On sait qu’on peut « distinguer sommairement » les deux éditions in-8° du Voltaire de Kehl, l’une de 1784 et l’autre de 1785 « par la présence (1784) ou l’absence (1785) de la perluette, le signe ‘&’ » : voir A. Brown et A. Magnan, « Aux origines de l’édition de Kehl. Le Plan Decroix-Panckoucke de 1777 », Cahiers Voltaire, 4, 2005, p. 83- 124 (p. 118). On verra dans les lettres ici éditées le soin pris par Beaumarchais aux problèmes de composition (distinction typographique de la prose et des vers) et de mise en page..

(9) Voir l’Avis aux Personnes qui ont des écrits particuliers, des pièces fugitives ou les lettres de M. de Voltaire paru dans le Courier de l’Europe du 7 juillet 1780, G. et M. von Proschwitz, p. 601-602.

(10) Variantes réunies pour l’essentiel par Decroix : voir Beaumarchais à Panckoucke, 2 août 1780, G. et M. von Proschwitz, p. 605.

(11) Beaumarchais à William Petty Fitzmaurice, lord Shelburne, 27 juin 1779, G. et M. von Proschwitz, p. 532. Sur l’interdiction faite à la presse française d’évoquer la publication des Œuvres complètes de Voltaire, voir Beaumarchais à Le Tellier, 15 janvier 1784, G. et M. von Proschwitz, p. 772-773.

(12) J. Vercruysse, p. 194.

(13) Ces lettres nous révèlent l’origine lorraine de Le Tellier. On « ne sait pratiquement rien » de « son état civil » : M. Lever, t. 2, p. 350.

(14) Beaumarchais à Le Tellier, 23 juillet 1776, G. et M. von Proschwitz, p. 302-304 et n. 1.

(15) « Brouillon et minute des observations du Sr De Beaumarchais sur le dernier mémoire du Sr Le Tellier », [9 mars 1787], G. et M. von Proschwitz, p. 967-969 ; cf. M. Lever, t. 2, p. 350-355.

(16) Beaumarchais à Le Tellier, 8 mars 1784, G. et M. von Proschwitz, p. 795.

(17) Voir les lettres de Beaumarchais à Le Tellier des 15 et 22 janvier 1784 ainsi que l’Avis de la SLT du 5 mars : G. et M. von Proschwitz, p. 772, 786 et 794.

(18) Ruault et Beaumarchais à Le Tellier, 27 mars 1784, G. et M. von Proschwitz, p. 806.

(19) Beaumarchais à Le Tellier, 22 octobre 1784, G. et M. von Proschwitz, p. 857.

(20) Beaumarchais à Le Tellier, 13 décembre 1781, G. et M. von Proschwitz, p. 681.

(21) G. et M. von Proschwitz, p. 568-569.

(22) Beaumarchais à Panckoucke, 6 février 1780, G. et M. von Proschwitz, p. 571.

(23) Sur les raisons politiques de l’opposition de Catherine II de Russie au « Voltaire de Beaumarchais », voir C. Paillard, p. 45-48 et p. 65-70.

(24)  Voir la réponse de Beaumarchais à la cour de Bade dans sa lettre ostensible à Le Tellier du 25 février 1780, G. et M. von Proschwitz, p. 574-576.

(25) Beaumarchais à Le Tellier, 10 août 1779, G. et M. von Proschwitz, p. 536.

(26) Beaumarchais à Le Tellier, [9 octobre 1779], G. M. von Proschwitz, p. 549 : « Ce que vous m’avez envoyé imprimé, n’est pas beau, pas blanc, peut-être le lissage des papiers Baskerville y ajoute-t-il cette perfection à l’œil, où nous prétendons ».

(27) Voir B. N. Morton, « Beaumarchais et le prospectus de l’édition de Kehl », SVEC 81 (1971), p. 133-147. Le Prospectus ne put paraître que le 19 janvier 1781 (G. et M. von Proschwitz, p. 647, n. 1).

(28) Selon l’accusation de Fréron dans laquelle Beaumarchais trouvait un compliment : voir Beaumarchais à Ostervald, G. et M. von Proschwitz, p. 650.

(29) Beaumarchais à Woodmason, 25 septembre 1780, G. et M. von Proschwitz, p. 610-611.

(30) Beaumarchais à Le Tellier, G. et M. von Proschwitz, p. 645.

(31) Beaumarchais à Le Tellier, [6 et 18 avril 1784], G. et M. von Proschwitz, p. 808 et p. 813.

(32) Voir, plus bas, la lettre de Beaumarchais du 10 mars 1780.

(33) Voir A. Brown et A. Magnan, « Aux origines de l’édition de Kehl. Le Plan Decroix-Panckoucke de 1777 »..

(34) Voir, plus bas, la lettre de Beaumarchais du 10 mars 1780. Le contexte épistolaire indique que le « Plan » de Decroix avait été plusieurs fois remanié comme s’en plaignait son auteur, qui, dans une lettre de 1783, le désigne comme le plan de Condorcet (Decroix à Ruault, 19 janvier 1783, Bibliothèque nationale de France [désormais BnF], Fr. 12937, f. 529-530 : « Cet ordre chronologique [de la Correspondance] est d’ailleurs celui qu’on a adopté dans toutes les grandes collections de lettres que je connaisse telles que celles de Bayle, de d’Ossat, de Libanius, etc. Mais enfin puisque M. De Condorcet a eu ses raisons pour en agir différemment, je me conformerai à son plan, et j’arrangerai en conséquence celles que j’ai en mains »). Le 7 juillet 1782, il se plaint de même qu’on ne respecte pas son plan (A Ruault, 7 juillet 1782, BnF, N.A.Fr. 13139, f. 243-244). A contrario, il écrira à Beuchot le 17 décembre 1817 (Bnf, N.A.F 25135, f. 18) que les éditeurs de Kehl suivirent scrupuleusement le « Plan » qu’il avait proposé à Voltaire.

(35) G. et M. von Proschwitz, p. 808.

(36) G. et M. von Proschwitz, p. 814, n. 1.

(37) Voir Beaumarchais à Le Tellier, 25 février 1780, G. et M. Proschwitz, p. 574-576.

(38) Voir S. Karp, Quand Catherine II achetait la bibliothèque de Voltaire, Ferney-Voltaire, CIEDS, 1999, p. 9, n. 3 : un diplomate suédois pouvait faire sa cour à Catherine II en la complimentant dans des lettres destinées à être interceptées. La tsarine souhaitait de même que ses lettres à Voltaire fussent interceptées par le cabinet noir (Voltaire. Catherine II. Correspondance 1763-1778, éd. A. Stroev, Paris, Non Lieu, 2006, p. 19), afin de démoraliser le gouvernement français en lui faisant part de sa parfaite connaissance du « Secret du roi ».

(39) Beaumarchais à Le Tellier, 15 et 22 janvier 1784, G. et M. von Proschwitz, p. 773 et n. 6 qui renvoie aux « services bienveillants de Le Noir et du baron d’Ogny », et p. 787.

(40) Beaumarchais à Le Tellier, 18 décembre 1780, G. et M. von Proschwitz, p. 629.

(41) Beaumarchais à Le Tellier, 15 janvier 1784, G. et M. von Proschwitz, p. 772-773. Beaumarchais ajoute de cette lettre en note : « Nous ne l’avons pas, ni rien de tout ce qui est ici dénommé ».

(42) G. Bengesco, Voltaire. Bibliographie de ses œuvres, 4 vol., Paris, Librairie Académique Perrin, 1882-1885 (rééd. Kraus Reprints, Nendeln/Liechtenstein, 1977) [désormais G. Bengesco], t. 2, p. 79 : « Nous croyons volontiers que Beaumarchais se rendit coupable des indiscrétions que lui reprochent les Mémoires secrets [à la date du 10 avril 1784] ; et si la première édition de 1784 n’est pas son œuvre, cette édition fut faite certainement sur l’une des copies furtives qu’il laissa tirer du manuscrit ».

(43) Beaumarchais à Le Tellier, 14 août 1781, G. et M. von Proschwitz, p. 668.

(44) Fait mentionné pour la première fois par G. Barber, p. 157-158. Voir notre article : « Ingérence censoriale et imbroglio éditorial. La censure dans la correspondance de Voltaire dans les édiitons in-8° et in-12 de Kehl », Revue Voltaire 7, 2007, p. 275-309 (p. 303, n. 122).

(45) Voir, plus bas, la lettre de Beaumarchais du 27 février 1780.

(46) Panckoucke à Duplain, 26 décembre 1778, C. Paillard, p. 130-132. On note que Panckoucke avait proposé de vendre 300 000 livres à Duplain tous les droits de la nouvelle édition, soit précisément le montant du contrat qu’il conclut avec Beaumarchais le 26 février 1779.

(47) G. Bengesco, n° 2143, t. 4, p. 146-147.

(48) Bengesco, n° 2144, t. 4, p. 147 et C. Paillard, « Ingérence censoriale et imbroglio éditorial », p. 303. Les exemplaires obéissant à la même composition typographique forment une seule et même édition ne différant que par la page de faux-titre.

(49) Jean-Louis Wagnière à Friedrich Melchior Grimm, 12 janvier 1785, C. Paillard, p. 258.

(50) Voir C. Paillard, p. 70, n. 471.

(51) Il semble que Gabriel Cramer ait été à l’origine de ce projet : voir Mallet du Pan à Ostervald, 17 décembre 1781, et Wagnière à Grimm, 22 décembre 1781, C. Paillard, p. 211. Cramer tenait rigueur à Panckoucke d’avoir rompu leur association en obtenant les droits exclusifs de la nouvelle édition du « Voltaire ». Arguant d’un contrat ou « acte positif » qui les liait, il le menaça même d’une action juridique devant « quelque tribunal » : voir Samuel de Tournes à Panckoucke, 11 décembre 1778, p. 128-129.

(52) Beaumarchais à Le Tellier, 7 février 1782, G. et M. von Proschwitz, p. 685.

(53) Beaumarchais à Panckoucke, 13 mars 1782, G. et M. von Proschwitz, p. 693.

(54) Beaumarchais à Le Tellier, 5 septembre 1784, G. et M. von Proschwitz, p. 848. Cf. G. Barber, p. 170 : « Certainly there was no profit and the loss to Beaumarchais on the capital involved was evidently colossal ».

(55) Anton Bettelheim, Beaumarchais. Eine Biographie, Francfort, Rutten et Lɶning, 1886, p. 426. Beaumarchais comptait également sur les Deux-Ponts.

(56) Beaumarchais à Le Tellier, 18 décembre 1780, G. et M. von Proschwitz, p. 629 et n. 2.

(57) Voir infra l’introduction de la lettre de Beaumarchais à Le Tellier du 10 mars 1780.

(58) F. Bessire, « Beaumarchais éditeur de Voltaire », RHLF, 2000, n° 4, p. 1125-1138 (p. 1138).

(59) Beaumarchais à Le Tellier, [9 octobre 1779], G. et M. von Proschwitz, p. 549.

 


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© IMV Genève | 13.01.2009