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Amis ou ennemis ?
Voltaire et les gens de lettres d’après quelques autographes inédits ou peu connus
(1)
par Christophe PAILLARD

Nous présentons aujourd’hui la première partie d’un important article de Christophe Paillard sur quelques autographes inédits. Les textes originaux non modernisés sur lesquels se base l’article figurent, pour plus de commodité, dans notre rubrique « Voltaire nous écrit ».

Sous la cote « CC », les fonds de l’Institut et Musée Voltaire conservent des manuscrits, autographes ou copies, qui ne sont ni des lettres de Voltaire (correspondance active), ni à Voltaire (correspondance passive), mais à son sujet - correspondance qu’on pourrait qualifier de « périphérique » écrite par tout épistolier communiquant à son correspondant des informations ou formulant des jugements sur le monarque absolu de la République des Lettres du siècle des Lumières (1). Au sein de ce fonds, nous retenons une remarquable série de dix-sept lettres ou documents écrits entre 1730 et 1826 qui évoque les rapports de Voltaire  avec les « gens de lettres ». Cette dernière catégorie ne doit pas être prise en un sens restrictif mais dans sa signification la plus étendue : outre les auteurs, nous comptons parmi les gens de lettres une amie de Voltaire, Mme d’Argental, qui taquinait les muses à ses heures perdues, la comédienne favorite de Voltaire, Melle Clairon, la fille adoptive et secrétaire de d’Argental, Mme Vimeux, et un éditeur de la Restauration, Cayrol. Certains des documents ici présentés semblent totalement inédits ; d’autres le sont partiellement ; quoique publiés au XIXe siècle, les derniers sont restés inconnus à Besterman, l’éditeur de la Correspondance de Voltaire. Dans tous les cas, ces documents sont colligés sur la base des manuscrits originaux. Nous donnons deux versions de chaque lettre, l’une intégralement modernisée (orthographe, abréviations, ponctuation…) et l’autre éditée dans le scrupuleux respect de la graphie, des séparations linéaires et des particularités du document. La première version est présentée, annotée et commentée dans le corps de l’article ; la seconde apparaît en appendice. L’avantage de cette solution est, d’une part, de rendre la lecture de la lettre plus attrayante et d’alléger son annotation en la délestant des remarques relatives aux variantes et à la graphie, et, d’autre part, de communiquer à la communauté scientifique l’intégralité des particularités du document qui servent en certains cas à l’authentifier, à identifier le destinataire ou le destinateur, à comprendre l’usage fait par celui-ci de la lettre, etc. Au sein de ces documents, nous distinguons deux ensembles, l’un ayant trait aux ennemis de plume de Voltaire et l’autre à ses amis, alliés, disciples, partisans ou courtisans (2). Entre l’amitié et la haine, la vénération et l’exécration, l’éloge dithyrambique et la polémique la plus outrancière, ces lettres révèlent l’ambivalence fondamentale des rapports de Voltaire aux littérateurs des Lumières.

A/ La conjuration des ennemis de plume de Voltaire

En pastichant la maxime : « Qui terre a, guerre a », Voltaire ne cesse de répéter dans sa correspondance que « qui plume a, guerre a (3) ». Les quatre premières lettres révèlent son rapport conflictuel à ses ennemis de plume, rapport qui dépassait souvent la simple rivalité pour culminer dans l’exécration et dans la haine (4). Certaines de ces rivalités se sont envenimées jusqu’à se transformer en guerre littéraire sans merci où tous les coups sont permis. Dans les deux premières lettres datant respectivement de 1730 et de 1733, trois auteurs à la réputation solidement établie sur la scène littéraire – le poète lyrique Rousseau, le tragique Nadal et, dans une moindre mesure, l’académicien d’Olivet – s’échangent des informations sur leur ennemi juré, la gloire montante des lettres françaises, dans le vain espoir de précipiter sa chute. Tout se passe comme s’ils formaient une sorte de conjuration pour abattre l’auteur dont le génie leur inspirait du ressentiment. Signée par Castre d’Auvigny en 1740, la troisième lettre n’est pas l’œuvre d’un ennemi de Voltaire mais d’un auteur qui venait de se brouiller avec l’abbé Desfontaines : elle fut communiquée par d’Argenson à Voltaire, qui était toujours avide de connaître le moindre renseignement susceptible de servir la guerre implacable qu’il menait contre son pire ennemi de plume avant Fréron. Datée de 1768, la quatrième lettre témoigne d’une conjuration avortée. L’écrivaillon Bury y manifeste le désir de s’associer à l’académicien Pinot Duclos pour attaquer Voltaire. Duclos ne donna pas suite à cette demande : souverain absolu de la République des Lettres, le Patriarche était devenu inattaquable.

1/ L’abbé d’Olivet à Jean-Baptiste Rousseau ([1730])

La première lettre semble inédite. Datée du « 26 mars » sans autre précision, elle est signée de Pierre-Joseph Thoulier d’Olivet (1682-1768), l’ancien préfet de chambrée de Voltaire au collège Louis-le-Grand. Ce latiniste émérite fut reçu le 25 novembre 1723 à l’Académie française. Le millésime de la lettre est aisé à restituer. Son allusion à une « brochure d’environ 40 pages de M. de la Motte contre M. de Voltaire » désigne la Suite des réflexions sur la tragédie où l’on répond à M. de Voltaire d’Houdar de La Motte (1672-1731), opuscule de 42 pages paru en 1730. La lettre date donc du 26 mars 1730. Une fois cette lettre datée, son destinataire devient relativement aisé à identifier. D’Olivet souhaite lui rendre prochainement visite lors d’un « voyage » en « Hollande ». Or nous savons que le poète lyrique Jean-Baptiste Rousseau, exilé à Bruxelles depuis son bannissement du royaume de France en 1712, entretenait une importante correspondance avec d’Olivet (5). Rousseau l’avait invité dès le 7 septembre 1722 à lui rendre visite (6). D’Olivet répondit à cette invitation en 1730 : une lettre de Rousseau datée du 23 octobre nous apprend qu’il venait de quitter Bruxelles (7). Dans la présente lettre, d’Olivet donne à Rousseau des informations sur Voltaire, qui était devenu son ennemi juré depuis la représentation de Mariamne en 1724 (8).

[Description] Pierre-Joseph Thoulier d’Olivet à [Jean-Baptiste Rousseau], Paris, 26 mars [1730]. L.a.s (9), 2 p., in-8°. IMV : CC-75.

***

Paris, 26 mars.

Je suis très persuadé, Monsieur, que vous ne vous souciez nullement des riens ci-inclus. Mais puisque vous n’en payerez pas le port, je ne laisse pas de vous les envoyer, ne fût-ce que pour vous demander en même temps un exemplaire de votre Cid (10). Je vis dernièrement M. de Saint-Rambert (11), il me donna l’adresse de M. Violland (12) pour vous écrire. J’espère m’en servir une autre fois pour quelque chose qui le mérite mieux. Vous voyez qu’en ce pays-ci la persévérance est d’un grand prix (13). M. le Cardinal de Rohan assista en personne à l’élection, et il était venu quo ad hoc (14). Il paraît une brochure d’environ 40 pages de M. de la Motte contre M. de Voltaire (15). Vous jugerez peut-être en la lisant, que ni l’un ni l’autre n’ont voulu se battre à fer émoulu (16). Un de mes amis m’a donné parole de faire avec moi le voyage de Hollande cet été. Je ne vous dirai pas que vous êtes un de mes principaux objets. Je me réserve à vous en assurer sur les lieux, si la partie que nous faisons mon ami et moi, n’est point traversée. Ce qu’il y a de certain, c’est que j’ai l’envie du monde la plus sincère d’aller passer trois ou quatre jours avec vous (17), et que la Hollande n’aura que la moindre part dans mon agenda. Je vous embrasse au nom de M. Boutet (18), avec qui je vais souper.
[signature] Olivet

À Paris, ce 26 mars.

***

Voltaire ne constitue pas l’objet principal de cette lettre qui est d’annoncer à Jean-Baptiste Rousseau la venue de d’Olivet à Bruxelles à « l’été » 1730 – ce voyage sera en fait remis à l’automne. Au printemps de 1729, Rousseau avait revu, sinon refait, la traduction française par d’Olivet de vers extraits des Tusculanes et du traité Des Devoirs de Cicéron. Ces vers corrigés par Rousseau furent repris « dans le recueil des Pensées de Cicéron, traduites par l’abbé d’Olivet, et dans la traduction des Tusculanes, qu’il fit avec le président Bouhier (19) ». Le 15 novembre 1729, d’Olivet avait remercié Rousseau dans une autre lettre, apparemment restée inédite : « Sur la fin de l’hiver je ferai mettre sous presse un volume de Cicéron, où je puis bien répondre qu’il y aura quelque chose d’excellent, puisqu’il s’y trouvera des vers de votre façon (20) ». Si le poète exilé était redevable à son correspondant de la communication d’innombrables livres sortis des presses parisiennes, d’Olivet était redevable à Rousseau d’une part de ses traductions.

L’allusion au Cid s’explique aisément. Rousseau prétendit « restituer » le Cid de Corneille. En fait de restitution, il retrancha de cette tragédie les rôles de l’Infante, de Léonor et du page, et, par conséquent, les répliques de Chimène à l’Infante… Son « édition » parut en 1733 puis en 1734, dans les Pièces dramatiques choisies et restituées par M*** (Amsterdam, Changuion). Le Cid mutilé circulait avant cette date, probablement sous forme manuscrite, comme semble l’indiquer la lettre de Rousseau à Brossette du 12 octobre 1729 : les embellissements « que j’ai faits au Cid, dont vous me parlez, ne m’ont guère coûté ; il n’a fallu pour cela que retrancher ce qui était de trop » (21). Dans une lettre du 23 mai 1730, d’Olivet écrira au Président Bouhier : « je vous prie de m’envoyer le Cid de Rousseau, c'est-à-dire l’édition que Rousseau a faite du Cid. J’ai cru que vous ne seriez pas fâché de la connaître. M. de Gesvres, premier gentilhomme de la Chambre, me l’a demandée, son dessein étant de faire jouer le Cid ici, conformément à cette édition (22) ». Le texte de Rousseau « fut généralement adopté pour la scène, et le public s’y accoutuma si bien, que le retour à la rédaction authentique parut toujours une des innovations les plus hardies » (23). Voltaire aurait-il fait l’éloge de cette suppression dans son Commentaire sur Corneille s’il avait connu l’identité de son auteur (24) ?

Nous ignorons la nature des « riens ci-inclus » à la lettre de d’Olivet. Ce ne peut être l’Histoire de l’Académie de Pellisson que d’Olivet avait prolongée jusqu’à l’année 1700 : il l’avait communiquée à Rousseau dès le printemps 1729 (25). S’agit-il de la brochure de La Motte ? D’Olivet informe comme en passant Rousseau de la vive polémique qu’entretenait en 1730 l’académicien Antoine Houdar de La Motte avec Voltaire. La Motte avait composé un Discours sur la tragédie paru un an avant sa mort (26), que Voltaire critiqua avec fermeté, mais sans méchanceté, dans sa nouvelle « Préface » à l’édition de 1730 d’Œdipe (27). Il lui reprochait de sacrifier la règle des trois unités à celle de « l’unité d’intérêt » qui se réduirait à l’unité d’action. Houdar de La Motte réagit sur-le-champ en donnant la même année sa dernière œuvre, la Suite des réflexions sur la tragédie, où il défendait « l’unité d’intérêt » qui ne se confondrait aucunement avec « l’unité d’action ». Empreinte d’une verve polémique, cette brochure de La Motte ne combattait assurément pas Voltaire « à fer émoulu » ! Dans la présente lettre, d’Olivet tient son correspondant informé de l’actualité de la scène parisienne sans prendre parti entre les deux polémistes. Il savait que Rousseau n’appréciait pas plus Voltaire que La Motte. À Louis Racine qui lui suggérait de se raccommoder avec Voltaire, Rousseau répondit le 17 novembre 1739 : « Vous m’exhortez très-chrétiennement, Monsieur, à me réconcilier avec M. de Voltaire ; mais je crois que le mieux pour l’un comme pour l’autre est de rester comme nous sommes. Un accommodement pourrait me devenir funeste. Je sais ce qu’il m’en a coûté pour m’être autrefois réconcilié avec La Motte » (28). Cette lettre confirme que l’abbé d’Olivet n’était certainement pas, dans les années 1730, un académicien favorable au parti des philosophes.

2/ Augustin Nadal à Jean-Baptiste Rousseau (1733)

La lettre suivante semble également inédite. Elle fut signée le « 17 août 1733 » par l’abbé Augustin Nadal (1659-1741), auteur de plates tragédies bibliques. Nadal détestait Voltaire depuis la chute de sa Mariamne le 15 février 1725. À la fin de la première représentation de cette pièce, le public avait réclamé à grands cris l’Hérode et Mariamne de Voltaire. Comme celui-ci était présent dans la salle avec son ami Thiriot, Nadal le soupçonna d’avoir monté contre lui une « brigue horrible et scandaleuse ». Voltaire lui répondit sous le nom de Thiriot : « Quelques personnes pourraient peut-être vous dire que la ressource des mauvais poètes, M. l’abbé, a toujours été de se plaindre de la cabale (29) ». Telle fut l’origine de leur brouille. L’année précédant la lettre ici éditée, Nadal avait fait circuler dans Paris sa Lettre à madame la comtesse de F*** sur la tragédie de Zaïre qui dénonçait certains travers de cette tragédie voltairienne (30). Il avait à la même date donné une « comédie critique », Arlequin au Parnasse, ou la folie de Melpomène. Représentée le 2 décembre 1732, elle se moquait de Zaïre, qui serait le fruit de l’inspiration d’une muse devenue folle (31). L’inimité entre les deux hommes ne cessa jamais : « parmi les Œuvres mêlées de l'abbé Nadal, il y a quelques écrits où vous êtes critiqué avec beaucoup d'injustice et d'impolitesse (32) », fera-t-on savoir à Voltaire en 1739.
Le destinataire de cette lettre est identifié par une mention portée par un marchand d’autographes en première page du manuscrit : c’est, là encore, Jean-Baptiste Rousseau. Au moment où Nadal écrit cette lettre, Voltaire venait de brocarder Rousseau dans la première édition du Temple du goût et dans l’Épître sur la calomnie qui circulait à Paris sous forme manuscrite. Comme Nadal, Rousseau était l’auteur d’une Mariamne et, comme lui, il avait souffert de l’éclipse de sa pièce par celle de Voltaire (33)… Les deux hommes étaient naturellement destinés à s’allier contre leur ennemi juré.
L’identification du destinataire est confirmée par l’allusion à « Launay », correspondant de Rousseau, et par le fait que le destinateur fournit à son correspondant force détails sur la vie littéraire parisienne, ce qui s’accorde bien avec l’exil bruxellois de l’auteur des Odes sacrées. Nous savons que les deux hommes étaient proches (34). Se proclamant chrétiens, les auteurs des deux Mariamne éclipsées par celle de leur rival communiaient dans leur exécration de Voltaire, dépeint comme « l’Antéchrist » des mœurs et du bon goût.

[Description] Abbé Augustin Nadal à  [Jean-Baptiste Rousseau], Paris, 17 août 1733. L.a.s., 4°, 4 p. Les noms du destinateur et du destinataire sont portés en page 1 par une main inconnue. Mention d’endossement : reçu « le 21 ». IMV : CC-02.

***

À Paris, ce 17 août 1733.

Il fallait de ma part, Monsieur, une maladie assez sérieuse, du moins par sa longueur, pour m’empêcher d’avoir l’honneur de vous écrire plus tôt, et de savoir de vos nouvelles par vous-même : le retour de votre amitié me les rend d’autant plus chères, que je vous connais trop de courage dans l’esprit, pour douter un instant seul de la sincérité de vos sentiments. Je vous supplie aussi d’être bien persuadé, qu’il ne se fait point ailleurs d’un ami tel que vous, une mention plus vive ni plus tendre qu’entre Monsieur de Launay (35) et moi. Il y a longtemps qu’il vous entretient du goût prédominant qui s’est élevé ici aux dépens de ce qu’il y a de plus sensé et de plus respectable (36). On y a arrêté l’édition d’un second tome de la plus insigne de toutes les folies et qui a semblé déshonorer jusqu'a ses lecteurs (37). Cette nouveauté (de Voltaire) n’a point encore paru dans le public, non plus qu’une lettre en vers de ce même auteur adressée à Madame la marquise du Châtelet (38). Il affecte, dit-on, de parler contre la médisance qui, selon lui, s’attache surtout aux Auteurs, aux Grands, et aux Belles : c’est dans ce troisième article qu’il prétend que la Vierge n’a point échappé au vaudeville (39) et même aux lampons (40). Il est aisé de reconnaître à cette citation  l’auteur de l’Épître à Uranie. Ce n’est pas la douce persuasion, comme on l’a dit de quelques-uns, c’est le blasphème qui habite sur ses lèvres : je m’assure qu’il a souri à ce prétendu bon mot et s’est piqué même d’en être le créateur. Il est vrai que ce n’est pas sans fondement qu’on l’accuse le plus souvent de n’être qu’un plagiaire ; mais du moins parmi tous ses larcins doit-on faire une exception de ses traits sacrilèges. Il vient de donner son opéra d’Osiris, pour être mis en musique (41), et ce mythologien moderne a imaginé de lui élever un Temple dans le ciel même (42) ; on dit aussi qu’il a pris date à la comédie pour la lecture de son Adélaïde de Vendôme (43). Prendre date au reste, Monsieur, est un usage établi nouvellement sur la scène et une façon de parler dont la Troupe a enrichi l’Académie depuis que toutes deux se sont mutuellement admises à leurs représentations. Voltaire compte par là de placer sa pièce dans le meilleur temps, quand même (44) il serait prévenu par d’autres dans une lecture ou une réception. Ce n’est pas encore tout, il nous menace d’une inondation de ses ouvrages en tout genre, histoires, lettres, dissertations, essais philosophiques. Si cela est je ne puis regarder ses idées diverses que comme autant de travers de sa part encore plus marqués et des preuves plus sensibles de sa chute prochaine, quoique à dire le vrai bien des personnes prévenues sur les égarements dont ses partisans sont capables soutiennent qu’il en a encore pour longtemps à imposer par ses prestiges et le faux de son merveilleux et qu’il est à l’égard de la décadence du goût dans ce pays-ci, ce que l’Antéchrist est à la destruction du monde. Mais heureusement pour les lettres le goût opposé se retranche fièrement dans vos ouvrages d’où il tient encore en respect une infinité d’honnêtes gens. Je suis avec la fidélité des sentiments que je vous dois, Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur.

[signature] L’abbé Nadal

[adresse] À l’Académie Royale, près Saint-Roch, rue Saint-Honoré (45).

***

Par-delà leur amitié, Nadal et Rousseau se considéraient comme des alliés dans la guerre contre Voltaire, gloire montante des lettres françaises. Outre les flatteries d’usage, Nadal procure à Rousseau des informations destinées à alimenter leur combat commun. Il témoigne de sa parfaite connaissance de la scène littéraire parisienne en invoquant successivement la suspension de l’impression parisienne du Temple du goût, les manuscrits de l’Épître sur la calomnie, Tanis et Zélide et Adélaïde du Guesclin. On sait que Voltaire composa l’Épître sur la calomnie pour défendre Émilie du Châtelet. Si cette pièce parut pour la première fois en 1736, elle circulait à Paris sous forme manuscrite depuis le 21 juillet 1733 (46). Selon l’éditeur critique de l’Épître, l’interdiction de copier ce manuscrit avait été violée par Linant le 14 août (47) ; la présente lettre nous révèle que le texte fut dès cette date diffusé dans des cercles élargis. L’allusion au « lampon » (chanson à boire) évoque un passage de cette Épître qui fit grand bruit dans la mesure où il fut taxé d’impiété. Renvoyant à l’article « Schomberg » du Dictionnaire historique et critique de Pierre Bayle (48), Voltaire écrivait :

Vous y verrez que la Vierge Marie
Des chansonniers comme une autre a souffert :
Certain lampon courut longtemps sur elle,
Dans un refrain, cette mère pucelle
Se vit nichée ; et le Juif infidèle
Vous parle encore, avec un rire amer,
D’un rendez-vous avec monsieur Santer (49).

Dans trois manuscrits de cette Épître, Voltaire prenait à partie Launay, instrumentalisé conjointement par Nadal, Rousseau et Desfontaines :

Et vous Launay, vous Zoïle moderne
D’écrits rimés barbouilleur subalterne,
Insecte vil qui rampez pour piquer
Et que nos yeux ne peuvent remarquer (50)
.

« Puni sans cesse et jamais corrigé », J.-B. Rousseau n’était pas épargné, Voltaire rappelant qu’il avait commis des vers contre son employeur, le baron de Breteuil, père d’Émilie du Châtelet, et dénonçant ses vers « moitié français et moitié germaniques (51) »… En évoquant l’imminence de la « chute prochaine » de leur ennemi, l’abbé Nadal abonde dans le sens de Rousseau : il reprend certaines de ses affirmations tout en les nuançant aussitôt. Voltaire serait un vulgaire plagiaire ? Sans doute mais à l’exception de son impiété où brille son originalité. Prenant ses désirs pour la réalité, Rousseau jugeait que ce « petit auteur » était l’objet d’une « vogue passagère » : « Vous jugez parfaitement bien, Monsieur, du mérite de Voltaire, écrivait-il à Launay. Ce jeune homme impose par son effronterie ; mais, il n'y a rien en lui, qui soit marqué au coin de la postérité (52) ». Nadal fait mine de reprendre cette accusation pour s’en démarquer aussitôt. Il était mieux avisé que Rousseau : « à dire le vrai bien des personnes prévenues sur les égarements dont ses partisans sont capables soutiennent qu’il en a encore pour longtemps à imposer par ses prestiges et le faux de son merveilleux »… Tous les procédés étaient bons pour diaboliser le poète impie, qui serait « à l’égard de la décadence du goût dans ce pays-ci, ce que l’Antéchrist est à la destruction du monde ».

3/ Castre D’Auvigny au marquis d’Argenson (1740)

La lettre suivante a été partiellement éditée par Besterman d’après un catalogue de vente mais avec une erreur sur le destinataire qui n’est pas Voltaire mais le marquis d’Argenson. Ces deux hommes se connaissaient depuis leur scolarité au collège de Louis-le-Grand (1710-1711). Ce puissant aristocrate et son frère, le comte d’Argenson, ont toujours soutenu et protégé Voltaire. La lettre est signée de Jean du Castre d’Auvigny (1712-1743) (53), auteur prolixe malgré sa mort précoce le 27 juin 1743 sur le champ de la bataille de Dettingen où sa compagnie de chevau-légers fut anéantie par les troupes anglo-hanovriennes lors de la Guerre de Succession d’Autriche. Entré jeune dans la carrière littéraire, d’Auvigny avait été parrainé par l’abbé Desfontaines avec lequel il cosigna l’Histoire de la ville de Paris jusqu’en 1730 (Paris, 1735, 5 vol., dont Louis-François-Joseph de La Barre est le troisième auteur). La lettre ici éditée nous laisse comprendre qu’il avait fini par se brouiller avec lui : Desfontaines revendiquait la paternité du dernier ouvrage de Castre d’Auvigny, Les Vies des hommes illustres de la France, qui fut complété et réédité après sa mort. Cette lettre s’inscrit dans un commerce épistolaire soutenu : outre celle-ci, Castre d’Auvigny adressa 10 lettres à d’Argenson entre le 23 octobre 1739 et le 9 juin 1740 (54). Le jeune homme habitait alors à Paris chez Louis-Pierre d’Hoziers, juge d’armes de la noblesse de France et généalogiste des écuries du roi ; il collaborait à la rédaction de son célèbre Armorial (55).

[Description] Aymé Jean Chabaille d’Auvigny, dit du Castre d’Auvigny, à [René Louis de Voyer de Paulmy, marquis d'Argenson], Paris, 17 janvier 1740. L.a.s, 4 pages, p. 4 bl. IMV : CC-07. La lettre porte deux mentions autographes de Voltaire, l’une, en haut à droite, d’une encre estompée (« lettre de dauvigni / concernant labbé desf[ontaines] ») et l’autre, au centre, d’une couleur plus marquée (« lettre de Mr dauvigni / auteur de la vie des / grands hommes »). C’est la lettre D2142 dont Besterman donne un fragment d’après les catalogues de deux ventes Charavay (1855 et 1882). En la présentant comme une lettre adressée à Voltaire, Besterman reconnaissait que le marquis d’Argenson aurait pu en avoir été le destinataire (voir D2142, n. 1) ; et de fait, Voltaire remercie d’Argenson le 26 janvier [1740] d’avoir « bien voulu » la lui communiquer (voir D2148). L’insertion de cette lettre dans une série épistolaire, la déférence de son ton et le fait que Castre d’Auvigny, alors à Paris, n’aurait pu se rendre « trois fois à la porte » de Voltaire qui était alors à Cirey, confirment l’identification du destinataire. Nous indiquons entre crochets le passage édité par Besterman.

***

Monsieur,

J’ai satisfait à mon devoir en me rendant chez vous au commencement de cette année pour vous assurer de mes très humbles respects, et vous renouveler, Monsieur, les témoignages de la reconnaissance que vos bontés m’ont inspirées ; dans la crainte que l’on ne vous en eût point rendu compte, je me suis présenté depuis trois fois à votre porte pour avoir l’honneur de vous faire ma cour, j’ai été malheureux, et c’est pour me consoler que je prends la liberté de vous écrire. Je travaille à la seconde édition de mon livre, que je ferai où il plaira à Dieu. Je me pare de vos corrections, et je voudrais bien mériter que vous en fissiez de nouvelles, je les attendrais si longtemps qu’on voudrait, et rien ne me serait si précieux (56). J’aime mon ouvrage en honnête homme ; je travaillerais volontiers jour et nuit pour qu’il fût utile et digne du public ; [les cris de la canaille littéraire attachée à l’abbé Desfontaines ne me dégoûtent point de ce fils qu’ils lui donnent, quoi que sur mon honneur il ne l’ait jamais vu qu’avec tout le public (57) ; mais il est naturellement méchant et menteur ledit abbé, et à cet égard il m’a joué des tours affreux]. Je vous supplie, Monsieur, de vouloir bien me continuer l’honneur de votre protection, et me croire avec un profond respect, Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur
D’Auvigny

À Paris ce 14 janvier 1740.

***

Parmi les lettres ici présentées, celle-ci est la seule qui n’évoque pas Voltaire. Nous ne l’aurions pas éditée ici si elle ne portait cinq lignes de sa main. Ayant reçu cette lettre, d’Argenson l’adressa à Voltaire qui séjournait alors à Cirey, chez Mme du Châtelet, raison pour laquelle elle ne figure pas dans la série de lettres de Castre d’Auvigny éditée au XIXe siècle. Le marquis a commis cette indiscrétion à seule fin d’informer son ami de la brouille survenue entre Castre d’Auvigny et l’abbé Desfontaines. Il n’est pas exagéré de dire que Voltaire détestait encore plus Desfontaines que Jean-Baptiste Rousseau. Desfontaines avait été enfermé à Bicêtre en 1725 pour une affaire de mœurs. Voltaire ayant intercédé pour obtenir son élargissement, Desfontaines témoigna de sa reconnaissance dans une lettre de remerciements (58). Mais l’ingrat attaqua bien vite son protecteur. Entre Desfontaines et Voltaire s’ouvrit une guerre littéraire sans merci. Voltaire avait conservé sa lettre de remerciements sur laquelle il porta une mention restée inconnue à Besterman, comme l’établira bientôt un Jeu de lettres, publication de l’Institut et Musée Voltaire prévue pour le courant de 2010 (59). Voltaire fit usage de cette lettre dans le Mémoire du sieur de Voltaire et le Mémoire sur la satire (60). Il reproduit ici ce schéma en portant deux mentions sur la lettre de Castre d’Auvigny destinées à lui rappeler l’usage qu’il pouvait faire de cette lettre contre Desfontaines. Il ne semble pas l’avoir fait, soit parce que l’occasion ne s’est pas présentée, soit parce qu’il eût été indélicat de compromettre le marquis d’Argenson. À tout le moins, cette lettre prouve qu’aux yeux de Voltaire, tout ce qu’écrivait Desfontaines ou tout ce qu’on écrivait à son propos pouvait être retenu contre lui.

4/ Richard de Bury à Charles Pinot Duclos [?] (1768)

La lettre suivante semble également inédite. Datée du 29 septembre 1768, elle est signée de Richard de Bury (1720-1794), autre ennemi de plume de Voltaire, médiocre historien et « petit polisson qui ne mérite aucune attention » selon le mot de Grimm (61). En 1766, de Bury avait pris à partie le monarque favori du Patriarche dans l’Histoire de la vie de Henri IV, roi de France et de Navarre, qui connut un véritable succès de librairie (62). Se déclarant indigné par cette lecture (63), Voltaire y répondit en rédigeant séance tenante Le Président de Thou justifié contre les accusations de M. de Bury, brochure de 38 pages in-8° qui parut à la fin de mai ou au début de juin 1766. Toute la difficulté de l’édition de la présente lettre tient à l’identification de son destinataire, dont on comprend qu’il jouissait d’un statut social supérieur à celui de Bury. Ce dernier se plaint d’avoir, au même titre que son correspondant, été pris pour cible par Voltaire dans un livre récemment publié. Quelle est cette œuvre ? Il ne saurait s’agir du Président de Thou justifié, ouvrage vieux de deux ans et demi au moment où cette lettre est rédigée. Un seul rogaton voltairien incrimine de Bury en 1768 : Les Trois empereurs en Sorbonne. Mais cette piste tourne court. Signalés dans la Correspondance littéraire du 1er novembre 1768 (64), Les Trois empereurs en Sorbonne ne sortirent de presse qu’à « la fin du mois d’octobre (65) ». Or cette lettre de septembre évoque un ouvrage paru depuis au moins « deux mois ». Reste en lice une seule hypothèse : de Bury attribue à Voltaire un ouvrage qui n’est pas issu de sa fabrique. La livraison de la Correspondance littéraire du 15 juin 1768 évoque élogieusement une récente publication, l’Examen de la nouvelle histoire de Henri IV, de M. de Bury, par le marquis de B***, Genève [Paris ?], Philibert [éditeur réel inconnu], auquel l’auteur avait joint une réédition du Président de Thou justifié comme il s’en expliquait dans un « Avis au lecteur » daté de « Genève le 25 mai 1768 » (p. 70). Ce volume est parfois attribué au marquis de Bélestat qui en a déclaré la paternité ; il est en fait l’œuvre de La Beaumelle, auquel Bélestat servit de prête-nom. Les adresses de la page de titre et de l’« Avis au lecteur », la réédition du Président de Thou justifié, le nom de l’imprimeur genevois, tout le dispositif de l’ouvrage visait à suggérer la paternité de Voltaire. Perspicace, Grimm exprima des réserves, portant notamment sur la graphie en « oi », mais il ne pouvait que constater que cette œuvre était attribuée à la « manufacture de Ferney »(66). Voltaire eut beau condamner ce livre dans le 29e chapitre de l’Histoire du Parlement de Paris (67) et faire circuler à Paris « plusieurs exemplaires » de l’Examen de la nouvelle histoire de Henri IV ostensiblement couvert de notes qu’il avait dictées à Wagnière (68), le mal était fait : il fut considéré comme l’auteur de cet ouvrage. Si notre hypothèse était fondée – de Bury s’en prend ici à l’Examen de la nouvelle histoire de Henri IV qu’il croit être de Voltaire –, le destinataire de la lettre peut être identifié avec probabilité. Outre de Bury, le livre de La Beaumelle incrimine deux historiens, Jacques-Auguste de Thou (1553-1617) et l’Histoire de Louis XI de Charles Pinot Duclos (1704-1772) :

« Je ne puis retenir mon indignation, toutes les fois que je me rappelle un de nos historiens [avec renvoi en note : « Duclos ; Histoire de Louis XI »], qui après avoir prouvé que l’homme dont il écrit la vie était mauvais fils, mauvais mari, mauvais père, infidèle ami, voisin dangereux, allié peu sûr, chrétien superstitieux et parjure, maître ingrat et soupçonneux, politique plutôt rusé que profond, oppresseur des grands non par amour pour le peuple, mais par jalousie contre eux, finit ce tableau par ce trait bizarre et disparate, c’était pourtant un Roi. Quelle leçon pour les tyrans ! Eh non, ce n’était pas un Roi, s’il est vrai que toutes les vertus morales et civiles entrent dans la composition d’un Roi (69) ».

Protégé de Mme de Pompadour, Duclos avait succédé en 1750 à Voltaire au poste d’historiographe de Louis XV ; il était devenu en 1755 le secrétaire perpétuel de l’Académie française en remplacement de Mirabaud (70). L’hypothétique identification du destinataire de cette lettre semble confirmée par la déférence de Bury, par l’allusion au « crédit » de son correspondant et par la demande d’obtenir communication de l’ouvrage de La Beaumelle – qui mieux qu’un académicien pouvait se procurer des ouvrages interdits ?

[Description] Richard de Bury à [Charles Pinot Duclos ? ], [Paris], 29 septembre 1768. L.a.s., 2 p. IMV : CC-08.

***

Monsieur,

Quoique je n’aie pas l’honneur d’être connu de vous je prends la liberté de vous prier de m’accorder un quart d’heure d’entretien. Je suis l’auteur de la Vie d’Henri IV. J’ai appris que M. de Voltaire en avait fait une critique assez violente (71), et qu’il y a même parlé de vous en termes peu respectueux. Il faut qu’il se soit échappé dans cet ouvrage et que la police l’ait fait arrêter, car depuis deux mois, je n’en ai pu recouvrer un exemplaire ; cependant l’ouvrage a été lu avant-hier au café de la Comédie-Française (72). Ayant résolu d’y répondre (73), je ne voudrais rien faire sans votre aveu. Comme vous avez plus de crédit que moi, oserais-je vous prier, Monsieur, de vous en faire procurer un exemplaire, et de me faire savoir quel jour et à quelle heure je pourrais avoir l’honneur de me rendre chez vous pour savoir vos intentions et si vous me croiriez capable de prendre votre défense (74).

J’ai l’honneur d’être avec le plus profond respect, Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur.

De Bury
Rue Gilles-Cœur vis-à-vis celle de l’Hirondelle.
Paris ce 29 septembre 1768

***

Nous ignorons les suites de cette lettre. Duclos (pour autant qu’il soit bien le destinataire) a-t-il seulement accordé à Bury un « quart d’heure d’entretien » ? Ce que nous savons avec certitude, c’est qu’il ne l’a pas autorisé à « prendre (sa) défense » : la Lettre sur quelques ouvrages de M. de Voltaire de Bury ne fait pas mention du secrétaire perpétuel de l’Académie, alors même qu’elle évoque Louis XI dont Duclos avait été le biographe. Comment le premier des Académiciens aurait-il pu faire équipe avec un aussi piètre historien ? Voltaire ne souhaitait pas s’aliéner le puissant Duclos qu’il a toujours ménagé et auquel il adressera en 1768 un Précis du siècle de Louis XV (75). Il semble d’ailleurs l’avoir accueilli à Ferney en 1767 à son retour d’Italie (76). De son côté, Duclos, qui fut un des quatre premiers contributeurs à la souscription ouverte en 1770 pour réaliser la statue de Voltaire par Pigalle (voir infra), a toujours ménagé le parti des philosophes sans pour autant s’y rallier. Voltaire l’avait justement constaté : « Je crois que ce secrétaire ne sera jamais l’ennemi de la philosophie ; mais je ne crois pas qu’il veuille se compromettre avec elle. Nous avons des compagnons, mais nous n’avons point de guerriers (77) ». Duclos ne disait pas autre chose dans une de ses lettres à Jean-Jacques Rousseau qui le considérait comme son seul ami dans la « sphère des gens de lettres (78) » : « Les folies des philosophes me jetteraient du côté des dévots, si les actions de ceux-ci ne me rejetaient de l’autre côté. Ces deux aimants, qui me repoussent, sans m’attirer, me maintiennent dans un milieu qui est la morale de l’honnête homme (79) ». Duclos entendait d’autant moins entrer en guerre contre Voltaire que celui-ci ne l’avait pas attaqué : La Beaumelle était le seul agresseur.

 

(1) Nous remercions M. François Jacob, directeur de l’Institut et Musée Voltaire (dorénavant IMV), d’avoir attiré notre attention sur l’exceptionnel intérêt de ce fonds. Nos remerciements s’adressent également à Mme Catherine Walser, bibliothécaire, ainsi qu’à M. Flávio Borda d’Água, pour leur amical soutien.

(2) Nous renverrons dans la suite de cet article aux références suivantes : Œuvres complètes de Voltaire, Oxford, Voltaire Foundation, 1968- [dorénavant OCV] ; Voltaire, Correspondence, éd. T. Besterman, 1968-1977, Genève-Oxford, OCV, t. 85-135 [dorénavant, la lettre D immédiatement suivie du numéro d’ordre de la lettre dans cette édition] ; R. Pomeau (dir.), Voltaire en son temps, éd. R. Pomeau et al., 2 vol., Paris, Fayard, et Oxford, Voltaire Foundation, 1995 [dorénavant VS] ; F. M. Grimm, Correspondance littéraire, philosophique et critique, par Grimm, Diderot, Raynal, Meister, etc., éd. Maurice Tourneux, 16 vol, Paris, 1877-1882 [dorénavant CL].

(3) Voir notamment les lettres D3773, D4895, D8195, D8879.

(4) Deux livres récemment parus évoquent les polémiques littéraires du siècle des Lumières : Robert Darnton, Le Diable dans un bénitier. L’art de la calomnie en France, 1650-1800, Gallimard, 2010, et Olivier Ferret, La fureur de nuire : échanges pamphlétaires entre philosophes et antiphilosophes (1750-1770), SVEC 2007:03, Oxford, Voltaire Foundation, 2007.

(5) Œuvres de J.-B. Rousseau, 5 vol., Paris, 1820, t. 4, p. 393-473 (« Lettres de J.-B. Rousseau à l’abbé d’Olivet »). Deux lettres inédites de d’Olivet à Rousseau (27 décembre 1731 et 28 juillet 1732) figurent dans les catalogues de vente répertoriés par les Recherches sur Diderot et l’Encyclopédie, t. 39, p. 207-209).

(6) Œuvres de J.-B. Rousseau, t. 4, p. 399.

(7) Rousseau à d’Olivet, Œuvres de J.-B. Rousseau, t. 4, p. 430 et note. Il avait rendu visite à Rousseau le 26 septembre, voire à une date antérieure (J.-B. Rousseau à Boutet, t. 5, p. 68). Il est donc resté plus longtemps que les « trois ou quatre jours » annoncés dans la lettre ici éditée.

(8) Voir P. Bonnefon, «Une inimitié littéraire au XVIIIe siècle d’après des documents inédits », RHLF, 1902, p. 547-595.

(9) Abréviation de « lettre autographe signée ». « L.a. » désigne une « lettre autographe ».

(10) Voir le commentaire de cette lettre infra.

(11) Voir les lettres de Rousseau à d’Olivet des 8 décembre 1724, 14 janvier et 20 mars 1725 : Œuvres de J.-B. Rousseau, t. 4, p. 404-406, p. 410. Saint-Rambert servait à Paris d’intermédiaire entre les deux correspondants pour l’expédition de livres.

(12) Voir la lettre de Rousseau à d’Olivet du 12 mars 1732 : « L’adresse de M. Viollant est toujours la plus sûre et la plus prompte » (Œuvres de J.-B. Rousseau, t. 4, p. 453).

(13) Allusion à la réception de Jean-François Leriget de La Faye à l’Académie française le 16 mars 1730.

(14) Dans une lettre au président Bouhier du 18 janvier 1730, d’Olivet écrit : « La brigue est inconcevable pour M. de La Faye. Je ne doute pas qu’il n’ait la place de M. de Valincour » (Correspondance littéraire du Président Bouhier, N° 3, Lettres de l’abbé d’Olivet (1719-1745), éd. Christiane Lauvergneat-Gagnière et Henri Duranton, Université de Saint-Étienne, 1976, p. 140). On déduit de la lettre ici éditée qu’Armand-Gaston-Maximilien de Rohan avait pesé de tout son poids dans l’élection. Rousseau composa une épigramme en cette occasion : « Quoi ! La Faye ? Ah ! je n’en crois rien / La Faye ! Académicien ! / Quelle honte ! Quelle infamie / C’est donc de quelque académie / De bassette ou de lansquenet ? / Non, c’est de celle de Danchet » (J.-B. Rousseau à Brossette, 4 juillet 1730, Œuvres de J.-B. Rousseau, t. 5, p. 286).

(15) Houdar de La Motte, Suite des réflexions sur la tragédie où l’on répond à M. de Voltaire, Paris, Grégoire Dupuy, 1730. Dans une lettre au président Bouhier datée du 21 mars 1730, d’Olivet écrit : « Voltaire, dans une nouvelle préface de son Œdipe, attaque M. de la Motte sur divers points de sa poétique. La Motte vient de lui répondre par une brochure d’environ 40 pages » : Correspondance littéraire du Président Bouhier, N° 3, p. 143.

(16) Selon l’entrée « Émoulu » du Dictionnaire de l’Académie française (édition de 1762), « On dit, tant au propre qu’au figuré, Combattre à fer émoulu pour dire, Combattre tout de bon et à outrance »

(17) Voir supra, n. 6 : d’Olivet semble avoir prolongé son séjour à Bruxelles près d’un mois. D’Olivet dresse un portrait exalté de ses retrouvailles avec J.-B. Rousseau dans sa lettre au Président Bouhier du 4 novembre 1730 : Correspondance littéraire du Président Bouhier, N° 3, p. 151-157.

(18) Boutet de Monthery, Payeur des rentes à l'Hôtel de vie, protecteur et correspondant de Rousseau.

(19) Œuvres de J.-B. Rousseau, t. 4, p. 416, note.

(20) D’Olivet à J.-B. Rousseau, Paris, 15 novembre 1729. L.a.s., 4 p., p. 4 bl. IMV : CC-74.

(21) Œuvres de J.-B. Rousseau, t. 5, p. 256 et note.

(22) Correspondance littéraire du Président Bouhier, N° 3, p. 146. Les éditeurs renvoient en note à une édition des Pièces dramatiques choisies et restituées… de « 1724 », qui ne figure pas au catalogue de la Bibliothèque nationale de France ni au Catalogue collectif de France. À moins qu’à la date de cette lettre, le Cid circulât sous forme manuscrite ?

(23) Œuvres de P. Corneille, éd. C. Marty-Laveaux, Paris, Hachette, 1862, t. 3, p. 51.

(24) Voir le Commentaire sur le théâtre de Corneille, OCV, t. 53, p. 56.

(25) Rousseau à d’Olivet, 31 mai 1729, Œuvres de J.-B. Rousseau, t. 4, p. 415.

(26) Les Œuvres de théâtre de M. de La Motte, de l’Académie françoise. Avec plusieurs discours sur la tragédie, Paris, Grégoire Dupuis, 1730, 2 vol. (t. 1). Voir J.-P. Grosperrin, « D’un merveilleux l’autre. Houdar de La Motte interprète de la tragédie cornélienne », XVIIe siècle, 2004/4, n° 225, p. 697-705.

(27) Œdipe, éd. critique par D. Jory, OCV, t. 1A, p. 255-284. C’est La Motte qui, en tant que censeur, avait approuvé cette préface, tout en se réservant le droit « d’en examiner la force devant le public » (p. 256).

(28) Œuvres de J.-B. Rousseau, t. 5, p. 105.

(29) Thiriot [Voltaire] à l’abbé Augustin Nadal, 20 mars 1725, D226. Sur ce problème du « borderline case » qu’est la lettre de Voltaire écrite sous le nom et la plume d’un tiers, voir C. Paillard, Jean-Louis Wagnière, secrétaire de Voltaire. Lettres et documents, SVEC 2008:12, Oxford, Voltaire Foundation, 2008, p. 30.

(30) Elle fut publiée en 1738 : Augustin Nadal, Œuvres mêlées, Paris 1738, t. 1, p. 316-323.

(31) Voir l'édition critique de Zaïre par Eva Jacobs, OCV, t. 8, p. 283-285.

(32) Nicolas Charles Joesph Trublet à Voltaire, 22 janvier 1739, D1814.

(33) Voir l’« Avertissement » d’Hérode et Mariamne de 1738 : « Le Sr. Rousseau, qui commençait à être un peu jaloux de l'auteur, fit alors une Mariamne d'après l'ancienne pièce de Tristan ; il l'envoya aux comédiens qui n'ont jamais pu la jouer, et au libraire Didot qui n'a jamais pu la vendre. Ce fut là l'origine de la longue querelle entre notre auteur et Rousseau » (éd. critique par M. Freyne, OCV, t. 3C, p. 322-323).

(34) Voir Jean-Baptiste Rousseau à Claude Brossette, 30 [janvier] 1734, D706.

(35) Il s'agit très probablement de René Jourdan de Launay, correspondant de J.-B. Rousseau qui lui adressa trois lettres éditées par Besterman (1er septembre [1732], D523 ; [vers le 1er octobre 1732], D528 ; 13 janvier 1733, D561). Desfontaines l’utilisait pour diffuser à Paris ses lettres contre Voltaire (voir le Temple du goût, éd. critique par O. R. Taylor, OCV, t. 9, p. 53). Si notre identification est exacte, on découvre ici qu’il était également en relation avec l’abbé Nadal.

(36) Voir les lettres de J.-B. Rousseau à de Launay, 1er septembre et [vers le 1er octobre] 1732, D523 et D528.

(37) La première édition du Temple du goût avait paru en 1733 sans autorisation, ce dont le garde des Sceaux s’était offusqué. En 1734, Voltaire avait travaillé à en retrancher les passages les plus choquants, tout en ajoutant à son édifice « plusieurs chapelles ». Il souhaitait faire paraître à Paris cette version adoucie, qui avait été approuvée par le censeur Crébillon. Le texte était sous presse quand l’impression fut suspendue, vers le 10 mai, sur ordre du gouvernement (voir VST, t. 1, p. 236-237 ; le Temple du goût, éd. O. R. Taylor, p. 73 ; cf. D600, D604, D609, D635, D640…).

(38) L’Épître sur la calomnie, éd. critique par D. J. Fletcher, OCV, t. 9, p. 272-308 [désormais, Epître sur la calomnie].

(39) Epître sur la calomnie, p. 295-296 : « Lisez-moi Bayle, à l'article Schomberg, / Vous y verrez que la Vierge Marie / Des chansonniers, comme une autre, a souffert ».

(40) Voir, infra, le commentaire de cette lettre. Le mot « lampon » ne figure pas dans les éditions du Dictionnaire de l’Académie française du XVIIIe siècle. Le Dictionnaire de Trévoux (éd. de 1771) l’admet : « Ce mot veut dire, Buvons. C’est une sorte de chanson populaire, où l’on répète lampons à la fin de chaque couplet. Chanter des lampons ».

(41) Tanis et Zélide, donné en avril ou mai de 1733 à Brassac, « le musicien de Moncrif » (voir VST, t. 1, p. 249).

(42) « Le Temple d’Isis et d’Osiris » : Tanis et Zélide, acte III.

(43) Voir Adélaïde du Guesclin, éd. critique par M. Cartwright, OCV, t. 10. L’abbé Nadal est bien renseigné puisque les comédiens n’auraient eu connaissance du texte que le 6 novembre (p. 25). Il est vrai que Voltaire l’avait lu à des amis en juin et en juillet : voir D620 et D638.

(44) Locution adversative usuelle au siècle des Lumières pour dire : « quand bien même ».

(45) Nadal était membre associé de l’Académie royale des inscriptions.

(46) Épître sur la calomnie, p. 274 : cf. D771, 21 juillet [1734]

(47) Épître sur la calomnie, p. 274 : cf. D674.

(48) La note (A) de l’entrée « Schomberg (Charles de) » du Dictionnaire historique et critique de Pierre Bayle rapporte des propos de l’abbé Fadit qui, pour flatter Marie de Haufort qui était calomniée, lui rappela les dires d’un « Écrivain célèbre, qui avait eu l’impudence d’assurer » de la Vierge Marie « qu’elle avait eu un commerce criminel avec un homme d’épée nommé PANTHER, et que c’était d’elle qu’elle avait eu J[ésus-]C[hrist] »

(49) Épître sur la calomnie, p. 296-297, variantes.

(50) Épître sur la calomnie, variante du vers 162 (p. 306). Cf. la variante du vers 126, p. 302.

(51) Épître sur la calomnie, p. 304-305 (vers 142, 143-146 et 159).

(52) Voir les lettres de J.-B. Rousseau à de Launay, 1er septembre et 1er octobre 1732, D523 et D528.

(53) Voir Russell Goulbourne, « The eighteenth century ‘querelle des vers’ et Jean Du Castre d’Auvigny’s La tragédie en prose », SVEC 2000:05, Oxford, Voltaire Foundation, 2000, p. 371-410.

(54) Voir Lettres inédites de L.-P. d’Hozieret de J. du Castre d’Auvigny sur l’Armorial et l’Hôtel Royal du Dépost de la Noblesse, éd.  Jules Silhol, Paris, Académie des Bibliophiles, 1869 [dorénavant, Lettres inédites] : Castre d’Auvigny à d’Argenson, 23 octobre, 11 novembre et 30 décembre 1739, p. 35, p. 37-38 ; s.d., p. 40 ; 26 et 30 janvier, 10 et 23 février, [avril], 4 mai, 9 juin 1740, p. 41-47, p. 50, p. 57-60, p. 66-67.

(55) Lettres inédites, p. 48.

(56) D'Argenson semble s'être exécuté. Voir du Castre d’Auvigny au marquis d’Argenson, 26 janvier 1740 : « Je me suis soumis, uniquement par respect pour vos ordres, à la correction que M. l’abbé de Pomponne a demandée ». L’éditeur de cette lettre remarque qu’« il y a en effet un carton à la page 270 du tome VI, dans Les Vies des hommes illustres » (Amsterdam, 1739) : Lettres inédites, p. 41.

(57) Ayant cosigné plusieurs ouvrages avec Castre d’Auvigny, Desfontaines s’attribuait le mérite de l’ouvrage Les Vies des hommes illustres, auquel il n’avait aucunement contribué.

(58) Pierre-François Guyot Desfontaines à Voltaire, 31 mai [1725], D235.

(59) Un Jeu de lettres, éd. Nicholas Cronk, Olivier Ferret, François Jacob, Christiane Mervaud et Christophe Paillard, collection Hologrammes, éditions Paradigme, Orléans, [automne 2010].

(60) Éditions critiques par Olivier Ferret, OCV, t. 20a, p. 105-106 et p. 185.

(61) CL, t. 8, p. 101.

(62) Paris, Didot aîné, 4 vol. : BV 595 et CN, t. 1, p. 626-630. Voir la notice de Bruno Bernard, « Président de Thou justifié (Le) » dans le Dictionnaire général de Voltaire, p. 986-988.

(63) Voltaire à Damilaville, 17 mai 1766, D13302.

(64) CL, t. 8, p. 202-203.

(65) Voir Les Trois empereurs en Sorbonne, éd. critique par J. Renwick, OCV, t. 67, p. 193-215 (ici, p. 196).

(66) CL, 15 juin 1768,  t. 8, p. 101-104

(67) Histoire du Parlement de Paris, éd. critique par J. Renwick, OCV, t. 68, p. 301.

(68) J. Vercruysse, « Notes inédites de Voltaire », Studi francesi, 20, mai-août 1963, p. 258-264. C’est une note de Barbier sur cet exemplaire, légué par Damilaville à d’Holbach, puis par celui-ci à Naigeon, qui nous apprend que « Voltaire envoya plusieurs exemplaires chargés de ces notes, dans la vue de nuire à La Beaumelle » (p. 259). Voltaire fit paraître certaines de ces notes dans L’Évangile du jour, Londres [Amsterdam, Marc-Michel Rey], 1769, t. 2, p. 1-56.

(69) Examen de la nouvelle histoire de Henri IV, p. 7-8 (L’Évangile du jour, Londres. 1775, t. 2, p. 8-9 et note g). À noter que Voltaire prend discrètement la défense de Duclos. Là où La Beaumelle cite Bury en écrivant : « c’étoit pourtant un Roi », Voltaire annote : « Il n’y a pas pourtant dans le texte » (ibid)

(70) Moreau, « Notice sur la vie de Duclos et sur ses Mémoires », Nouvelle collection des Mémoires pour servir à l’histoire de France, dir Michaud et Poujoulat, Paris, 1839, t. 10, p. 431-441. On consultera avec profit l’introduction de Carole Dornier à son édition critique des Considérations sur les mœurs de ce siècle de Duclos (Paris, coll. Champions Classique, Honoré Champion, 2005, p. 7-71).

(71) Non pas Voltaire mais La Beaumelle : voir la présentation de cette lettre supra.

(72) Le Procope.

(73) Richard de Bury, Lettre sur quelques ouvrages de M. de Voltaire, Amsterdam, Arkstée et Merkus, 1769 ; éd. critique par M. S. Rivière avec préface de J. H. Brumfitt, Townsvill, James Cook University of North Queensland, 1992.

(74) Duclos ne semble pas l'avoir autorisé à prendre sa défense. La Lettre sur quelques ouvrages de M. de Voltaire de Bury ne mentionne pas son nom, y compris dans sa critique du traitement voltairien de l’histoire de Louis XI (éd. critique par M. S. Rivière, p. 74-79).

(75) D’Alembert à Voltaire, 6 et 17 décembre 1768, D15352 et D15373 ; Voltaire à D’Alembert, 12 décembre 1768, D15361.

(76) Voltaire à Jacques de Rochefort d’Ailly, 16 septembre 1766, D13563

(77) Voltaire à Étienne Noël Damilaville, 9 août 1764, D12042.

(78) J.-J. Rousseau, Les Confessions, livre X, Œuvres complètes, 5 vol., Paris, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, t. 1, p. 1991, p. 506.

(79) Charles Pinot Duclos à Rousseau dans Correspondance complète de Rousseau, éd. Leigh, n° 2828, t. 17, p. 68-69).

 


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