La revue électronique de l'Institut et Musée Voltaire
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par Luc Jorand

Il était une fois un petit homme appelé Monsieur Nicolas.

Monsieur Nicolas aimait la peinture. Il aimait surtout les peintres du Grand Siècle, ceux qui avaient approché, quelquefois de près, l’astre qui régnait alors sur toute l’Europe. Il boudait un peu ceux qui débordaient sur le siècle suivant (que peut-on faire de bon sous la Régence ?) mais ne manquait toutefois aucune exposition, aucun rendez-vous, aucun colloque les concernant.

Il fut donc l’un des tout premiers visiteurs de l’exposition Nicolas de Largillière, peintre du Grand Siècle, ouverte au public le 14 octobre dernier à Paris. Il avait fait le voyage tout exprès. Non qu’il aimât particulièrement Paris : on y respirait mal et on y mangeait plus mal encore. Mais il avait une affection particulière pour le Musée Jacquemart-André, qu’il ne manquait pas de visiter, à chacun de ses séjours parisiens : et c’était précisément ce musée qui présentait les toiles de Largillière.

Quelle ne fut pas sa surprise, en entrant dans l’exposition, d’apercevoir un portrait de Voltaire plus rutilant encore que celui qu’il avait aperçu à Genève, au musée du même nom ! Comment cela était-il possible ? Il avait bien entendu dire qu’il en existait une copie au musée Carnavalet, mais que le tableau genevois pût lui-même être un faux ne lui avait pas encore traversé l’esprit.

Il résolut d’en avoir le cœur net et se précipita sur le dernier exemplaire du catalogue, qu’il disputa, dix minutes durant, à une grosse dame. Plein d’anxiété, il se rendit page 164, où la triste vérité lui fut enfin révélée. L’exemplaire de l’exposition, qui appartenait en fait au musée du Château de Versailles, était bien l’authentique. Celui du Carnavalet était une copie parmi d’autres. Quant au tableau genevois, devant lequel il avait tant médité, depuis son enfance, le commentaire précisait : « Une troisième copie, assez médiocre, se voit à l’Institut Voltaire de Genève. »

Son rêve s’effondrait. Il dut à un groupe de touristes, qui passa bruyamment derrière lui, de ne pas s’évanouir. Un siège, heureusement, s’offrait tout près de là. Il s’y assit pesamment, accablé de doutes, écrasé par cette nouvelle déconcertante. La caissière du magasin, qui l’examinait, tenta de le consoler.

« Alors, vous aussi, mon brave monsieur, vous n’en pouvez plus ? Je l’ai toujours dit, il faut aller au musée après déjeuner, et non pas avant. Regardez ce qui vous  arrive ! C’est la faim,  assurément, qui vous tourmente. »

Monsieur   Nicolas   regarda  sa   montre.  Il  était midi. « Finalement, pensa-t-il, autant aller déjeuner. » Il se rendit au restaurant du musée, choisit la meilleure table et  commanda   la  toute  nouvelle   salade  Largillière :
« Celle-là, du moins, sera authentique. »

Et il prit un plaisir particulier à observer, dix minutes durant, l’harmonie douce du vert des feuilles, avant de les engloutir bruyamment.

Aperçu bibliographique

Nicolas de Largillierre, peintre du Grand Siècle, catalogue de l’exposition du musée Jacquemart-André, 14 octobre 2003 – 30 janvier 2004, préface de Jean-Pierre Babelon, membre de l’Institut, Phileas Fogg, 2003.

Georges Pascal, Largillierre, Paris, 1928.

L. Gielly, Voltaire, documents iconographiques, Genève, 1948.


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© IMV Genève | 01.04.2004