La revue électronique de l'Institut et Musée Voltaire
ISSN 1660-7643
       
         
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C'est le jeudi 10 avril dernier qu'André Magnan, professeur émérite à l'Université Paris X Nanterre, a prononcé, dans le Grand Salon des Délices, une conférence intitulée « L'avenir de Paméla » et a, à cette occasion, offert ses propres archives de cette œuvre retrouvée à la bibliothèque de l'Institut et Musée Voltaire. Il s'agit là d'un apport important à l'ensemble de la communauté voltairiste. Plus tôt dans l'après-midi, André Magnan, avec la générosité qu'on lui connaît, avait très volontiers accepté de se prêter au jeu de notre rubrique Grand Salon.

Q : La question traditionnelle, à laquelle personne n’échappe, est celle de votre premier contact avec le dix-huitième siècle. Où et quand cela s’est-il produit ?

R : À l’âge de quatorze ou quinze ans, avec l’Ingénu, qui est un des premiers livres que j’ai lus intégralement pour mon plaisir. Je l’ai lu dans une collection à quatre sous, petit format, avec une couverture jaunâtre, et je l’ai lu à une vitesse encore inconnue. J’ai peut-être passé deux heures à le lire, complètement emporté. Ma première expérience n’est donc pas vraiment une expérience de dix-huitiémiste, c’est une expérience de lecteur qui est totalement emporté hors de lui, et hors de ses habitudes scolaires. Ce livre m’était venu par ma mère, qui l’avait acheté au marché populaire du samedi à Fécamp, en Seine-Maritime (autrefois Seine-Inférieure !), et il est de ceux qui m’auront laissé une impression très forte : je la sens encore en vous en parlant. Je ne peux pas dire que j’ai décidé de faire une thèse sur Voltaire ce jour-là (rires), mais c’est bien là l’élément fondateur de mon rapport au dix-huitième.

Q : Qu’est-ce qui, dans l’Ingénu, avait tant motivé l’enfant que vous étiez ?

R : Certaines choses me paraissaient incompréhensibles : la mort de Mlle de Saint-Yves, par exemple, qui meurt de « vertu perdue », si l'on peut dire, de cette espèce de viol civilisé qu’elle a dû subir pour sauver son amant. Il y avait dès lors un « reste à lire » que je n’ai découvert qu’après –même si j’ai compris la mort de Mlle de Saint-Yves, rassurez-vous, avant le cours d’agrégation que j’ai fait par la suite sur l’Ingénu (rires).

Q : Voltaire est-il resté votre premier objet d’études sur le dix-huitième siècle ?

R : D’une façon savante, oui. Après l’agrégation, j’ai été envoyé au Canada comme coopérant, et il fallait inscrire un sujet de thèse. J’ai alors choisi « Voltaire épistolier » : c’était irréalisable, je m’en suis rendu compte après. Si un tel sujet était faisable, il l’était dans des formes et avec une logique dont je crois que j’aurais été incapable : il fallait en effet se résigner à croire Voltaire épistolier, ou voulant l'être. Mais c'est à cette époque que la thèse de René Pomeau m’a totalement bouleversé : elle reste pour moi la grande thèse sur Voltaire. Quelque chose démarre, donc, pour moi, à 25-30 ans, qui correspond aussi à un premier travail imprimé sur Voltaire, à savoir une édition de Candide que j’ai faite dans ces mêmes années, 1966-1968, édition qui paraît en 1969.

Q : Candide qui, rappelons-le, a précisément été rédigé en ces lieux…

R : Oui, bien sûr, cela m'aurait inspiré (rires). Mais j’étais à l’époque dans mon lointain Canada, les arpents de neiges…

Q : Et de quand date votre premier séjour aux Délices ?

R : Je suis venu pour la première fois aux Délices en 1971 afin de voir Theodore Besterman, à qui je devais proposer une solution à un petit problème qu'il avait rencontré sur une thèse hostile à Théodore Tronchin, thèse que j'étais parvenu, je ne sais plus comment, à identifier. Mais je travaillais surtout, à l’époque, à la BPU, aujourd’hui BGE.

Q : Un chercheur qui s’attarderait sur le catalogue Rero verrait que vous avez beaucoup travaillé sur la période prussienne de Voltaire…

R : C’est de nouveau René Pomeau qui m’a orienté dans cette direction, un peu contre mon gré. J’étais allé le voir en 1974. Je travaillais encore dans le cadre de ma thèse « Voltaire épistolier », et je voulais découper dans l’énorme massif de la correspondance un objet qui soit travaillable en assez peu de temps : on m’obligeait en effet, dans mon université canadienne, à couper court à ce long marathon de la thèse d’État et à devenir au plus vite docteur, grâce à une thèse de troisième cycle. Je revois alors Pomeau m’accueillant, en plein été 1974, et disant : « Vous m’aviez dit que vous vouliez travailler sur la correspondance de Voltaire et Frédéric II comme objet intermédiaire, en attente de la future thèse : mais ce sujet a déjà été pris par Christiane Mervaud ». Il avait évidemment raison. « Mais j’ai un autre sujet pour vous : que diriez-vous de travailler sur la comtesse de Bentinck ? » Tout est venu de là : la comtesse de Bentinck, amie et correspondante de Voltaire durant la période prussienne, mais connue de lui antérieurement, avait généré une énorme masse  de billets (plus de 250) qui étaient encore en vrac dans la correspondance et sont restés tels dans l’édition des Délices puis dans l’édition BestD.

Q : Vous voilà donc lancé sur la comtesse de Bentinck...

R : Oui. Difficile de résister à la parole du commandeur Pomeau : « Vous travaillez sur la comtesse de Bentinck ». J’ai du reste accepté parce que c’était un défi à relever : à l’époque, j’avais une approche très formaliste de la correspondance ; j'avais conçu un modèle d'étude épistolaire à base de structures et de modes divers -c'était le in et le must de l'époque structuraliste- et puisqu'on me demandait de travailler sur une correspondance en vrac, cela relevait véritablement du défi. Arriver à ordonner une correspondance à partir d'indices très fugaces est un défi pour le structuraliste : il faut repasser par l'événement, par le contexte. Je pense m'être adapté aux exigences qui étaient celles de ce dossier, j'en suis sorti. Mais de proche en proche, la comtesse de Bentinck m'avait entraîné à une connaissance plus fine et idéalement complète de la « matière » prussienne, en me forçant notamment à voir la correspondance prussienne dans sa totalité, ce qui m'a mis sur la piste d'une anomalie relative aux lettres à Mme Denis. Je me suis trouvé dérivé, finalement, par le courant né de cette directive d'étude de 1974 : passant d'abord de la période Bentinck à la correspondance prussienne dans sa totalité, massive, très complexe à débrouiller, puis quittant la comtesse elle-même pour une autre femme, Mme Denis.

Q : Cette nouvelle recherche sur les lettres de Mme Denis vous a pris vingt ans et a abouti à l'édition des Lettres de Prusse...

R : Il m'a fallu cinq ans, au départ, pour la première opération intellectuelle et savante qui a consisté à extraire de la correspondance prussienne une quarantaine d'éléments qui s'y trouvaient par erreur ou par défaut -et ceci depuis très longtemps, depuis l'édition de Kehl. Ces quarante lettres de Voltaire à Mme Denis se trouvaient là d'une façon totalement anormale : en les lisant, en travaillant presque jour par jour l'événementiel de la période prussienne, je tombais sans arrêt sur des résistances qui ne venaient que d'une série de lettres qui étaient précisément celles-là. Les informations qu'elles contenaient n'étaient pas compatibles avec d'autres, même recoupées. On trouvait des anomalies classiques du type de l'anachronisme ou du métachronisme, des lacunes (des choses auraient dû se trouver dans ces lettres qui ne s'y trouvaient pas), des incohérences (toute la courbe affective du séjour de Voltaire en Prusse se trouvait en particulier, dans cette série de quarante lettres à Mme Denis, totalement différente de ce qu'elle était dans les autres lettres adressées par Voltaire à d'autres correspondants). Ce qui apparaissait de plus en plus clairement -mais au fond, j'y résistais- à mesure que le travail avançait, c'est que les quarante lettres à Mme Denis étaient éclairées par l'échec du séjour en Prusse. Et alors que chacune, à sa date, aurait dû concorder avec d'autres lettres de même date ou de date voisine, elles ne concordaient pas. Au fond, peu à peu s'est imposé le constat -inacceptable, mais qu'il fallait bien, à la fin, à force d'arguments, accepter- qu'on avait là, sans les avoir vues jusqu'à présent, toutes les données d'une reconstruction épistolaire du séjour en Prusse. Des rétrolettres, si l'on peut dire, des lettres rétrospectives placées chacune à une date fictive, mais écrites en bloc, ensemble, postérieurement, après l'échec du séjour en Prusse.

Q : Mais une autre découverte vous attendait...

R : La surprise fut de m'apercevoir, à un moment donné, avec un soulagement vraiment profond de jeune chercheur rencontrant son maître, ou au moins son inspirateur (mais secret, car je ne l'avais pas connu personnellement) que l'évidence à laquelle je résistais, quelqu'un d'autre l'avait traversée et l'avait vécue, c'était Jean Nivat, que je suis heureux de pouvoir nommer ici, qui avait eu le premier, vingt-cinq ans avant moi, l'intuition géniale du caractère fabriqué de ces lettres prussiennes. Or son approche m'éclairait parce que, s'il avait eu l'idée d'une œuvre de Voltaire perdue que matérialisaient ces lettres prussiennes (une fois qu'on les retirait de la correspondance et qu'on les lisait comme une suite et donc comme un ensemble cohérent), c'est parce que lui avait eu à résoudre un problème différent, que je ne connaissais pas : au fond, j'avais trouvé la solution avant le problème. Et ce problème qu'il avait eu à résoudre, c'était que, dans des lettres ultérieures de 1754, retrouvées très tard, au vingtième siècle, en 1937 exactement (les « lettres d'Alsace »), se dessinait le schéma de la genèse d'une œuvre perdue qu'il fallait identifier. En effet dans ces lettres de 1754 à sa nièce, Mme Denis, Voltaire expliquait le travail même qu'il avait dû accomplir sur la matière épistolaire du séjour en Prusse pour fabriquer ce qu'il appelle une « histoire en lettres », c'est-à-dire une histoire du séjour en Prusse qui le vengerait d'un roi traître à sa parole, un roi qui l'avait non pas seulement chassé, d'une façon ou d'une autre, mais humilié à la face de l'Europe dans le désastre de la séquestration de Francfort. Nivat avait donc eu à se demander ce qu'était devenue cette œuvre épistolaire disparue, cette réécriture épistolaire du séjour en Prusse, cette Paméla prussienne comme Voltaire la nommait par boutade, alors que nous en avions seulement l'évidence en creux, le détail, le progrès presque de semaine en semaine. Il y a au fond un récit de genèse, qui est déposé dans les lettres d'Alsace à Mme Denis, mais nous n'avions pas le répondant, à savoir l'œuvre à laquelle Voltaire avait travaillé en six ou huit semaines, à Colmar, durant l'hiver 1753-1754. De mon côté j'avais trouvé dans la correspondance prussienne un monstre qui n'avait pas de forme, qui n'avait pas d'origine, qui était totalement dérangeant : j'insiste souvent quand j'en parle à un public de jeunes, sur le choc de la recherche improbable, de la recherche imprévue, et sur le fait qu'il faut à la fois y entrer avec une certaine docilité, si l'on peut dire, et en même temps l'assumer comme quelque chose qui va être dérangeant mais qu'il faut néanmoins porter et accomplir...

Q : On peut donc considérer cette œuvre comme un inédit de Voltaire...

R : Oui, c'est le dernier inédit de Voltaire, si l'on excepte quelques lettres et mémoires.

Q : Quand la première publication en a-t-elle eu lieu ?

R : Il faut ici savoir si l'on envisage le faux (les lettres mêlées à la correspondance) ou, en repassant le miroir, la reconstruction de l'œuvre perdue. Il y a un paradoxe étonnant : le faux fut commis, peut-être consciemment, avec résignation, si l'on peut dire, par les premiers éditeurs posthumes de Voltaire, les éditeurs de Kehl, puisqu'ils éditent pratiquement toutes ces rétrolettres à Mme Denis mais noyées dans la correspondance. On peut penser que certains d'entre eux savaient ce qu'ils étaient en train de faire, c'est-à-dire dissocier un recueil premier qu'ils avaient eu entre les mains : il n'y a sur ce point aucune certitude absolue, mais une visite de Ruault, l'assistant de Beaumarchais, à Mme Denis, a produit trois billets de Mme Denis : or dans l'un de ces billets, elle remercie M. Ruault du « livre de lettres » de son oncle qu'il lui rapporte. Les éditeurs de Kehl ont donc bien eu entre les mains ce « livre de lettres » qu'ils ont démembré et qui est devenu, pour deux cents ans, une œuvre ensevelie dans la correspondance.

Q : Allez-vous jusqu'à penser qu'ils savaient que c'était une reconstruction et qu'ils auraient alors mêlé la fiction rétrospective à la réalité des lettres écrites dans l'instant pour nuire à Frédéric II, par exemple ?

R : Je ne pense pas. Ce que l'on rêve de retrouver, ce sont des lettres échangées entre eux (beaucoup de choses subsistent en effet de l'édition de Kehl : on a certes quelques lettres de Mme Denis, mais aucune trace de leur préoccupation ou éventuellement de leurs scrupules). On peut donc émettre les deux hypothèses. Mais je ne pense pas qu'ils aient eu conscience d'une œuvre de réécriture polémique, œuvre de résilience aussi d'un séjour de Prusse que Voltaire avait vécu par la plume, par l'écriture. Les éditeurs de Kehl sont les premiers à éditer la correspondance de Voltaire : ils ont fait le choix d'une suite chronologique intégrale, à l'exception de ces trois massifs que constituent les correspondances avec Catherine II, Frédéric II et d'Alembert. Une de leurs options eût été d'isoler les ensembles pour lesquels ils avaient les deux voix, comme, par exemple, la correspondance échangée avec Mme du Deffand. Mais ce n’était de toute façon pas le cas des Lettres de Prusse, réduites à la seule voix de Voltaire à l’exception d’une lettre de Mme Denis… qu’il s’est permis de fabriquer, où il lui donne évidemment le beau rôle, celui de la nièce aimante et tendre !

Q : Et la reconstruction ?

R : C'est fin 1988, par un hasard de l'histoire qui m'a fait très plaisir sur le moment, j'ai été approché par Philippe Sollers pour donner quelque chose à un numéro de la revue L'Infini, à paraître au printemps 1989, numéro qui serait consacré à Voltaire. Je suis alors entré tout de suite dans l'idée d'une « réparation bicentenaire », si l'on peut dire, puisque deux cents ans après, alors que les volumes de l'édition de Kehl noyant la Paméla dans la masse de la correspondance étaient sortis au printemps 1789, j'avais la possibilité de la donner intégralement. Cela dépassait le format usuel d'un simple article, mais nous avons partagé ce plaisir de donner pour la première fois, en grand, cette monodie des lettres de Prusse, et de la donner sous une forme, convenue avec lui, de faux : de donner enfin à la Paméla (je continue à l'appeler la Paméla par commodité, bien que je n'aime pas ce titre) sa première chance, c'est-à-dire de lui donner la chance de paraître sous une forme lisible dans sa cohérence même, en faisant jouer pleinement le facteur « plaisir » : plaisir de la nouveauté, plaisir de l'unité de l'œuvre aussi. Encore pour cela fallait-il passer par une supercherie et donner cette correspondance comme si elle venait d'être retrouvée, comme si elle était éditée pour la première fois alors qu'elle avait déjà paru dissociée dans l'édition de Kehl. J'ai donc commis à cette occasion le seul faux de ma carrière d'universitaire : une fausse lettre de Wagnière produisant l'effet d'œuvre... J'ai commis, rendez-vous compte, un faux de lettre comminatoire de Wagnière à Beaumarchais !

Q : Nous vous accordons, pour ce faux, l'indulgence plénière... Mais n'avez-vous pas un autre projet relatif à l'édition de Kehl ?

R : Oui, je suis frappé par le caractère encore neuf de l'édition de Kehl dans l'archive qu'elle a laissée de sa préparation. Nous disposons en grande quantité de lettres, de documents divers, de listes, de notes, de récapitulatifs, de consultations, de réponses à des consultations etc., bref de masses énormes d'archives dispersées entre une dizaine de bibliothèques mais entre quatre lieux essentiellement dont les Délices. Or je suis frappé par le fait que tous ces textes, qui sont maintenant largement consultables à distance, sont en partie inertes. Des éditions de Voltaire se sont succédé, mais il reste à découvrir, dans l'archive de l'édition de Kehl, des indices, quelquefois des données, des morceaux de textes qui sont enfouis dans des archives qu'on ne lit plus. Je suis frappé par ce caractère de matériaux en partie nouveaux, ou restés nouveaux par délaissement. J'ai moi-même participé à ce délaissement ! Mais cette sorte d'incompréhension s'explique autrement : on a conçu, dans les années 1970, un grand mépris pour l'édition de Kehl. On a fait passer les éditeurs de Kehl pour des charlots (le terme est un peu vulgaire, mais c'est le cas), pour des gens qui, obsédés par le vedettariat, le caractère presque en soi justifié de leur travail (il s'agissait de la première édition posthume) auraient manqué de soin, de scrupules et même de conscience de l'importance de ce qu'ils faisaient.

Q : Ce n'est apparemment pas le cas...

R : Il y a à l'intérieur de l'édition de Kehl, quand on la lit de près (et j'ai appris à lire les échanges de correspondance entre les collaborateurs de l'édition de Kehl, comme ils s'appelaient eux-mêmes) une très forte conscience de leur rôle, de leur responsabilité et de l'enjeu face à la postérité : les éditeurs de Kehl se conçoivent à la fois comme des pionniers et comme des relais, comme des médiateurs vers les éditions à venir et vers cette édition idéale qu'ils ne peuvent entreprendre parce qu'ils travaillent, eux, sous l'Ancien Régime. La Paméla, par exemple, a été mal éditée, mais elle a été conservée, malgré tout. Même chose pour l'édition des Mémoires : ils ont d'abord renoncé à la faire (c'était un autre écrit anti-frédéricien) et n'ont pu l'éditer qu'une fois l'Ancien Régime aboli : s'il paraît certes une édition clandestine des Mémoires dès 1784, les éditeurs ne peuvent l'incorporer comme texte de Voltaire que dans le volume LXX de l'édition de Kehl, qui paraît en 1790 ! Ceci pour dire qu'ils ont une très profonde et très fine conscience de leur rôle historique.

Q : L'édition de Kehl est donc votre chantier actuel...

R : Je me suis attaché à l'édition de Kehl -c'est mon dernier chantier- avec une équipe qui est en voie de formation, équipe constituée de jeunes dix-huitiémistes que les manuscrits intéressent et qui développent une compétence nouvelle, en particulier grâce aux outils modernes de lecture, de consultation, de grossissement de l'image, etc. Nous travaillons sur la « fabrique » de Kehl, dans toutes les traces qui en sont conservées et qui seront probablement le moteur d'une future édition des Œuvres complètes de Voltaire, laquelle utiliserait les données délaissées et en tirerait parti, ce qui sans doute ne pourra prendre consistance que dans l'électronique, sous forme de work in progress constamment modifiable, amendable et perfectible. Je suis attaché à aller non pas au bout de cette édition mais à la lancer, au moins, et en tout cas à travailler l'archive de Kehl pour la rendre enfin visible sous forme de catalogue, d'inventaire total. Au fond j'aurai travaillé essentiellement sur des chantiers démembrés : une archive épistolaire de la comtesse de Bentinck laissée en vrac par les éditeurs, puis une œuvre perdue de Voltaire qui n'était pas en vrac puisqu'elle restait rangée chronologiquement mais qui n'était plus visible, plus lisible hélas ! et enfin ce dernier chantier auquel je pourrais encore m'attaquer et qui concerne l'édition de Kehl. Je pourrais y ajouter le petit chantier connexe d’un Rameau le neveu, le fameux « Neveu » de Diderot, artiste génial et musicien raté, dont j’ai pu reconstituer la pauvre vie par bribes et morceaux – mais je me rappelle opportunément le grand mot de Voltaire qui doit toujours guider les vieux savants invités aux confidences : « Le secret d’ennuyer est celui de tout dire… »

Q : Nous vous remercions tout à la fois de ce passionnant entretien et, répétons-le, du don très stimulant pour la recherche voltairiste que vous avez fait des archives de votre édition des Lettres de Prusse.

 

 


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© IMV Genève | 16.06.2014